Le “dôme” de l’ancienne clinique Lumière dans le quartier Monplaisir (Lyon 8e) © Nadège Druzkowski

Les secrets de l'architecture lyonnaise : l’Art déco

Partie 2/2. L’Art décoratif, plus souvent dénommé Art déco, infuse l’architecture lyonnaise au début du siècle dernier. Né en 1910, il marie matériaux luxueux et formes géométriques popularisées par le cubisme et l’art abstrait. Privilégiant les lignes simples, l’Art déco incarne la modernité, à une époque où les progrès des automobiles, avions et paquebots sont synonymes de vitesse. Au-delà des bâtiments emblématiques lyonnais, tels l’immeuble Le Barioz ou le palais de Flore (lire ici), de nombreux édifices de tendance Art déco – parfois méconnus – témoignent de cette période.


Lyon 9e

L’immeuble Cateland

Conçu par l’architecte Emmanuel-Pierre Cateland, c’est à Vaise qu’est édifié, en 1910, le tout premier immeuble en béton lyonnais, haut de trente mètres. Ultramoderne pour l’époque – les immeubles typés Art nouveau émergent à peine de terre aux Brotteaux –, avec ses blocs et frises géométriques, bow-windows et loggia au dernier étage, il annonce les prémices de l’Art déco.

© Nadège Druzkowski

Considéré comme le premier “gratte-ciel” lyonnais, il a bénéficié à l’époque d’innovations techniques telles que le chauffage central au charbon, les volets roulants et les canalisations d’eau intégrées dans les poteaux de béton armé. La décoration extérieure est sobre, seules de discrètes mosaïques de faïence ornent les murs.


Lyon 2e

Les bas-reliefs Art déco du 9, quai Jean-Moulin

À deux pas de la passerelle du Collège, l’ancien immeuble des soieries Rosset, avec son architecture organisée autour d’une cour en U, contraste avec les immeubles voisins.

© Nadège Druzkowski

Construit en béton entre 1926-1932 par l’architecte Georges Curtelin, il présente de belles lignes géométriques et est orné au premier étage de quatre bas-reliefs, encadrant l’entrée sur le thème des saisons. Sa grille d’entrée Art déco, ornée de bas-reliefs en bronze, est remarquable. On y retrouve de nombreux motifs géométriques (chevrons, disques et sphères) qui entourent deux figures féminines vêtues à l’antique, œuvres du sculpteur Louis Bertola, grand prix de Rome.


Lyon 3e

La façade Art déco des anciens garages Atlas

Au 65-69, avenue Maréchal-de-Saxe, la façade des anciens garages Atlas présente de très beaux motifs géométriques mêlant frises, chevrons et lignes parallèles.

© Nadège Druzkowski

Construit en 1930 par l’architecte Georges Trévoux pour les établissements Bollache, Laroque et Cie (rebaptisés garages Atlas après la Deuxième Guerre mondiale), l’ensemble comprenait une partie dévolue à l’habitation, une autre au garage. En 1931, l’ajout d’un septième étage permit même d’installer trois courts de tennis baignés de lumière naturelle.


Le saviez-vous ? 

© Nadège Druzkowski

L’emblématique immeuble des “Grands Magasins des Cordeliers”, édifié fin XIXe, est repris par les galeries Lafayette en 1919 et réaménagé en 1924. Deux niveaux sont ajoutés, portant l’ensemble à sept étages, et dotés d’une ornementation typique Art déco.


Lyon 4e

La maison de Claudius Linossier

Au n° 32 de la rue de Belfort, la petite maison au toit plat d’une blancheur immaculée a été réalisée dans les années 1920 par Tony Garnier pour Claudius Linossier (1893-1953). Cette grande figure de l’Art déco lyonnais était tout à la fois sculpteur, orfèvre et dinandier (artiste travaillant le métal en feuille par martelage).

© Nadège Druzkowski

La porte ouvragée, avec ses formes géométriques et sa ferronnerie, est typiquement Art déco. Elle est décorée d’un monogramme représentant, enlacées, les initiales “C” et “L” de l’artiste. L’entrée est surmontée du magnifique bas-relief d’une femme à la chevelure stylisée tenant un vase de fleurs, où figure la devise latine “Ars longa, vita brevis”, “L’habileté artistique est longue, la vie est courte”.

© Nadège Druzkowski

Lyon 8e

L’ancienne clinique Art déco Auguste-Lumière

À la croisée des rues Saint-Nestor et Villon, une étrange tour en béton à redans sert d’entrée à l’édifice.

© BM Lyon

Percé d’ouvertures vitrées longues et étroites le long de sa façade arrondie, ce “dôme” est baigné à l’intérieur d’une douce lumière.

© Nadège Druzkowski

Le bâtiment, construit en 1936 par Paul Bellemain, qui réalisa également l’école d’infirmières Rockefeller, est l’ancienne clinique Lumière. Le co-inventeur du cinématographe, passionné de médecine et de biologie, y avait établi une clinique privée.


Lyon 6e

L’ancien palais de l’automobile 

Au n° 55, avenue Maréchal-Foch, deux bas-reliefs stylisés du sculpteur Chorel – l’un d’une femme cheveux au vent, l’autre d’un homme derrière un volant – célèbrent le mouvement et la modernité.

© Nadège Druzkowski

Ils rappellent que le lieu accueillit le garage Lambrechts, baptisé palais de l’automobile en raison de sa magnificence, l’automobile demeurant longtemps un produit de luxe réservé à une clientèle choisie. Le garage (qui hébergeait les Folies Bergères depuis 1878) prit ses quartiers à cette adresse en 1907 avant d’être reconstruit et surélevé en 1930 par l’architecte Albain Decœur.


