Stéphane André, au centre, en charge de la communication du Grand Raid, et Robert Chicaud, le président de l’association Grand Raid ©IPR

"La Diagonale, c'est un peu notre Tour de France"

Interview de Stéphane André, président de l'agence Ilop, en charge de la communication du Grand Raid/ Diagonale des Fous.

Vous êtes en charge de la communication autour du Grand Raid depuis 2000. Quelles sont les grands marqueurs de La Diagonale des Fous entre cette date et aujourd’hui ?
Le monde du trail a énormément évolué. Nous étions à la fin des années 90 plus en phase avec des "marqueurs" montagnards, voir "aventure". Petit à petit nous sommes donc passés, du moins pour les têtes d'affiche, sur un univers plus sportif ou la compétition est fortement présente. Sans entrer dans un phénomène de masse, il y a aussi beaucoup plus d’adeptes. La discipline est en adéquation avec des attentes environnementales plus présentes aujourd'hui.

Quand et comment La Diagonale des Fous est-elle véritablement entrée dans la cour des grands ?
Si le Grand Raid dans sa version actuelle date de 1992, il fut précédé en 1989 par la Grande Traversée qui était conçu sur un format identique. On peut dire que La Réunion a été précurseur en matière de trail et d'ultra. L'histoire l'a donc installé au sommet, aidé par un territoire exceptionnel. Il ne faut pas oublier que le marketing ne fait pas tout. Les caractéristiques de cette île au bout du monde et la chaleur de ses habitants ont joué un rôle majeur.

Comment expliquez-vous son succès ?
Pouvoir traverser un volcan, des cirques en milieu tropical est unique. Ajouté à cela un engouement comme il n'existe nul part ailleurs et vous comprendrez le succès de la course. La Diagonale, c'est un peu notre Tour de France.

Vous évoluez dans l’univers trail depuis 25 ans. Quel regard portez-vous sur le développement du trail à la fois sur l’ile et dans le monde ?
C'est un univers qui a évolué fortement. Les anciens vous diront que c'était mieux avant. Je ne le crois pas ! C'est différent. La discipline s'est structurée, le mode économique l'a investi et pour les meilleurs le niveau a progressé et s'est densifié. C'est un peu la logique d'une discipline en évolution. Mais elle reste tout de même confidentielle et du coup ce qui en faisait son âme, une certaine humilité des coureurs face aux défis qui leur sont lancés perdurent. La solidarité, cet esprit montagnard existe toujours. Certes, on ne voit plus sur la ligne de départ des raideurs avec des gros sacs et des chaussures de randonnée mais un brin de cet esprit est toujours présent.

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Dans les années 2000, les coureurs locaux s’imposaient assez régulièrement sur la course. Pourquoi n’est-ce plus le cas ?
Le niveau a progressé et La Réunion reste un petit territoire de 800 000 habitants. Il est difficile de lutter face au monde ! Les coureurs ont aujourd'hui souvent des passés d'athlètes avec des VMA très hautes. Les qualités de montagnards et l'agilité ne suffisent plus. On a toujours des coureurs très performants et n'oublions pas que des filles comme Camille Bruyas (vice-championne de France 2018 de trail long), Blandine L'Hirondel (actuelle championne du monde individuel et par équipes) ou Estelle Carret (1ere Trail fr Bourbon 2014, 3e TDS 2013) )ont débuté à la Réunion leur exceptionnelle carrière.

Qu’est-ce qui différencie la Diagonale des Fous des autres ultras à l’échelle internationale ?
Chacun véhicule des valeurs propres à sa région. Ici, j'aurai tendance à dire que c'est la chaleur humaine et l'ambiance qui se dégagent de la course. Vivre un départ sur St Pierre est unique et marque toute une vie de trailer. La dureté de la course est un autre élément marquant

"C'est l'UTMB qui est l'équivalent métropolitain de la Diagonale !"

Beaucoup considèrent qu'elle est l’équivalent tropical de l’UTMB. D’accord, pas d’accord ?
Nous existions 15 ans auparavant ! Je dirai donc que c'est l'UTMB qui est l'équivalent métropolitain de la Diagonale !

Pourquoi, avec à peine de 2 kilomètres et 200 m D+ en moins, les coureurs (élites comprises) mettent plusieurs heures de plus pour terminer la course ?
Notre territoire est très, très technique. Il y a aussi des différences fortes de températures tout au long du parcours. Elles existent en Europe mais de manière moins marquée ! La Réunion, c'est l'île des microclimats.

Comment expliquer un taux d’abandons aussi important (26%) si le temps limite (66 h contre 46h30 pur l’UTMB) pour terminer est plus large sur une course plus courte avec moins de dénivelé?
Pour les raisons évoquées précédemment !

Dans quelle mesure La Diagonale des Fous est-elle un marqueur territorial aussi important ?
L'histoire explique cela. L'île est tournée vers sa montagne. Elle était le refuge des esclaves en fuite. Dans l'inconscient collectif, cette histoire est gravée. La population s'identifie fortement à cette épreuve qui est plus qu'une simple épreuve sportive. Elle renvoie à son histoire et à une forme de liberté.

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Qu’est-ce qui fait la magie de la Diagonale ?
Certainement la puissance du défi qui attend les concurrents sur la ligne de départ. Jamais un  nom d'épreuve ne s'est avéré plus exacte ! C'est la diagonale … des fous !

En 2018, les concurrents locaux n’ont pas eu besoin d’être tiré au sort. A-t-on atteint une limite, un déséquilibre inquiétant entre coureurs locaux et étrangers ?
Comme je vous l'exprimais, notre population n'est pas extensible à souhait. Nous avons environ 6 000 coureurs sur l'île, ce qui est énorme. Mais nous sommes aujourd'hui sur des courbes stables. En Europe, la tendance est toujours à la hausse, ce qui est assez normal. Le phénomène n'est pas inquiétant. Est-ce que l'on s'interroge sur le ratio entre les originaires de Haute-Savoie et les autres sur l'UTMB ? Je ne le crois pas !

Quels sont les nouveautés pour cette édition 2019 du la course ?
On est dans une certaine continuité voulue par la direction de course. Quelques ajustements en sortie de Mafate sur Sans-Souci et La Possession, mais rien de fondamental.

Pour quelles raisons La Diagonale des Fous est-elle sortie du calendrier de l’Ultra Trail World Tour ?
C'est une décision qui a été prise par le comité directeur de l’association. L'organisation de l'époque et les différences faites entre les courses étaient difficilement compréhensibles pour les membres du comité. L'aspect purement sportif pouvait être discuté.

Est-il d’actualité qu’il y revienne ?
Une position n'est jamais ferme à vie. C'est le comité qui décidera ou non d'un retour. J'observe néanmoins que le calendrier évolue fortement, que le mouvement fédéral prend ses marques sur l'univers du trail avec des conséquences que l'on peut détecter. Pour les plus anciens, l'exemple de la route doit être présent à l'esprit. Les cinq prochaines années seront décisives sur le devenir de la discipline. J'espère simplement que l'on continuera à avoir de la diversité dans les parcours, les ambiances et que nous tendrons pas vers une sorte de standardisation de la discipline.

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