Chroniques d'Afghanistan

Ne le répétez à personne.' Dès sa deuxième scène, Ce jour-là, par la voix de Zouan, un marchand prêcheur en guenilles, raconte avec allégresse et gravité, le drame quotidien que vit l'Afghanistan.

Le Théâtre Aftaab, seule troupe de théâtre existant là-bas, n'a avec cette pièce pas les préventions de son personnage : la dizaine de jeunes comédiens dit tout du dépeçage d'un pays écartelé où 'ne pleut que le sang'. Pas étonnant que le spectacle, joué en dari, l'une des deux langues officielles afghanes, tout comme la version du Tartuffe de Molière, moins percutante, figure au générique du festival Sens interdits donné dans toute la région par les Célestins. Réunis en juin 2005 lors d'un stage afghan monté par le Théâtre du Soleil d'Ariane Mnouchkine, les douze garçons et deux filles d'Aftaab ('soleil' en dari...) ont pendant quatre ans peaufiné leurs gammes entre Kaboul et Paris avec une poignée de classiques - Roméo et Juliette, Le Tartuffe et Le cercle de craie caucasien. Au bout de ce cycle, Ce jour-là, leur première vraie création collective, passe leur propre expérience meurtrie de l'histoire récente du pays à travers les tamis conjoints du théâtre afghan et du Théâtre du Soleil.

De la patte d'Ariane Mnouchkine, on retrouve cette construction en chronique, héritée en particulier du Caravansérail. Un événement, une scène chasse l'autre, mouvant comme le décor déplacé à vue du public. La pièce porte un regard afghan, inconnu de nous, sur l'arrivée des talibans en 1996, le 11-Septembre, les frappes aériennes aveugles des Occidentaux... Un trait parfois appuyé, avec quelques longueurs, utiles ceci dit pour installer un climat, raconte l'oppression devenue ordinaire : les barbes et la burka que l'on vous fait porter, les arrestations et violences arbitraires dans les geôles américaines, l'exil subi dans son propre pays. Le tout avec les fards du théâtre afghan traditionnel. L'harangue directe d'un public trop sage, les chansons populaires en battant des mains, l'apparition de figures grotesques telle cette mamma iranienne au bagout démesuré, portent une fantaisie fragile, capable de percer une tragédie ininterrompue depuis quinze ans. De cet ensemble à la fois festif et sombre reste alors une faim, une foi naïve dans le théâtre, et surtout le jeu, que l'on désespère de retrouver sur nos planches à nous.

Christophe Jacquet

Ce jour-là. Le 20 septembre au Théâtre des Célestins, Lyon 2e, le 22 à la Comédie de Saint-Etienne, le 23 au centre chorégraphique national de Rillieux-la-Pape, le 24 au Théâtre de Privas, le 26 au Théâtre de Vénissieux.

Le Tartuffe. Le 19 septembre au Théâtre des Célestins, le 25 au Centre culturel Aragon d'Oyonnax. www.sensinterdits.org

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