À Lyon, les Halles de l’Hôtel-Dieu mettent la clé sous la porte

La fermeture définitive des Halles de l’Hôtel-Dieu a été officialisée ce mardi 3 janvier. En cause, notamment, des loyers trop élevés dans un contexte économique difficile après les années de Covid-19.

Les liquidations de la boucherie Trolliet en juillet et de la Maison Vianey en septembre, puis la fermeture temporaire de l'enseigne Cerise et Potiron avaient fait émerger des doutes sur la santé économique des Halles du Grand-Hôtel Dieu. Près de six mois plus tard les difficultés rencontrées par les commerçants installés dans l’édifice du 2e arrondissement se confirment. 


"On savait pertinemment qu’il fallait au moins 10 ans pour lancer cette Halle", Jean-Luc Vianey, de la Maison Vianey


Ce mardi 3 janvier, les commerçants et leur bailleur, représenté par la société de gestion Scaprim, ont officialisé la fermeture définitive des lieux après 4 ans d’exploitation. "Nous avons partagé avec les commerçants partenaires le même constat d’un contexte économique restant difficile à l’issue de crises consécutives, celle de la Covid-19 et, plus en amont, celle du mouvement des Gilets jaunes. Nous ne pouvons plus poursuivre notre développement dans de bonnes conditions", apprend-on dans un communiqué. 

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Les Halles accueillaient un boucher, un poissonnier, un fromager, un boulanger, un pâtissier, un chocolatier, un caviste, un primeur et un bistrot.

Parmi les neuf maisons arrivées en décembre 2019 dans l'écrin de l'Hôtel-Dieu une seule maintiendra son rideau ouvert, il s’agit du Théodore - Bistrot des Halles. Pignol le pâtissier, Pozzoli le boulanger, Trollier le boucher, Vianey le poissonnier, La Mère Richard la fromagère, Voisin le chocolatier, Guyot le caviste et Cerise et Potiron le primeur ont tous quitté le navire.

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Mort avant d'avoir pris son envol

À l'époque, l'investissement total sur ce projet avait été de 2 millions d’euros. Avec son armada de meilleurs ouvriers de France (Vianey, Pozzoli, Pignol) le concept avait tout pour plaire niché dans un bâtiment splendide, mais classé aux monuments historiques et donc avec de lourdes contraintes. Auxquelles s’ajoutait un loyer annuel alors estimé à près de 530 000 euros pour les neuf artisans installés sur deux niveaux, soit 1 294 m2 de surface commerciale (663m2 en rez-de-chaussée et 631m2 en entresol), entre la cour Sainte Élisabeth au sud et la cour Saint-Henri au nord. 


"On ne peut pas dire que c’était des concurrents, le mot ne convient pas, ça aurait pu peut-être le devenir, mais ça ne l’a jamais été", Claude Polidori, le directeur des Halles Paul Bocuse


Réplique miniature des Halles de Lyon-Paul Bocuse, les Halles du Grand Hôtel-Dieu n’auront finalement pas eu le temps de concurrencer leur ainée. "On ne peut pas dire que c’était des concurrents, le mot ne convient pas, ça aurait pu peut-être le devenir, mais ça ne l’a jamais été", estime Claude Polidori, le directeur des Halles Paul Bocuse. "C’était plutôt prometteur, mais on savait pertinemment qu’il fallait au moins 10 ans pour lancer cette Halle", confie avec le recul Jean-Luc Vianey, parti avant que le lieu ne mette la clé sous la porte. 

C’est que le poissonnier de la Croix-Rousse a eu le nez creux et a préféré limiter les frais en se retirant en septembre du Groupement d’intérêt économique (GIE) dans lequel il se trouvait avec les autres artisans. "Je ne pouvais plus tenir. Il était hors de question que je quitte le paysage lyonnais, je voulais pouvoir continuer à faire mon métier. Le jour où je suis descendu en bas j’avais promis à mes Croix-Roussiens que je ne les abandonnerais jamais. Je suis donc parti avant de tout perdre et que cela viennent bouffer toutes mes sociétés", explique à Lyon Capitale Jean-Luc Vianey. 

Des loyers trop élevés

Outre le manque de personnel pour assurer suffisamment de services au sein de son établissement, ce meilleur ouvrier de France pointe du doigt les loyers trop élevés. "Face à nous, il y avait un bailleur fermé au dialogue, à toute négociation pour pouvoir relancer ce bateau après deux années de Covid. Il aurait fallu que le bailleur revienne au loyer de départ pour nous permettre de relancer la Halle. Il aurait fallu repartir de zéro et pour moi là où est la faute du bailleur c’est de ne pas nous avoir entendu et aidé sur cette partie-là. Ça a fait beaucoup de mal", déplore l’artisan de la Croix-Rousse.


"Face à nous, il y avait un bailleur fermé au dialogue, à toute négociation pour pouvoir relancer ce bateau après deux années de Covid", Jean-Luc Vianey, de la Maison Vianey


De là à faire porter la responsabilité de la fermeture des Halles du Grand Hôtel-Dieu à la Scaprim, le bailleur ? Pas complètement. "Je ne sais pas si on peut tout mettre sur le dos du bailleur, estime Jean-Luc Vianey. Quand on reprend toute l’histoire, je pense qu’il y a un ensemble de choses qui sont responsables de cette fermeture. Si on s’était installés rue Bellecordière peut être que la donne aurait été différente. Nous n’étions pas visibles sur un côté des quais où personne ne passe. Il y a des torts un peu de partout". 

La Maison Vianey était l'un des neuf artisans des Halles du Grand Hôtel-Dieu.

De l’extérieur, Claude Polidori, qui compte certains des artisans touchés parmi ses proches et se dit marqué par cette fermeture, apporte une autre analyse, plus globale, qui l’a retenu de s’engager dans le projet de départ : "Même si le ticket d’entrée était gratuit, l’installation a été très onéreuse et la location était très chère. Vous avez investi beaucoup, vous payez des frais de fonctionnement important, donc vous mettez des prix importants. Pour vous donner une image, quand vous vendez un sandwich à 10 euros il n’y a pas beaucoup de gens qui vont l’acheter, mais pour s’en sortir il fallait vendre cher". 

Après la fermeture de la Cité internationale de la gastronomie, qui a finalement rouvert ses portes en 2022, la fin de l’aventure pour les Halles du Grand Hôtel-Dieu illustre les difficultés de ce lieu emblématique depuis sa réouverture en avril 2018. À l’image d’autres lieux avant lui, comme la Galerie des Terreaux, "c’était magnifique, mais les boutiques ne marchaient pas et nous n’avons jamais su pourquoi", se souvient Claude Polidori, alors même que la Ville de Lyon souhaite rouvrir le site. "Là, ça me donne la même impression. Tout est joli, on est un peu comme à New York, on lève les yeux en l’air, on s’extasie, mais ça ne fonctionne pas. Il y a des endroits qui ont moins de vaines que d’autres", déplore le patron des Halles Paul Bocuse, un poil fataliste.

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