La cuisine lyonnaise cartonne à l'étranger

Revue de troupes et explications.

D'ici quelques jours, Paul Bocuse, tout jeune octogénaire, ouvrira une nouvelle brasserie à l'hôtel Mandarin Oriental de Genève. Une cuisine axée sur la Méditerranée signée par l'un des chefs les plus bankables de la gastronomie.

Si plus rien, ou presque, n'étonne encore de la part du boulimique "Monsieur Paul" (il a récemment inauguré cinq adresses à Tokyo et à Nagoya) qui exporte son nom depuis le milieu des années 70, ce qui l'est plus vient de la nouvelle génération de chefs lyonnais. A 30 ou 40 ans, ils ne tiennent plus en place et ne se satisfont plus d'un seul restaurant ou d'une unique casquette. Ils sont voyageurs, bourlingueurs, curieux et insatiables.

Dernier exemple en date, Jean-Christophe Ansanay-Alex, maestro deux-étoiles de l'Auberge de l'Ile, sur l'île Barbe : le 1er juillet, il ouvrira L'Ambassade à Old Brompton Road, dans le South Kensington, l'un des quartiers les plus huppés de Londres. "Parce que c'est la ville qui bouge aujourd'hui, parce que les Anglais sont, contrairement à ce que certains disent, très connaisseurs et parce que j'ai toujours vécu dans les pays anglo-saxons". Et parce que monter une telle affaire à Londres coûte cher, le lauréat de la Griffe Lyonnaise 2007, ancien chef personnel de Christina Onassis, fille du célèbre armateur grec marié à Jacky Kennedy, s'est associé à Jean-Michel Aulas, le patron de l'OL tout juste auréolé du doublé coupe-championnat.

De Paris à Dubaï en passant par Londres et Erevan
Si, justement, les guéguerres de toques font partie du passé, si, aujourd'hui, il n'y a plus de compétition entre eux, les chefs n'en restent pas moins archi compétitifs, seule condition à leur survie gastronomique. Mathieu Vianney qui vient de racheter La Mère Brazier, mythique établissement dans le 1er arrondissement, va ainsi s'envoler vers Dubaï d'ici à quelques mois. Projet qui a vu le jour notamment grâce à l'excentrique dessein du promoteur Buti Saaed al Gandhi de créer un quartier baptisé "Lyon" en plein Dubaï. La ville la plus riche du monde a l'ambition de multiplier par huit le nombre de ses habitants d'ici 20 ans, une aubaine pour la "cuisine des mères". Mathieu Vianney partira avec Frédéric Berthod (ancien de Bocuse) et Christophe Marguin (patron des Toques blanches lyonnaises), ses deux acolytes de 33 Cité, dernière-née des brasseries branchées de Lyon. C'est aussi à Dubaï que Philippe Gauvreau, deux macarons Michelin à La Rotonde, à Charbonnières, est conseiller culinaire pour le restaurant français Café Chic.

Le consulting culinaire, spécialité locale
Conseiller (ou consultant) culinaire, voilà le métier qui a de la cuisse. Lyon a son pape et ses apôtres. Certes, on retrouve l'inénarrable Bocuse mais aujourd'hui, le véritable ambassadeur, c'est Alain Alexanian. Ancien chef de L'Alexandrin, créateur de A. Point et actuel cuisinier de la boîte de jazz parisienne Le Duc des Lombards, Alain Alexanian se présente d'ailleurs sur son site web comme "food consulting". Il élabore la carte bio de l'hôtel HI, à Nice, celles du groupe Louvre Hôtel et d'une dizaine d'autres restaurants français. Il est également conférencier, représentant la France à Erevan (Arménie). "Lyon reste la référence gastronomique française, avance-t-il. Quand on réussit à Lyon, on peut réussir n'importe où. Et puis, aujourd'hui, les jeunes savent s'entourer". On parle alors de vrais coachs, sortes d'agents de cuisiniers, à l'instar de ceux qui gèrent la carrière des footballeurs. La communication, Nicolas Le Bec, (deux) étoile montante "en jeans et nez au vent", connaît. Le lyonno-breton de 34 ans écume les villes de la planète à la recherche d'idées, multiplie les démonstrations culinaires, enquille les livres. Et les projets : le 26 juin, Nicolas Le Bec va s'installer à l'aéroport Saint-Exupéry et le 15 janvier prochain, il officiera sur plus de

1 000 m2 aux Salins du Midi, au Confluent. Fleurs de courgettes sur le quasi d'agneau du Limousin, le chef est bien placé pour devenir le nouveau chef de l'Opéra Garnier, à Paris, fin 2009.

"Une cuisine identifiable"
Alors qu'est-ce qui explique ce succès de la cuisine lyonnaise ? Paul Bocuse est catégorique : "c'est une cuisine de vérité faite de bons produits". Bref, "avec des os et des arêtes". Et des Grecs rencontrés à l'Auberge de l'Ile, d'expliquer : "Lyon est la capitale de la gastronomie. Ici, on sait ce qu'on mange, la cuisine est identifiable". Référence au vent moléculaire qui souffle dans les cuisines du monde entier. Ce dont Christophe Marguin, bouillonnant patron des Toques blanches lyonnaises, médit. Tout comme... du foot : "On parle de l'Olympique Lyonnais. Ok, ils sont 7 fois champions de France... mais la cuisine lyonnaise, elle, a toujours été là avec la soierie". Et puis, il y a cette dynamique époustouflante des jeunes cuisiniers qui n'ont peur de rien, cette génération zapping qui n'imagine pas faire une seule chose à la fois, et pour laquelle avoir un restaurant n'est plus une fin en soi. Sans oublier le talent. Et là-dessus, Lyon a la frite.

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