Lyon Capitale n°157
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Il y a 20 ans : Les débuts laborieux des emplois jeunes

IL Y A 20 ANS DANS LYON CAPITALE – Créés en 1997 à l'initiative de Martine Aubry, François Fillon les supprimera définitivement en 2002. Après des débuts cahoteux, les emplois jeunes sont victimes de leur succès dès 1998.

Lyon Capitale n°158, 11 février 1998, © Lyon Capitale

A priori, les emplois jeunes satisfont tout le monde début 1998. Les employeurs emploient pour pas cher et les travailleurs sont assurés de travailler pour au moins cinq ans. Une formule magique qui crée plusieurs milliers d'emplois dans le Rhône, même si elle coûte 80% de chaque salaire payé au SMIC à l'État. Conséquence, les emplois jeunes s'arrachent à Lyon et bientôt il n'y a plus assez d'offre pour satisfaire la demande. Vingt ans après, on reconnaît sans peine que les emplois jeunes ont pu être un tremplin apprécié des jeunes travailleurs, en facilitant leur insertion sur le marché du travail. Si tous les emplois ne répondaient pas, comme prévu, à des "besoins émergents ou non satisfaits", ils ont eu le mérite de mettre le pied à l'étrier d'une génération a qui on prédisait un avenir professionnel difficile.

Lyon Capitale n°157, 11 février 1998, p.4 © Lyon Capitale

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Un article paru dans Lyon Capitale n°158 le mercredi 11 février 1998, signé par Alice Géraud et Natacha Mouillé.

Les débuts laborieux des emplois jeunes

Sitôt le plan Aubry annoncé, Les moins de 26 ans se sont rués par milliers sur les dossiers de candidature. Si l'Etat se devait d'accueillir à bras ouverts le plus gros des troupes, Les autres structures concernées par le plan Aubry n'en sont pour la plupart qu'aux préliminaires.

Déferlante de candidats

La machine emplois-jeunes commence à se dérouiller dans le Rhône. Il y a trois mois, les ministères de l'Education nationale et de l'intérieur s'étaient donné les rôles de lièvres, au risque de sauter trop vite les étapes. Ainsi, plus de 1 000 aides éducateurs ont été recrutés dès les mois d'octobre (lire en page 5), et 272 agents de sécurité sont actuellement en poste dans les commissariats. Premier coup d'accélérateur, première avalanche de candidatures : pour l'Education nationale seule, 11 000 dossiers ont été retirés au rectorat, et 5 500 rendus complets. Même frénésie auprès des collectivités locales. A titre d'exemple, Villeurbanne a reçu plus de 900 demandes pour les 250 postes annoncés. Autant dire que la sélection est rude. Même s'il existe une volonté réelle de ne pas privilégier les plus diplômés, il va de soi que les employeurs seront amenés à choisir les personnes les plus compétentes, ce qui nous ramène au problème de la surqualification. Risque d'autant plus grand que, malgré les efforts conséquents de l'Etat, le nombre de places demeure réduit. Si l'on comptabilise les postes déjà créés et l'ensemble des annonces d'embauche, près de 3 000 emplois devraient tout de même voir le jour dans le Rhône d'ici l'an 2000. La moitié provenant des seuls ministères. Les autres institutions habilitées à recevoir des emplois-jeunes (collectivités locales, entreprises publiques et associations) tendent à traîner davantage le pas.

