Litige à la fac de droit: les étudiants réclament plus de transparence

Dénonçant un manque de transparence de la part de leur administration au sujet de leurs résultats de fin de semestre, les étudiants en droit de l’université Jean Moulin Lyon 3 ont décidé de prendre les choses en main. Pour se faire entendre, ils ont lancé, mi-juin, une page Facebook sur laquelle ils récoltent des témoignages d’étudiants, et une pétition qui totalise actuellement 608 signatures. La présidence de l’université a rencontré jeudi 23 juin les représentants des étudiants pour éclaircir la situation.

"Nous accusons l’université Jean Moulin d’avoir violé nos droits". C’est ainsi que commence le réquisitoire écrit des étudiants en droit de Lyon 3. "Scandaleuses manœuvres", "notes baissées arbitrairement", la pétition n’y va pas avec le dos de la cuillère. A l’origine du mécontentement, les rendus des copies de fin de semestre qui ne se sont pas déroulés tout à fait dans les règles, et une administration accusée par ses étudiants de "manquer volontairement d’opacité".

Bulletin surprise

Pour évaluer ses étudiants, Lyon 3 a régulièrement recours à des épreuves de QCM, notées selon un barème aussi précis que complexe, appelé "système de médiane". La médiane est une note fixée automatiquement, de telle sorte qu’elle sépare en deux parties égales les élèves selon leurs résultats. Ainsi, 50% des étudiants ont une note supérieure à la médiane, tandis que l’autre moitié est en-dessous. L’intérêt ? Réajuster les résultats de chacun. Car une fois la médiane déterminée, elle est ramenée à la moyenne et les résultats sont recalculés.

Concrètement, cela signifie que si vous avez obtenu un 6/20 à une épreuve où la médiane s’est avérée être à 5, la note affichée sur votre bulletin sera supérieure à la moyenne (10/20). "On l’utilise pour les QCM, car c’est en général un système qui est plus favorable aux étudiants que le système de moyenne", précise Pierre Servet, vice-président en charge du conseil d’administration de l’université. Le côté sombre de la médiane, c’est qu’elle fonctionne dans les deux sens : si vous obtenez 14/20 à une épreuve où la médiane est à 15/20, vous aurez une note inférieure à la moyenne de 10/20 sur votre bulletin final. Comme à l’épreuve de droit des assurances, où des élèves ont échoué alors qu’ils avaient correctement répondu à la majorité des questions.

Ajoutons à cela que, lorsqu’un professeur juge que la médiane est trop haute ou trop basse, il peut la modifier. "Si le QCM a été vraiment raté, le professeur peut considérer que la médiane n’est pas représentative de la validation des acquis et peut choisir de la rehausser, ce qui a pour conséquences de baisser la note finale de l’élève", résume Pierre Servet. C’est ce qu’il s’est produit dans deux épreuves de QCM des 14 auxquelles devaient se confronter les étudiants en Master 1 de droit des entreprises. Lors de ces deux épreuves, la hausse de la médiane a mis dans le rouge 58 et 12 étudiants. Ces chiffres sont à nuancer, car ils restent mineurs à côté de la centaine d’étudiants qui n’auraient pas validé l’une des 14 épreuves si les QCM avaient tous été notés à la moyenne, et non à la médiane.

Flou autour de la consultation des copies

"Si un étudiant demande à voir sa copie, nous sommes dans l’obligation de la lui montrer", rappelle Pierre Servet. Outre l’obligation légale, la consultation des copies est une étape importante des rituels de fin de semestre. Devant le nombre de devoirs traités, les erreurs de correction peuvent survenir n’importe où, et l’élève a alors une occasion de recompter ses points ou comprendre sa note en discutant avec son enseignant. Pourtant, les étudiants se plaignent de n’avoir pu consulter certains de leurs devoirs corrigés. "Moi, je n’ai eu accès qu’à deux copies sur sept", détaille l’une des initiatrices du mouvement étudiant. "Pour certaines sessions, l’administration a prévenu les étudiants deux heures avant", rapporte Majdi Chaarana, président de l’UNEF Lyon.

