Wall Street, l'argent ne dort jamais : droit dans le mur

Avec Wall Street, l'Argent ne dort jamais, sorte de Wall Street, 20 ans après, Oliver Stone décortique avec ses gros sabots habituels la crise des subprimes qui mit l'économie à genoux en 2008. Et confirme au passage la récession de son inspiration.

Avec son Wall Street sorti en 1987 et le slogan « Greed is good » (« l'avidité c'est bien »), martelé par le cupide Gordon Gekko (Michael Douglas), Oliver Stone craint de n'avoir suscité plus de vocations de traders qu'il n'a ouvert d'yeux sur le monde de requins de la finance. A se demander même si les types qui ont effondré le système mondial à l'automne 2008 ne sont pas autant les enfants du réalisateur que des disciples reagano-bushistes, davantage convaincu par les magouilles de Gekko que par l'idéalisme du jeune Bud Fox (Charlie Sheen). Wall Street II donc, la finance américaine revient et elle n'est pas contente. Gordon Gekko vient de purger quelques années de prisons pour délit d'initié et autres malversations et a écrit un livre sur les dérives de la finance. Le vieux loup, croit-on, est rangé des biftons et clame qu'à son époque, on avait peut-être les mains sales mais on n'éclaboussait pas tout le monde avec. Pendant ce temps, sa fille (Carey Mulligan, anesthésiée) qui ne veut plus entendre parler de lui, file le parfait amour avec le trader Jacob Moore (Shia Labeouf), histoire de titiller son Oedipe. Or Moore est aux premières loges du krach de 2008, puisque sa banque vient de couler et que son patron et mentor (Frank Langella) s'est suicidé. Tout ça à cause de la spéculation meurtrière d'une banque rivale et de Bretton James (par ailleurs ennemi juré de Gekko, tiens, tiens). Moore va donc vouloir se venger et comme Gekko aussi, les deux hommes vont échanger les bons procédés : « je t'aide à te venger, tu m'aides à reconquérir ma fille ». Sans compter les rebondissements épousant les cours de la bourse (malheureusement comme la bourse dégringole, on s'ennuie un peu).

« Fin du monde »

Tout le sel du film d'Oliver Stone (en dehors d'un caméo de Charlie Sheen en forme de plaidoyer contre le mélange alcool/chirurgie esthétique) est de se présenter, mais avec trop de retenue, comme un Le krach boursier des subprimes pour les nuls. On y suit de l'intérieur, dans les bureaux mêmes des banquiers ou de la réserve fédérale américaine, les mécanismes et autres réunions quasi mafieuses qui ont conduit au désastre et l'ont aussi un peu parfois circonscrit. Soit le dépeçage en direct et la tentative de résurrection de la poule aux oeufs d'or. Mais comme on est chez Oliver Stone, tout est toujours souligné d'effets de caméras, d'une morale enfonceuse de portes ouvertes et d'un symbolisme un peu lourdingue : plusieurs fois, Stone nous montre des bulles de savons prêtes à éclater, comme une... bulle financière. Connaissant ce filou de Stone on se demande même si le choix de Josh Brolin pour incarner Bretton James n'est pas lui-même un symbole. C'est en effet déjà Brolin qui incarnait W. Bush dans le film de Stone sur le président américain. Or chaque fois que Brolin apparaît à l'écran c'est Bush que l'on voit, soit le président qui instaura le système des subprimes, ouvrant au passage la boîte de Pandore. Quand Jacob Moore demande à Bretton James devant une version de Saturne dévorant son fils, célèbre tableau de Goya, quelle est la somme qui le ferait se retirer pour profiter de la vie, on sait déjà ce qu'il va répondre : « plus ! ». Et c'est sans doute la seule chose véritablement édifiante et effrayante avec ce film d'Oliver Stone à l'image du système financier. On connaît déjà l'histoire, on voit le mur arriver et on le prend quand même en pleine poire. Sans doute Wall Street n'a-t-il jamais aussi bien porté son nom.

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