Test : Soylent, Joylent, la vie sans nourriture solide

Au cœur de la Silicon Valley, une start-up tente de révolutionner nos repas et d’inventer une vie sans nourriture solide. Bienvenue dans le monde de Soylent et son ersatz de milkshake censé remplacer tous nos aliments. Nous avons testé sa copie européenne, Joylent.

En 2013, l’ingénieur informatique Rob Rhinehart décide de lancer Soylent, un aliment complet prenant la forme d’une poudre à mélanger avec de l’eau. Sans expérience dans l’industrie agroalimentaire, le jeune homme promet aux consommateurs de manger correctement grâce à cette sorte de milkshake et de recevoir la quantité parfaite en matière de calories et d’apports journaliers. Pur produit de hackers, le Soylent réduit le concept de nourriture solide à néant pour le remplacer par une simple boisson sans réel goût à prendre en quelques minutes.

Dans les composants, on retrouve des protéines de pois, du potassium alimentaire, des flocons d’avoine, du soja, du calcium sous forme de phosphates en poudre, de la vitamine C et de la maltodextrine (un sucre utilisé parfois par les sportifs) et bien d’autres choses encore plus ou moins ragoûtantes. Soylent n’est pas exporté en Europe, mais sa composition ouverte a permis à certaines entreprises de proposer leur propre recette sur le vieux continent, à l’image du Joylent néerlandais que nous avons pu tester.

2,33 euros le repas

Tu es fou, tu ne vas pas quand même pas faire ça ?” C’est la phrase qui est revenue le plus souvent avant et durant notre test de Joylent. Les délais de livraison étant rapides, un petit colis est arrivé en moins d’une semaine. Prix pour 5 sachets de goûts différents, soit 15 repas : 35 euros, frais de port inclus. À 2,33 euros le repas, annoncé comme “équilibré”, il est difficile de trouver moins cher pour une formule clé en main.

Pour la suite de l’expérience, direction Internet, où les consommateurs de Joylent se donnent leurs astuces. Parmi eux, Simon, un jeune Lyonnais “dans la finance” qui préfère être discret sur sa consommation : “Je sautais souvent le repas de midi à cause du travail, je n’aime pas faire de longues pauses et je ne veux pas perdre mon temps.” Selon lui, le Joylent doit être préparé la veille pour être parfait : Ça a le temps de mieux se dissoudre et on perd l’effet pâte à crêpe difficile à avaler.” Simon ajoute : Utilise une balance pour doser, ça sera plus simple.” Antoine, un autre Lyonnais adepte du Joylent, nous prévient : Si tu n’aimes pas la vanille, rajoute du chocolat en poudre. Moi, je mets du café instantané dans celui du matin.” Antoine avouera prendre du Joylent surtout par curiosité et pour le fun”. Cet étudiant en droit avait la fâcheuse tendance d’aller au moins une fois par jour dans un fastfood : Ça ne peut pas être pire que ce que je mangeais avant. Entre les kebabs, des hamburgers-frites ou un sandwich, le Joylent est un moindre mal et surtout moins cher. Ma copine aime dire que c’est mon choix entre la peste et choléra” (rires).

Un étrange sentiment de satiété

Tous ces conseils en tête, la veille du début de l’expérience, voici l’heure du premier mélange – réalisé dans un shaker qui rappelle celui qu’utilisent les adeptes de la musculation avec compléments. Premier matin, premier repas entièrement liquide avec du Joylent à la vanille. Le goût n’est pas mauvais et rappelle une sorte de milkshake sans glace. Le plus surprenant est le sentiment de satiété après avoir descendu 600 ml de mélange ainsi que l’énergie à revendre une heure plus tard.

Cécile, community manager pour la start-up Doz, confirme cette sensation : J’ai un coup de fouet et pas faim avant le repas de midi.” Sa seule peur : une dégradation de la dentition, qui peut se gâter lorsque l’on ne consomme pas de nourriture solide (crainte confirmée par un dentiste, qui nous a conseillé de ne pas nous contenter de nourriture liquide). Cécile privilégie le Joylent au petit-déjeuner avec du lait”, un autre conseil que nous suivrons plus tard. Il y a autant d’astuces que d’utilisateurs de Joylent.

Cécile a également essayé le midi, constatant qu’elle n’avait pas de coup de barre par la suite. Cependant, hors de question pour elle de perdre le caractère social du repas. Elle prend donc son mélange dans la salle de repos, avec ses collègues qui sont restés à la nourriture solide. De notre côté, après le repas de midi constitué de Joylent, la “pêche” est toujours au rendez-vous, et surtout aucune baisse de régime ni fringale.

Le produit a un vrai effet dopant, quant à savoir si cela est surtout psychologique ou à cause de nutriments, il semble bien qu’il s’agisse d’un mélange des deux. Aucun petit creux jusqu’au Joylent du soir, qui passe tout seul. Pour ne pas oublier que les dents existent, des chewing-gums sont chargés de faire travailler la machine.

Une rapide lassitude

Le lendemain, passé l’effet de surprise, la lassitude s’installe déjà. On change de saveur pour passer au chocolat. Le petit-déjeuner est bu en quelques minutes, et la faim ne s’invite pas dans la matinée. Seul problème, une furieuse envie de croquer dans quelque chose. Le corps réclame du solide, des galettes de riz permettent de répondre à son appel. Le soir, craquage, besoin de nourriture qui ne soit pas liquide, des pâtes et des tomates remplacent le Joylent, avec l’étrange sensation de sentir chacune d’entre elles descendre le long de l’œsophage. L’estomac semble moins gros, le sentiment de satiété plus rapide, mais c’est fou comme quelques pâtes peuvent faire autant plaisir.

Nous continuerons une autre journée, sans ressentir la moindre fatigue, mais bien un ennui profond. Qu’il est triste de juste faire le plein et de perdre l’aspect social du repas. Pendant que les collègues vont manger au restaurant, on reste seul avec son shaker. Quatrième jour, repas de midi, fin de l’expérience, qu’il est terriblement barbant de se nourrir de Joylent. Le produit nous aura surtout donné envie de manger plus de légumes, de mettre du croquant, de la saveur, des épices.

Après cette cure, tout semble meilleur, plus amusant. Je conserve les sachets pour quelques petits-déjeuners, le coup de fouet n’est pas déplaisant, mais je ne suis pas prêt à manger cela pour le restant de ma vie.

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