Comment le Beaujolais se transforme en Bourgogne

La polémique enfle.Ce matin-là, malgré les 4èmeC cinglants, Olivier Bosse-Platière est dans ses vignes. Ou du moins dans ce que seront ses vignes, d'ici deux ou trois ans. Pour l'heure, le beau domaine viticole du Château de Lachassagne (Beaujolais) qu'il a repris à l'été 2006, n'est qu'un vaste chantier : les parcelles sont pour la plupart à nue, quelques greffons couleur betterave sortant de terre, tous les 80 centimètres. En deux ans, ce viticulteur a arraché 13,5 des 21 hectares de son exploitation, uniquement du gamay, LE cépage beaujolais par excellence, pour replanter deux cépages typiquement bourguignons, pinot noir pour les vins rouges et chardonnay pour les blancs. Olivier Bosse-Platière, guérillero du beaujo' : "Il fallait sortir de l'appellation beaujolais car même s'il faut reconnaître une véritable réussite à travers les beaujolais nouveaux, le marché a disparu pour les beaujolais (ordinaires, ndlr)". A bien y regarder, ce viticulteur ne fait qu'amorcer une tendance assez nouvelle dans le beaujolais : faire du Bourgogne.

Le négoce bourguignon rachète le Beaujolais
D'un point de vue historique, le vignoble beaujolais fait partie intégrante de la Grande Bourgogne. Corollaire : rien n'interdit aux vignerons beaujolais de produire des vins de Bourgogne, ces derniers devant simplement être issus de cépages bourguignons.
Problème : les viticulteurs de Bourgogne ne voient pas d'un très bon oeil ce mouvement de fond, comme Benjamin Danachet, président de l'Union des producteurs de Viré-Clessé pour qui "ça peut nuire à l'image de la Bourgogne". Quant aux négoces, qui avaient déjà un pied dans le vignoble Beaujolais, ils mettent le deuxième tout sourire. La maison Louis Latour (Beaune) a racheté, en début d'année, la maison Henry Fessy (St Jean d'Ardières), réputée pour son brouilly, et il y a quelques semaines, la maison Bouchard, dinosaure de plus de 130 hectares en Côte-d'Or, a mis la main sur le Château Fleurie-Poncié, à Fleurie. Il faut dire qu'aujourd'hui, l'hectare de vigne beaujolais vaut deux à dix fois moins cher que son voisin bourguignon ! Une aubaine.

180 hectares de Bourgogne plantés en Beaujolais
Ce que reprochent justement les viticulteurs de Bourgogne, c'est la conjoncture : "le Beaujolais est en crise, la Bourgogne se porte plutôt bien. Or, il y a 5/6 ans, le Beaujolais nous a quittés quand tout allait pour le mieux pour lui..." explique Michel Baldassini, à la tête du Bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne. Ce à quoi Ghislain de Longevialle, son homologue, rétorque "nous ne voulons pas faire un petit dans le dos des Bourguignons. Ce n'est pas la guerre !". Idem du côté du syndicat des viticulteurs du Beaujolais : "nous avons une histoire commune, nous souhaitons la conserver et ne pas nous priver de chances complémentaires pour réorienter un petit peu notre production" indique Bruno Matray, président de l'Union viticole du Beaujolais.
Pour l'heure, sur les 20 500 hectares du vignoble Beaujolais, un peu moins de 180 hectares sont plantés en cépages bourguignons (150 hectares en chardonnay, 30 en pinot noir) et sont donc classés en Bourgogne.

Le beaujolais veut changer de nom
Mais là où le bât blesse le plus, c'est sur les beaujolais dits classiques : légalement, un beaujolais peut s'appeler "grand bourgogne ordinaire" (lire A savoir). Mais l'appellation étant peu flatteuse (sorte de fourre-tout bachique), chacun cherche de son côté une nouvelle marque : "coteaux bourguignons" pour les Bourguignons, "côtes" ou "coteaux de Bourgogne" pour les Beaujolais. Bref, les querelles de clochers sentent le raisin pourri.
Pour ne rien arranger, les Américains s'en mêlent, indirectement : les frères Farrelly (Mary à tout prix) ont l'intention de sortir un film intitulé Beaujolais, ou l'histoire drôle, assure-t-on, de "rednecks", littéralement, des péquenots. Au bon goût de gamay, alors.

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