Retropac, la console soulève des questions, un créateur répond

Une console de jeux vidéo lyonnaise ? Avec le Retropac, les jeunes Noé et Lucas veulent proposer un lecteur pour pouvoir profiter des anciens titres. Vrai projet avec volonté de développer une offre légale ou concept discutable ? L'un des créateurs répond à toutes nos questions.

Lire aussi : La console Retropac est financée, mais la polémique enfle

Article mis à jour le 13/10 : la campagne a été annulée car comme nous vous le révélions dans un autre article, toutes les autorisations n'avaient pas été obtenues.

Deux jeunes Lyonnais, Noé et Lucas, ont décidé de lancer une console de jeux vidéo qui permet de profiter des anciens titres. En financement participatif sur Kisskissbankbank.com, le projet n'a pas manqué d'interroger les passionnés de retrogaming (anciens jeux vidéo) soulevant quelques critiques au passage. Contacté par Lyon Capitale, Lucas Di Lorenzo, l'un des créateurs, a accepté de répondre à nos questions.

Lyon Capitale : À quoi sert la Retropac ?

Lucas Di Lorenzo : C'est une console qui permet de rejouer à une vingtaine d’anciens systèmes, depuis l’Atari 2600 de 1978 à la Gameboy Advance de 2001.

Avec une telle console, n'encouragez-vous pas le piratage ?

Des jeux open source sont fournis avec la console. Notre but, c'est de proposer une offre légale satisfaisante, sans devoir passer par le piratage. On se positionne comme un lecteur MP3, c’est-à-dire que nous sommes juste un lecteur et nos clients sont responsables du contenu qu’ils installent. On est conscient que pendant six mois, les gens devront peut-être "borderline". S'ils veulent jouer aux jeux, il y a des offres libres de droits et des homebrews qui sont très bons (NDLR : homebrews : programmes développés par des passionnés). On ne dit pas aux gens d'aller télécharger un Super Mario Bros et on ne les y encourage pas non plus. S'ils décident de le faire, ils en sont responsables.

Vous ne proposez donc pas de télécharger des jeux directement depuis la console ?

Pour les émulateurs "Game and watch", les jeux sont libres et gratuits, donc il y a un système pour les télécharger directement. Pour les autres jeux, nous voulons offrir une marketplace légale dans un second temps.

Pour certaines consoles de la Retropac, il faut télécharger un fichier BIOS qui n'est pas légal...

… la PlayStation, l'Odyssé et la Lynx nécessitent un bios obligatoire, si l'utilisateur veut télécharger du contenu, il peut le faire. S'il trouve une offre légale de BIOS, il peut le faire, mais nous ne fournissons pas ce BIOS.

Votre console est-elle un Raspbery Pi avec le système RetroPie comme certains vous accusent ?

C'est un Raspberry Pi 3 modèle B, nous créons une console tout public et en règle générale seuls les avertis connaissent les Raspberry Pi, ce n’est donc pas la première chose que nous mettons en avant. Sur l'étiquette, c'est précisé "Powered by Raspberry Pi", tout comme sur la page de crowdfunding. Il s'agit d'un modèle overclocké avec dissipateur pour le refroidissement et pas de ventilateur. La coque sérigraphiée est une création unique. Après, ce n'est pas RetroPie, mais notre propre OS, NostalOS avec des émulateurs libres de droits. Nous publierons le code source des émulateurs comme la législation nous l'impose. Nous avons échangé avec les créateurs de Retroarch/Libretro et que ceux-ci nous ont dit qu’ils "ne s’opposent pas à une utilisation commerciale" (NDLR : Retroarch/Libretro, systèmes avec plusieurs émulateurs).

Que répondez-vous aux gens qui disent qu'ils peuvent faire une console proche en installant un RetroPie sur Raspberry Pi ?