A petits pas

Les entreprises publiques avancent lentement mais sûrement. A Lyon la Poste est en tête de liste, avec une première vague de 70 emplois-jeunes arrivés en janvier dernier. Leur mission : améliorer la qualité de l'information et l'orientation du public. TCL et SNCF en sont, quant à eux, encore au stade du pré-recrute-ment. TCL attend une réponse au projet de la création de 45 emplois axés sur la sécurité. L'appel aux candidats ne commencera pas avant le 15 mars prochain. Même attente du côté de la SNCF qui se prépare à accueillir 40 personnes dans les mois qui viennent, pour une assistance aux voyageurs et une assistance technique. Tout semble donc encore possible pour les jeunes qui auraient été refusés lors des premières vagues d'embauche. Côté collectivités locales en revanche, tout semble plus. Confus. Au premier plan, il y a les zélées qui font parler d'elles, comme la mairie de Villeurbanne qui mène tambour battant une politique emplois-jeunes particulièrement ambitieuse. Non moins motivées, d'autres se heurtent cependant à quelques problèmes d'organisation. Si la participation de l'Etat à hauteur de 80 % des frais constitue une offre alléchante, créer un emploi n'est pas si simple. Les postes créés doivent correspondre à des besoins émergents, non satisfaits (lire ci-dessous). Recenser ces besoins et définir de nouveaux services est la première étape par laquelle les futurs employeurs doivent passer, travaillant en collaboration avec la préfecture, et la direction départementale du travail. Le défi étant de ne pas empiéter sur les métiers pré-exils-tant. Attention, il n'est pas question de tricher, les syndicats veillent au grain. Autre obstacle, la question de la pérennisation. Le problème se posera au bout de cinq ans de savoir comment donner corps à cette "vocation". D'ailleurs un flou total subsiste autour de la question. C'est ce qu'invoquent les dirigeants des collectivités les plus réticentes, notamment Raymond Barre et Charles Millon, pour justifier de leur enthousiasme mou. Mais on constate surtout que les inégales motivations dépendent pour beaucoup de la couleur politique des élus (lire ci-contre).
Les dessous des nouveaux métiers
Les emplois-jeunes semblent avoir éveillé Chez certains élus et autres chargés de mission de grands élans créatifs. Les emplois en question sont en règle générale affublés de noms incompréhensibles au commun des mortels. Résultat : on ignore souvent ce qui se cache derrière. La loi Aubry du 16 octobre 1997 prévoit que les métiers développés par les emplois-jeunes couvrent "des besoins collectifs, émergents ou non satisfaits". Les secteurs d'activités ont été définis préalablement par le gouvernement. Il s'agit essentiellement des services aux personnes, de la préservation du patrimoine et de l'environnement et de la qualité du cadre de vie. Ce qui représente en soi un vaste domaine d'expérimentation pour des collecte-vites ou des entreprises publiques en mal d'imagination. Un des gros succès du plan Aubry, pour l'heure, c'est la fonction de "médiation", terme assez vague, employé à toutes les sauces et désignant un panel de postes extrêmement variés allant des "médiateurs du livre", chargés de mettre un peu d'ordre dans les bibliothèques, aux "médiateurs de quartiers". Le tout étant de les distinguer des "agents d'ambiance' ou des "animateurs sociaux" dont les missions sont parfois étrangement proches. Autres métiers, autres mystères, les accompagnateurs et animateurs de "citoyenneté" dont le rôle, un peu flou, est d'orienter et d'informer les personnes sur la vie démocratique locale (?). Certains "nouveaux métiers", plus facilement identifiables, n'en sont pas moins critiqués, notamment par les syndicats. Il s'agit de ceux qui tendent à empiéter légèrement, voire franchement, sur les plates-bandes de postes préexistants (animateurs sociaux, coordinateurs petite enfance, agents d'entretien espaces verts, etc.). Dans la fonction publique - éducation nationale et police - on redoute que le recrutement massif d'emplois-jeunes ne remplace d'éventuels postes de fonctionnaires. Idem à la Poste où la mission d'accueil du public dans les bureaux, bien que peu développée auparavant, n'est pas une innovation créée pour les emplois Aubry. Il semble que l'effet de substitution pervers entre emplois-jeunes et fonctionnaires, sans être général, ne soit pas non plus qu'un simple fantasme syndical. Heureusement, loin des polémiques, des métiers au vrai sens du terme ont tout de même réussi à émerger ici et là, soit en répondant à des carences effectives dans un domaine d'activité, soit en créant une offre de services innovante et, tant qu'à faire, utile. Les activités liées aux nouvelles technologies -point traditionnellement faible des administrations - connaissent, grâce aux emplois-jeunes, un récent dynamisme.

Technologie de pointe

A Villeurbanne, Patrick Boccardo, 28 ans, est en charge de mettre en place un site internet et des bornes interactives pour la mairie. Pour cet ex-rmiste, graphiste de formation, "c'est un projet réellement intéressant et motivant". Dans l'histoire, tout le monde est gagnant. Patrick Boccardo a un emploi à la hauteur de ses compétences et pour au moins cinq ans. La Ville va pouvoir se targuer d'un site web tout beau, tout neuf. Les administrés vont pouvoir s'en servir. Sur ce poste, le véritable défi que constitue le plan emplois-jeunes a été relevé. Un service répondant à un besoin a été créé, ce service étant amené à terme à susciter d'autres besoins, etc. Il n'est pas certain que les "ambassadeurs du tri d'ordure" suscitent autant d'enthousiasme.
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