DEVOIR D'ALERTE

On ne pensait pas que la véracité de ce sentiment nous sauterait au visage aussi brutalement. Les trois premières personnes rencontrées ? Atteintes d'un cancer... Les suivantes ? Elles parlent tous des proches disparus, des voisins enterrés, de l'inquiétude générale. Rarement dans une enquête les faits nous sont parus aussi évidents. Et pourtant, rarement nous n'avons eu aussi peu d'éléments de preuve à apporter. Nous n'avons que des témoignages. Aucun chiffre. Aucune étude. Aucune certitude. Quand au coupable de cette apparente épidémie de cancers ? Nous n'avons que des évidences à répondre : le village est coincé au fond de la vallée de la chimie dans la région la plus nucléarisée au monde et au bord d'un fleuve pollué au PCB...

Nous ne sommes pas médecins, encore moins épidémiologues. Pas même sociologues. Les outils nous manquent pour analyser notre constat. Et, quelque part, ce n'est pas notre rôle. Quand il s'agit de questions aussi graves que la santé publique, nous avons cependant un devoir d'alerte. Ce reportage n'a de sens que si d'autres prennent le relais, peut-être d'ailleurs pour nous démentir. Nos confrères bien sûr. Mais surtout les autorités sanitaires, la préfecture, les ministères compétents... Pour ne pas qu'on puisse dire qu'on a laissé un drame se poursuivre sous nos yeux, à vingt minutes de Lyon. Bien sûr, on nous répondra que le cancer a beaucoup de causes, qu'il est difficile d'incriminer les poissons contaminés, une centrale ou une usine en particulier. On nous dira surtout que le cancer est le mal du siècle, qu'il tue beaucoup, partout. Mais on ne nous enlevera pas cette conviction que dans ce village, les gens meurent plus que de raison. Ce n'est que l'intime conviction d'une rédaction. Et d'un village. Un village qui a droit à la vérité.

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