Lyon 6e

La verrière des tissages Voiron-Chartreuse

À l’angle des rues Waldeck-Rousseau et Vauban, le prolifique architecte lyonnais Paul Bruyas (à qui l’on doit notamment la villa Berliet dans le 3e arrondissement) érige en 1925 pour les établissements des tissages Voiron-Chartreuse une petite usine dans le style Art déco.

© Erick Saillet

Celle-ci abrite une grande coupole en verre de dix mètres de diamètre. Faite de centaines de pavés de verre ronds, transparents et colorés formant un motif de frise délicat sur le pourtour, elle donne à la pièce centrale une grande luminosité. Un choix esthétique autant que fonctionnel car le bâtiment offrait la lumière essentielle au minutieux travail de la soie. L’usine appartenait en effet à une famille de soyeux et de tisseurs transformateurs de coton. En 1935, le fabricant de soierie Bourdelin s’installe sur le site. Depuis 1980, le bâtiment abrite une maison de l’enfance.


Lyon 6e

Hôtel Lugdunum

Place Jules-Ferry, l’ancien hôtel Lugdunum érigé en 1924 dévoile une architecture Art déco, privilégiant lignes droites et décors aux motifs géométriques.

© Nadège Druzkowski

L’édifice réalisé par Valère Perrier est reconverti en Palace Hôtel jusqu’en 1934 avant d’être transformé en bureaux.


Lyon 6e

L’immeuble du 5, rue Tête-d’Or 

Ce superbe immeuble construit par Paul Bruyas en 1931 présente de belles caractéristiques Art déco.

© Nadège Druzkowski

Des bow-windows ornent le bâtiment, doté à son sommet d’une pergola cachant des terrasses privatives. Le décor aussi bien intérieur qu’extérieur est élaboré : ferronnerie aux motifs de fleurs, consoles sculptées, frise décorative.


Lyon 6e

Les immeubles des 14-14 bis et 18, boulevard des Belges

© Nadège Druzkowski

Le boulevard des Belges révèle d’intéressantes réalisations Art déco, comme les immeubles de 1931 bâtis par Marius Bornarel, rythmés par des bow-windows dont le décor n’est pas sans rappeler celui des tuyaux d’orgue.


© Nadège Druzkowski

L’ascenseur ou l’inversion de la hiérarchie sociale des étages

Au tournant du siècle dernier, la généralisation de l’usage de l’ascenseur (inventé au milieu du XIXe siècle), corrélée à d’autres facteurs comme le développement des nuisances sonores liées à l’automobile, entraîne l’inversion verticale qui s’était établie dans les immeubles au cours des XVIIIe et XIXe siècles. Le premier étage, alors étage noble, est délaissé pour les étages supérieurs, plus lumineux et parfois dotés de terrasses privées. Plusieurs immeubles lyonnais ont conservé de beaux ascenseurs Art déco, comme ici au 85, avenue de Saxe.


Villeurbanne

Gratte-Ciel, un quartier pour s’affranchir de Lyon

Entre 1928 et 1934, Villeurbanne se dote d’un centre urbain étonnant de modernité. Ce projet, à la fois architectural, social, hygiéniste et politique, est dû au maire de l’époque, Lazare Goujon. Élu en 1924, il fait alors face à des enjeux d’urbanisme importants.

© Nadège Druzkowski

Dans le sillage de son développement industriel, la commune connaît en effet une explosion démographique. Sa population passe de 5 000 habitants en 1856 à 42 000 en 1911 pour atteindre 82 000 âmes en 1931. Constituée à cette date de 68,7 % d’ouvriers, la ville dispose de logements souvent insalubres et ses différents quartiers sont mal reliés entre eux. L’affirmation d’une identité urbaine forte répond également à la volonté d’indépendance de la commune, qui souhaite s’affranchir d’un risque d’annexion par Lyon.

C’est un architecte autodidacte, Môrice Leroux, qui remporte le concours pour concevoir le Palais du travail (l’actuel théâtre), qui sort de terre en 1928. Ce dernier est également désigné pour concevoir les immeubles de logements dont les travaux inaugurés en 1931 sont achevés en 1934. Deux tours géantes de dix-neuf étages et soixante mètres de haut voient ainsi le jour. Elles ouvrent l’avenue Barbusse, bordée, elle, de blocs moins élevés. Tous les appartements bénéficient des commodités modernes tels eau courante, gaz, électricité, chauffage central, eau chaude, salle de bain, tout-à-l’égout, vide-ordures, etc.

Pour cet ensemble architectural réalisé en un temps record, quatre ans à peine, architectes et ingénieurs se sont inspirés des buildings américains pour la technique de construction (structure métallique et remplissage en brique) mais aussi pour leur esthétisme. Quant au choix d’une construction en gradins, il rappelle l’immeuble Art déco parisien de Henri Sauvage, rue Vavin. Les immeubles de Villeurbanne, plus épurés, aux formes modernistes, sont néanmoins imprégnés d’une discrète présence Art déco, notamment dans le travail de ferronnerie. Ce sont les premiers gratte-ciel construits en France.

L’hôtel de ville qui termine l’avenue Barbusse a été construit par Robert Giroux, prix de Rome. Réalisé en béton armé, il s’élève sur trois étages surmontés d’un beffroi carré de soixante-cinq mètres de hauteur. Cinquante colonnes cannelées décorent la façade, qui reste d’une grande sobriété.


Le saviez-vous ?

Il est possible de faire un saut dans les années 1930 en visitant l’appartement témoin au 15, avenue Henri-Barbusse.


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