Emmanuelle Durant et Vincent Anglade, le duo qui a succédé, en 2024, à Dominique Delorme à la tête des Nuits de Fourvière, a un profil plutôt “musical”. Emmanuelle Durand a été secrétaire générale de l’Auditorium de Lyon. Vincent Anglade a auparavant travaillé à la Philharmonie de Paris. Aux Nuits, leur programmation est donc davantage tournée vers la musique, sous toutes ses formes et en hybridation avec d’autres arts. D’autant que concerts et têtes d’affiche musicales font davantage tourner la billetterie. N’empêche, les Nuits de Fourvière restent un festival pluridisciplinaire où le théâtre a toute sa place. Ce dont témoigne notre sélection.

Lieux de passage
C’est sans conteste une proposition originale que celle d’Éric Massé et Angélique Clairand, les codirecteurs du théâtre du Point-du-Jour. Ils nous convient à plusieurs soirées théâtrales qui auront lieu dans différents hôtels (Le Grand Barnum - Les Grandes Voisines, Mercure Lyon Centre Lumière et Fourvière Hôtel). Il s’agit en effet d’imaginer ce qui se passe dans ces lieux de passage. Les pièces présentées ont été écrites à partir d’entretiens réalisés avec ceux qui y travaillent et y transitent. Ils ont inspiré les quatre récits qui seront joués dans une étonnante intimité. Proposée à de petits groupes, cette expérience est à vivre dans trois établissements de la métropole – baignés par le cinéma, l’art contemporain, l’art brut, anciennement couvent ou hôpital. Ils influencent ce spectacle immersif et déambulatoire.
Portraits Hôtel – Du 3 au 9 juin
Vincent Dedienne, seul en scène
Ce seul en scène, interprété par Vincent Dedienne, s’inscrit dans le prolongement de Juste la fin du monde, mis en scène par Johanny Bert, que l’on a vu en avril au théâtre de la Croix-Rousse. Où Vincent Dedienne tenait brillamment le rôle principal. On retrouve le duo (Vincent Dedienne pour le jeu, Johanny Bert à la mise en scène) dans cette création théâtrale basée sur le journal tenu par Jean-Luc Lagarce, l’auteur de Juste la fin du monde. Le comédien, accompagné par la dessinatrice Irène Vignaud, s’empare des écrits intimes du célèbre dramaturge afin d’en dresser un portrait émouvant et sensible. Depuis son engagement dans le théâtre – alors qu’il est encore très jeune – jusqu’à sa disparition en 1995, mort du sida à seulement 38 ans. Un journal que l’on peut lire comme l’envers d’une œuvre aujourd’hui célébrée et jouée dans le monde entier, étudiée dans les lycées et les universités. Dans ces quelque 800 pages, on rencontre un jeune homme drôle et solitaire, relatant un parcours et des rencontres mais aussi les avatars d’une époque. Vincent Dedienne a choisi de tirer un fil intime et personnel, où se détachent la solitude, le sexe et sa maladie (le sida). Avec élégance, dans une mise en scène à la fois sobre et sophistiquée signée Johanny Bert, le comédien s’empare de cette langue intense et sinueuse, qui avance par tâtonnements à la recherche de la vérité la plus vive. Le spectacle a connu un vif succès lors de sa création à Paris.
Il ne m’est jamais rien arrivé – Du 4 au 6 juin au théâtre de la Croix-Rousse
Blessure intime
Ce spectacle polyphonique, théâtral et musical de Julien Andujar est basé sur la disparition de sa sœur le 24 septembre 1995, aux abords de la gare de Perpignan. Un fait divers célèbre, à ce jour non élucidé, qui est pour Julien Andujar une blessure intime, profonde. Trente ans plus tard, le petit frère, devenu un artiste reconnu, mobilise tous les moyens du théâtre et de la performance pour retracer l’histoire de sa famille, restituer ses souvenirs et les stigmates de cette absence. Fiction autobiographique, pièce documentaire, numéro de cabaret fantasque, Tatiana est tout cela à la fois et plus encore. Avec énergie et sensibilité, l’auteur et chorégraphe incarne les personnages qui ont peuplé une enfance pas comme les autres.
Tatiana – Les 5 et 6 juin aux Subs

Justice mordante
Avec La Vie est une fête, créé dans le cadre des Nuits de Fourvière, Jusque dans vos bras, sur le thème de l’identité nationale, présenté au petit odéon de Fourvière, ou encore Tout le monde ne peut pas être orphelin, sur la famille, programmé également par les Nuits de Fourvière, la troupe de Jean-Christophe Meurisse, Les Chiens de Navarre, fait figure d’habituée des Nuits. Sans compter qu’elle a aussi joué en dehors des Nuits, souvenez-vous des Armoires normandes ou Les danseurs ont apprécié la qualité du parquet aux Subsistances ! Les occasions n’ont pas manqué d’apprécier cette troupe théâtrale pas comme les autres, qui est sans doute l’une des plus iconoclastes en France. Les Chiens de Navarre portent bien leur nom : quand ils s’emparent d’un sujet, ils attaquent en meute. Ils le déchiquètent de leurs crocs acérés jusqu’à ce qu’il n’en reste que l’os, l’essentiel. Ils sont de retour aux Nuits, programmés au TNP, avec un nouvel opus incendiaire, I will survive, consacré à la justice dans l’Hexagone. Ils mettent en scène deux grands procès, inspirés de faits réels, deux histoires sur les violences sexistes. Un humoriste célèbre a raconté une blague sur les violences faites aux femmes dans sa chronique quotidienne sur une station de radio populaire. Une femme a tué son mari après avoir subi de sa part durant des années des violences physiques et sexuelles. Deux affaires qui enflamment le pays. Jean-Christophe Meurisse et ses compères nous convoquent au tribunal où magistrats, avocats, accusés, victimes et témoins se rencontrent, se confrontent, s’affrontent… en flagrant délire. Nul doute que la machine judiciaire, conduite par cette troupe de joyeux provocateurs, fera apparaître les contradictions et les tourments de notre société. Un procès qui finira par celui de la justice…
I will survive – Du 24 au 28 juin au TNP