Le recteur de l'académie de Lyon limogé

Lors du conseil des ministres de ce vendredi 28 septembre 2012, le gouvernement a décidé de mettre fin aux fonctions de Recteur de l’Académie de Lyon de Roland Debbasch. Dans un message adressé aux personnels de l'Académie de Lyon, l'homme décrit le contexte "baroque" de son limogeage. Il dénonce un procès d'intention politique et un jeu de "stratèges qui régentent tout d'en haut". Il estime également "payer aujourd’hui le fait d’avoir été le témoin direct, à Paris et à Lyon, de trop de contorsions liées à des préoccupations de carrières individuelles".

Lyon Capitale publie ci-dessous l'intégralité de cette lettre.

Message aux personnels de l’Académie de Lyon

Mesdames, Messieurs,

Lors du conseil des ministres de ce vendredi 28 septembre 2012, le gouvernement a décidé de mettre fin à mes fonctions de Recteur de l’Académie de Lyon.

Aussi étrange que cela puisse paraître, c’est la première fois depuis l’épuration consécutive à la Libération de la France, en 1944, qu’un recteur de l’académie de Lyon est relevé de ses fonctions à la suite d’un changement de gouvernement. Si je ne m’estime, en aucune manière, propriétaire d’un emploi qui reste à la disposition du gouvernement, je déplore l’extrême brutalité de cette décision. Et cela d’autant plus qu’elle intervient après une rentrée scolaire 2012 réussie, dans un contexte où, en serviteur de l’Etat loyal et disponible, j’ai mené de front, depuis plusieurs semaines, les concertations souhaitées par les plus hautes autorités de l’Etat pour l’avenir de l’enseignement scolaire et pour la préparation des Assises de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche.

Directeur Général de l’Enseignement Scolaire durant près de deux ans, Recteur de trois grandes Académies depuis 10 ans, j’ai exercé ces fonctions avec passion, volontarisme et impartialité.

Le contexte de mon limogeage est baroque : le Directeur de cabinet du ministre est devenu le champion hors norme des recrutements de fonctionnaires, alors qu’en sa précédente qualité de Secrétaire Général de notre ministère, il n’a eu de cesse, entre 2007 et 2011, d’exiger des Recteurs qu’ils soient plus inventifs sur ce qu’il appelait « les leviers de suppressions d’emplois ». En récompense, il a, d’ailleurs, été nommé au tour extérieur Conseiller Maître à la Cour des Comptes par le Président Nicolas Sarkozy. J’ajoute qu’il a longtemps fait partie de ces grands administrateurs généralement issus de l’E.N.A qui ambitionnaient d’être nommés Recteurs, mais ne remplissaient pas les conditions jusqu’à la récente modification du décret statutaire dont il est le promoteur. De mon côté, j’étais, depuis 2002, le seul et le premier dans l’histoire des Recteurs à être issu de l’E.N.A, ayant été nommé Recteur d’Académie au titre de ma qualité de Professeur des universités.

Je ne sais ce qu’en pensent la conseillère du Président de la République et le conseiller du Premier ministre qui occupaient, eux aussi, au Ministère de l’Education nationale, des emplois à la discrétion du gouvernement jusqu’en 2012 (Directrice d’administration centrale et Recteur d’académie). Ils ont, semble-t-il, estimé inapproprié de me faire la moindre proposition pour une autre fonction. Je pensais, pour ma part, que dans la crise sans précédent que traverse la France, toutes les femmes et les hommes de bonne volonté devaient se rassembler autour de causes communes, la première d’entre elles étant le défi de la formation et de l’insertion professionnelle pour tous.

On change les Recteurs sur un procès d’intention politique, mais ce sont les mêmes stratèges qui régentent tout d’en haut, après comme avant. Prenons-y garde, il ne serait pas sain qu’une oligarchie administrative accapare et instrumentalise le pouvoir. Si les arrangements entre amis devaient prévaloir sur l’intérêt général, je les dénoncerais au nom d’une autre conception du service de l’Etat et de la République, d’une autre vision de l’Education nationale de demain.

J’ai, certes, conscience de payer aujourd’hui le fait d’avoir été le témoin direct, à Paris et à Lyon, de trop de contorsions liées à des préoccupations de carrières individuelles. Faut-il rappeler, en outre, que j’étais assisté à Lyon jusqu’au mois de mai dernier par un Secrétaire Général d’Académie qui est devenu l’un des plus proches collaborateurs du Ministre de l’Education nationale ? Après son départ soudain, j’ai dirigé l’académie sans Secrétaire Général durant trois mois, mais avec l’appui constant des Directeurs académiques des trois départements de l’Ain, de la Loire et du Rhône.

Quoi qu’il en soit la décision qui me frappe ne fera que développer encore davantage mon engagement au service de l’Ecole et de la Jeunesse, même si cet engagement se manifestera dorénavant sous d’autres formes.

Fier d’avoir dirigé l’académie de Lyon depuis plus de cinq ans, je remercie toutes celles et
ceux qui m’ont aidé à construire de meilleurs parcours pour nos élèves et nos étudiants : les chefs d’établissements, les corps d’inspection, les professeurs, les personnels administratifs, techniques, ouvriers et de service. Je salue le dévouement et le professionnalisme de toutes ces équipes, l’engagement très fort de ces personnels qui fédèrent la communauté éducative et ne renoncent jamais.

Je souhaite pleine et entière réussite à Madame Françoise Moulin-Civil qui me succède dès demain. Dans la haute et noble mission qui vient de lui être confiée, elle pourra, j’en suis convaincu, compter sur la mobilisation sans faille de tous les personnels de l’Académie. Je m’adresse à eux une dernière fois pour les saluer et les remercier très chaleureusement.

Roland Debbasch

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