Biennale : le spectacle à ne pas rater !

En faisant remonter sur scène d’anciens travestis de cabaret, Alain Platel et Frank Van Laecke nous offrent Gardenia, une comédie musicale qui transcende la question d’identité sexuelle pour nous renvoyer au sens de notre vie. Impossible d’en sortir indemnes !

C’est après avoir vu Yo Soy Asi, un documentaire sur un cabaret de travestis lors de sa dernière représentation avant fermeture, que l’actrice transsexuelle Vanessa Van Durne a eu l’idée de ce spectacle. Elle a retrouvé des ex-travestis ayant repris une vie normale en dehors des lumières, pour les convaincre de remonter sur scène et de parler d’eux. Et de convaincre ensuite le chorégraphe Alain Platel et Frank Van Laecke, metteur en scène de spectacles musicaux qui n’avaient jamais travaillé ensemble, d’en faire une comédie musicale. Le rideau est tombé. Ci et là, des chaises esseulées comme dans une maison de retraite et des corps qui déambulent, en costumes cravates. Ce sont des hommes, bedonnant ou mal foutus qui tremblotent et claudiquent, personnages errants, dont on perçoit pourtant la vie derrière les visages criblés de rides. Peu à peu, le spectacle s’installe dans une remontée vers le temps, non pas pour revenir à la jeunesse, mais pour traverser des vies qui étrangement vont nous projeter vers la nôtre et nous interroger sur son sens. La mise en scène a l’énergie du crescendo, démarrant par de prodigieuses séances de photos où les corps et les mimiques sont captés avec un tel sens du détail, que l’on perçoit en eux des pans de vie entiers. Les corps deviennent beaux, ouverts, jouant du féminin et du masculin. L’apothéose du spectacle se fera sur le Boléro de Ravel avec un défilé où chacun se transforme en des personnages multiples, dans un va et vient époustouflant entre nous et la table de maquillage. Des identités sont lâchées, différentes à chaque passage, qui aboutissent à l’outrance sous les sunlights et la vie retrouvée. Car les auteurs ne lésinent pas sur les robes en strass, les paillettes, les perruques folles, les moues arrogantes et sexuées, avec tout le pathos des chansons, de Clo-Clo (Je vais à Rio), Dalida (GiGi) Aznavour (Comme ils disent) jusqu’à Judy Garland (Other the rainbow).

Mais plus ces êtres sont voyants, plus ils deviennent fragiles et humains. On devine les blessures, les vies rêvées et ratées, la solitude, la mort qui approche, laissant paraître aussi des zones de lumières, pétries d’humour, d’autodérision et de légèreté. A leurs côtés, deux autres personnages, une vraie femme et un jeune danseur qui tout en représentant l’avenir et l’espoir en vient à se poser la même question qu’eux : est ce que ma vie est belle ? Peut-être le miracle de cette pièce est-il dans cette phrase. Car là où l’on pourrait voir une pièce sur l’homosexualité ou sur la notion d’identité sexuelle, on y voit surtout une réflexion essentielle sur le comment faire avec sa vie. Sans doute quelque chose qui soit le plus proche de ce que l’on ressent, par forcément dans les clous d’un modèle de société ou de catégories d’individus. Avec Gardenia, Platel et Van Laecke frappent au cœur jusque dans une magnifique occupation de l’espace par les corps, avec une mise en scène où le mouvement est constamment présent alors même qu’il y a peu de danse. C’est tout l’art de la transformation !

Gardenia d’Alain Platel et Frank Van Laecke, au Toboggan de Décines, du 29 septembre au 2 octobre.
www.biennaledeladanse.com

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