Mathieu Sapin détail Gérard
© Mathieu Sapin

Lyon BD : en dessinant le réel, les auteurs sont-ils journalistes ?

Alors que le Lyon BD Festival a ouvert ses portes au public, une journée réservée aux professionnels du genre s'est tenue ce vendredi à l'Hôtel de Ville. Une belle occasion pour questionner les auteurs qui décryptent le réel mais n'estiment pas se ranger dans la case "journalisme".

Crédible fiction ou vérité improbable, la bande dessinée joue avec les codes et s'apparente parfois au journalisme, à l'heure où le reportage BD occupe une place de plus en plus importante. Avec une épouse qui travaille pour Médecins Sans Frontières, Guy Delisle a parcouru le monde. C'est par le dessin que l'auteur a voulu comprendre les pays dans lesquels il a vécu. Son travail ressort sous la forme de Chroniques, albums autobiographiques où il raconte d'abord la Birmanie puis Jérusalem. "On me compare souvent à un journaliste, mais ce n'est pas le cas. Ce que je fais, ce n'est pas du journalisme" insiste l'auteur, qui s'est plus récemment mis dans la tête d'un autre avec S'enfuir - Récit d'un otage.

Lisa Mandel quant à elle, se sent bien plus libre de travailler en se présentant comme dessinatrice. Alors qu'elle vient de sortir Prézizidentielle, l'auteure aux airs de sociologue revient sur ses Nouvelles de la Jungle. "Paradoxalement, on a beaucoup plus d'accès quand on dit que l'on est dessinateur et pas journaliste. Les gens se font une idée sympathique du dessinateur, on est plutôt bien vu" confie-t-elle. Celle qui se rendait quotidiennement dans la Jungle de Calais pour la raconter poursuit. "En n'étant pas journaliste, on se permet beaucoup plus de choses, beaucoup plus d'humour. Même si tout est vrai dans Nouvelles de la Jungle, ce n'est pas un travail journalistique. Nous avions juste à cœur de faire comprendre ce qui se passe, aussi parfois en se mettant en scène et en cherchant à faire ressentir des émotions".

Des intimités vraies aux airs incroyables

Connu comme l'homme des coulisses qui parvient à se faufiler dans des endroits parfois imaginés comme inaccessibles, Mathieu Sapin ne s'est pas arrêté au making of de Gainsbourg, Vie héroïque et Journal d'un journal et publie un album haut en couleur : Gérard, cinq ans dans les pattes de Depardieu. Un travail d'exactitude qui ne laisse aucune place à la fiction. "Le plus difficile avec Gérard, qui est un personnage hors-norme, c'était de rendre crédibles des situations qui ne l'étaient pas, et qui se sont pourtant vraiment passées !" explique-t-il en riant. Là aussi, le dessinateur se met en scène, pour mieux raconter, pour mieux rendre compte de la personnalité d'un homme paradoxal. Mais une fois de plus, ce n'est pas du journalisme. Pour l'expérience, Mathieu Sapin a réalisé avec un journaliste, dont il n'a pas cité le nom, une série d'entretiens qui devaient être mis en dessin. Mais une fois les interviews réalisées, le journaliste et l'auteur ne se sont pas entendus. "Il voulait que je réalise exactement ce qu'il voulait. Sauf que je ne suis pas que dessinateur, je suis aussi auteur, et je veux décider de ce que je dessine. Ça s'est d'ailleurs très mal terminé entre nous. Jusqu'à une menace de procès si j'utilisais les interviews que l'on avait faites ensemble !". Une ambivalence du statut qui ne définit pas plus le neuvième art. La bande dessinée se développe, change et s'essaie à de nouvelles pratiques qu'il est parfois difficile de mettre dans des cases closes.

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