St François de Hollande, vrai riche ou faux prophète ?

Alors que les ministres ont jusqu’à 17 heures pour dévoiler leur patrimoine, Michèle Delaunay a préféré devancer l’appel. La ministre déléguée aux Personnes âgées a déclaré pour son couple un patrimoine de 5,4 millions d'euros, portant en grande partie sur des biens hérités, un patrimoine "très important" qu'elle assume, ne s'étant "jamais vécue comme riche", mais dont l'exposition l'inquiète pour l'éventuelle incompréhension.

"C'est un patrimoine très important. Et difficilement compréhensible de la majorité des Français qui sont dans la difficulté", reconnaît la ministre dans le journal Sud-Ouest. "Sachant le contexte politique très tendu, c'est pour moi une épreuve au premier sens du terme. L'opposition ne va pas manquer de s'engouffrer dans l'image de la socialiste riche (…) L'essentiel de ce que m'ont légué mes parents n'est pas un patrimoine immobilier. C'est le sens du travail et le courage (…) Je ne sais que travailler, comme mes parents", ajoute celle qui se dit "normalement dépensière, pas une femme de luxe".

La ministre déléguée aux Personnes âgées et à l'Autonomie s'inquiète du risque d'"opprobre", qu'on puisse lui demander : "Comment pouvez-vous parler du RMI ?" Mais elle ne sera "jamais honteuse" d'un patrimoine dont elle connaît l'origine, "à chaque pas", et dont elle n'a aucunement l'impression qu'il lui "ôte la valeur des choses", assure-t-elle.

Le président qui n’aime pas "les riches"

En réalité, ce n’est pas le décalage avec les "Français qui sont dans la difficulté" qui choque, Mme Delaunay n’ayant a priori jamais lésé personne pour se constituer son patrimoine, mais c’est bien le décalage avec les déclarations réitérées de François Hollande – qui lui-même possède un patrimoine immobilier assez conséquent – à propos des "riches".

Ainsi, alors qu’il débattait en juin 2006 avec Michèle Alliot-Marie (avant donc qu’elle ne fasse des affaires immobilières douteuses en Tunisie), sur le plateau de Mots Croisés sur France 2, François Hollande avait lâché cette phrase : "Oui, je n'aime pas les riches, j'en conviens." En janvier 2007, il nous refit le coup de Robin des Bois, en plaçant à 4.000 euros par ménage le seuil de la richesse. Il poursuivra dans la même veine jusqu’au discours du Bourget en 2012.

Dans son premier grand discours de campagne, le candidat PS avait en effet voulu opposer sa prétendue exemplarité personnelle – "J'aime les gens quand d'autres sont fascinés par l'argent (…), je n'aime pas les honneurs, les protocoles et les palais" – à l'attitude de Nicolas Sarkozy et de "ses cadeaux fiscaux aux plus fortunés". Ravageur, après l’affaire Cahuzac. Cependant, s’il est bien un domaine où François Hollande est "exemplaire", c’est dans sa faculté à singer François Mitterrand, jusqu’à la caricature.

La corruption au sens large

L’ancien chef de l’État avait dénoncé, au congrès fondateur d'Épinay, dans un discours à la tonalité biblique, "toutes les puissances d'argent, l'argent qui corrompt", "qui tue", "qui pourrit jusqu'à la conscience des hommes !" Parole d’expert : de l’affaire Carrefour du Développement, en passant par les scandales de Pechiney, d’Urba, du Crédit Lyonnais, de l’affaire Elf ou encore de suicides inexpliqués jusqu’au palais de l’Élysée, les années Mitterrand furent celles de la corruption au sens large, en dépit des sermons socialistes réitérés.

Le 21 décembre 1989, l’Assemblée nationale, à majorité socialiste, adoptait ainsi un texte en incluant in extremis une courte phrase, lourde de conséquences : l’amnistie de "toutes infractions commises avant le 15 juin 1989 en relation avec le financement direct ou indirect de campagnes électorales ou de partis et de groupements politiques". En raison de l'heure tardive à laquelle le texte avait été adopté, seuls quelques élus socialistes "dans la combine" étaient présents dans l’hémicycle, et tous avaient laissé leur clé de vote en place…

Le mimétisme présidentiel

Au petit matin, les Français découvrirent que tout ce petit monde s’était auto-blanchi, réalisant un véritable hold-up. L'état-major politique du PS, et tous les responsables financiers de l'élection présidentielle de 1988, échapperont définitivement à toutes les poursuites. Une question se pose aujourd’hui : jusqu’où ira François Hollande dans son mimétisme présidentiel ?

Comme le déclarait à Lyon Capitale, le 9 avril, le député du Rhône (PRG) Thierry Braillard, "le plus important est de savoir si la façon avec laquelle on s'est construit ce patrimoine est honnête ou malhonnête, pas le patrimoine lui-même". C’est bien toute la question, et ce grand déballage, qui de ce point de vue est inopérant, s’apparente à une vaste opération démagogique et dangereuse, d’autant que François Hollande a donné le la : à partir de 4.000 euros, on est riche.

Et lui n’aime pas les riches. Mais il "aime les gens". Alors, comment s’en sortir ? Aidons François Hollande à s’aimer et à aimer tous les membres de son gouvernement, aidons-les en les rendant pauvres : s’ils n’aiment pas l’argent, que ne le redistribuent-ils pas aux plus démunis ? Encore un petit effort, et le président de la République citera saint Luc (Évangile 6-26) : "Malheur à vous, les riches ! car vous avez votre consolation. Malheur à vous, qui êtes repus maintenant ! car vous aurez faim. Malheur, vous qui riez maintenant ! car vous connaîtrez le deuil et les larmes. Malheureux êtes-vous quand tous les hommes disent du bien de vous : c’est ainsi que leurs pères traitaient les faux prophètes."

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