Pierre Servet concède qu’il peut arriver qu’il soit impossible pour l’administration de planifier certaines sessions de consultation en raison de l’indisponibilité des professeurs. Les étudiants sont alors invités à se tourner vers l’administration pour demander à consulter leur copie individuellement. Une situation qui génère un flux d’élèves compliqué à gérer, entraînant à multiples reprises un refus à la requête de l’élève, à en croire les différents témoignages.

Etudiants énervés

Etonnés par leurs résultats à deux QCM dans lesquelles la hausse de la médiane avait fait baisser leur note, et énervés de ne pouvoir consulter les copies concernées pour tenter de comprendre, des étudiants ont décidé d’agir. Sans attendre, ils ont ouvert une page Facebook pour relayer différents témoignages, et ont lancé une pétition. Pour eux, toute cette histoire n’est pas un hasard. "Lyon 3 poursuit un objectif de compétitivité. L’université souhaite une bonne réputation, être élitistes, et donc baisse les notes", témoignent plusieurs étudiants de la filière. L’UNEF dénonce une "sélection cachée". "C’est une pratique qui ne nous étonne pas de la part de Lyon 3", commente Majdi Chaarana. Il comprend qu’avec un tel manque de transparence, les étudiants se sentent « arnaqués par l’université ».

Ces accusations sont réfutées par Pierre Servet. "On a toujours défendu la qualité de notre diplôme. Ca ne veut pas dire qu’on fait échouer tout le monde non plus, il ne faut pas caricaturer", a répondu le vice-président en charge du conseil d’administration, qui assure qu’il n’y a "aucune forme d’illégalité" dans la sélection.

La présidence calme l’émoi

Une rencontre a eu lieu jeudi 23 juin entre la présidence de l’université Jean Moulin et les représentants de l’UNEF. L’occasion pour les étudiants de faire entendre leur voix, et pour l’administration de se justifier des griefs qui lui sont reprochés. Le rendez-vous s’est déroulé dans un bon esprit, sans accroche à signaler. "La présidence a été très transparente, nous expliquant les notations et les systèmes de médianes", s’est félicité Majdi Chaarana. "Les copies de ceux qui ont échoué à cause de cette médiane devraient être recorrigées en seconde session", a également précisé le président de l’UNEF Lyon.

La présidence de l’université a reconnu pour sa part que le système des médianes méritait d’être revu, et que l’incompréhension des étudiants était justifiée. "L’histoire de la médiane montre bien qu’il y a des marges de manœuvre pour être le plus juste possible. On veut corriger ce système afin d’arriver à une évaluation meilleure", a déclaré Pierre Servet après la réunion. Face à la demande de l’UNEF de "trouver une alternative aux QCM, où il y a beaucoup de hasard", l’université de Lyon 3 a promis de "réfléchir à une meilleure façon de réaliser les questionnaires à choix multiples", sans pour autant supprimer ce type d’épreuves. Par ailleurs, la présidence a affirmé lors de l’entretien qu’elle allait "faire pression sur le secrétariat pour qu’il y ait des consultations de copie à chaque matière", a rapporté le président de l’UNEF Lyon Majdi Chaarana. Pierre Servet a confirmé cette intention d’améliorer la consultation des copies : "ce sont des dysfonctionnement qu’on s’efforcera de réduire".

Le chantier devrait démarrer "dès la rentrée prochaine, avec la participation des étudiants à travers leurs élus" promet Pierre Servet. En attendant, l’affaire reste ouverte. Car sans effort de leur université, les élèves de Lyon 3 sont prêts à passer à l’étape supérieure. "Si rien n’est fait, on pense aller au tribunal administratif", a prévenu une des étudiantes à l’origine du mouvement. A voir également si les changements à venir satisferont les étudiants, qui pointent du doigt, outre ces éléments techniques, la mauvaise communication de leur administration. "On trouve dommage que les étudiants doivent être obligés de prendre rendez-vous avec la présidence pour avoir ces informations sur les médianes et les consultations des copies. Le secrétariat devrait pouvoir le faire", a regretté Majdi Chaarana.

Pétition

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