Interpol notices rouges

Interpol : abus de notices

Deux ONG dénoncent la multiplication des mandats d’arrêt internationaux, notamment à des fins politiques.

“Interpol a un rôle important à jouer dans le combat contre le crime organisé, mais, quand il est instrumentalisé, son système d’avis de recherche peut avoir un impact humain dévastateur”, a alerté Jago Russell, directeur de Fair Trials International.

Publié fin novembre, le rapport de l’ONG anglaise a attiré l’attention de plusieurs grands médias internationaux, du Guardian au Washington Post. Sur une centaine de pages, Fair Trials International dénonce l’abus des “notices rouges” d’Interpol (les célèbres mandats d’arrêt internationaux) à des fins politiques, bien que la Constitution de l’organisation mondiale de police basée à Lyon l’interdise. Plusieurs régimes autoritaires, dont la Biélorussie, l’Iran, le Venezuela, la Russie et la Turquie, n’hésitent plus à utiliser le système d’Interpol pour arrêter, menacer et faire extrader opposants politiques, journalistes d’investigation ou militants des Droits de l’homme.

Ainsi, en Russie, Petr Silaev, un activiste antifasciste de 28 ans, a passé huit jours en prison et été bloqué six mois en Espagne l’année dernière, sur la base d’une notice rouge d’Interpol émise par Moscou. La justice espagnole a finalement refusé l’extradition, justifiant que le mandat d’arrêt relevait de prétextes politiques.

Une deuxième ONG, basée à Varsovie, Open Dialog Foundation, avait publié un rapport similaire en septembre. Il révèle que l’un des plus gros émetteurs de notices rouges, le Kazakhstan, utilise Interpol pour faire extrader l’entourage du premier opposant politique, l’oligarque Mukhtar Ablyazov. Dans leurs recommandations, les ONG réclament une réforme urgente du système de notices et appellent à la création d’un organe indépendant, au-delà de la commission de contrôle des fichiers d’Interpol (CCF), organe juridique interne qui ne possède qu’un rôle consultatif.

+ 160 % en 4 ans

“Fair Trials a son point de vue. C’est une structure très anglo-saxonne de défense des Droits de l’homme, qui n’a pas une très bonne connaissance d’Interpol, réplique le Français Jean Frayssinet, membre de la commission de contrôle des fichiers d’Interpol. Il y a eu des critiques ces dernières années, mais les choses s’améliorent.”

Depuis l’arrivée de l’Américain Ronald Noble à la tête de l’organisation, en 2000, Interpol a considérablement amélioré ses moyens de communication, tout en multipliant ses avis de recherche. Ces dernières années, le nombre de notices rouges émises par Interpol a explosé, passant de 3 126 en 2008 à 8 132 en 2012. Soit une augmentation de 160 % en quatre ans.

“Aujourd’hui, il y a plus de plaintes politiques car il y a aussi plus de notices”, explique (sous anonymat) un employé d’Interpol. À Lyon, le secrétariat général estime pour sa part dans un communiqué posséder “un système efficace, bien établi, pour identifier et s’intéresser aux requêtes potentiellement politiques”. Un discours qui n’a pas convaincu plusieurs députés européens, lesquels ont envoyé une missive à la Commission européenne le 26 novembre, demandant l’“établissement d’un groupe de travail d’experts pour examiner plus en détail l’abus d’Interpol à des fins politiques”.

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Cet article est extrait de Lyon Capitale 729 (janvier 2014).

Pour aller plus loin :

– Le site de Fair Trials International (en anglais)

– Le site de l’Open Dialog Foundation (également en anglais)

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Sur le fonctionnement d’Interpol, lire notre dossier : “L’immoral financement d’Interpol”

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