On ne s'adresse pas aux personnes qui peuvent faire leur console toutes seules, si elles en ont les capacités alors on les y encourage ! On s'adresse à ceux qui ne connaissent pas ce genre solutions. La console est montée, prête à l'emploi, elle démarre en 15 secondes, les jeux se lancent rapidement. Le pack à 100 euros sur Kisskissbankbank comprend un Raspberry Pi, deux manettes, des jeux open source et la connectique nécessaire. On fournit une garantie de 2 ans et une assistance technique. En cas de problème, on se connecte à distance en moins de 48 h et si on n’arrive pas à la réparer, on l'échange. Si on achète tout à l'unité, on en a pour 75 euros sans le système, ni montage ou garantie. On a créé notre OS pour avoir un système simple, qui peut être utilisé par tout le monde. Une autre chose très importante est que la console soit certifiée CE, ce qui n'est pas le cas d'une console qu'on fait à la maison. Si ça prend feu, l'assurance ne marche pas. En décembre, on va donc débourser entre 12 et 15 000 pour avoir cette certification CE grâce à des tests en laboratoire.

Comprenez-vous certaines critiques ?

La moitié du temps, les accusations des gens ne correspondent pas à ce qu'on propose : on a par exemple des gens qui publient sur notre page Facebook pour nous accuser d’utiliser Retropie dans notre console, sans même se renseigner. La pire critique, ça a été : "un boitier horrible et un logo qui fait saigner les yeux". On a passé du temps dessus, ça fait mal.

Pourquoi ne pas proposer une marketplace dès le début avec une offre légale ?

Nous sommes étudiants pas encore diplômés, et si nous étions allés voir les éditeurs, ils nous auraient ri au nez. Pour l'instant, nous proposons des jeux libres, mais à horizon d'un an, nous allons faire en sorte de mettre en place une marketplace directement accessible depuis la console. C’est également pour cela que nous avons choisi de créer notre propre OS, pour pouvoir en choisir les orientations et le modifier à volonté. On se doute que Nintendo et Sega vont être plus durs à attraper. Ils capitalisent encore sur certaines anciennes licences comme Pokémon ou Sonic. Ils pourront ne pas vouloir être sur notre boutique pour ne pas se cannibaliser eux-mêmes, mais pour d'autres jeux qu'ils n'exploitent plus, on peut réussir à les convaincre. Les constructeurs de consoles ne sont pas les seuls éditeurs et on souhaite avoir l’offre la plus étoffée possible : nous irons voir aussi du côté d'éditeurs moins connus. En terme d'évolution, nous n'avons pas d'autres choix et notre logique est claire : faire la console, la marketplace avec une offre légale, tout en continuant à apporter plus de capacités techniques à la console.

Que se passera-t-il si Nintendo ou Sega refusent de travailler avec vous, ce qui est probable ?

Nous pensons que les éditeurs ont intérêt à nous suivre économiquement parlant, car en dehors des licences phares comme Metroid, Mario, Pokémon ou Sonic, ils ont édité quantité d'autres jeux qu'ils ne commercialisent désormais plus. Il nous faudra leur prouver qu'il y a un réel marché, même pour les licences les plus petites. Cela consistera donc en une longue négociation pour réussir à valoriser tant notre console que leurs jeux ! Si nous n'y arrivons malheureusement pas, il nous restera toujours bon nombre d'autres éditeurs à aller démarcher.

Pourquoi l'offre légale actuelle ne vous paraît pas satisfaisante ?

Elle tient plus de la rétrocompotabilité, il faut acheter la nouvelle machine Nintendo pour jouer à l'ancienne. Cette offre légale est très mal ficelée. Nous voulons mettre en place une boutique en ligne à la façon d'un PlayStation Store, rétribuer les éditeurs. Pour le moment notre business model, c'est de vendre de la console.

N'avez-vous pas peur de rater votre campagne de financement ?

Nous sommes plutôt satisfaits du départ. Beaucoup de journalistes se sont intéressés à nous. Nous suivons une courbe classique, et si nous n'explosons pas les chiffres, nous ne sommes pas mauvais non plus. Toute la société s'est montée entre le 1er mai et 31 août. Au niveau moyen pour la promotion, on n’a rien dépensé pour l'instant si ce n’est l’organisation de notre soirée de lancement. La campagne de financement nous permet de nous faire connaître.

Si vous n'arrivez pas à la boucler, êtes-vous prêt à ajouter de l'argent de votre proche ?

Cela va dépendre de la fin. À 12 000 euros, ça représente une marche trop importante, ça voudra dire que le marché n'était pas réceptif. À 14 990, s'il faut dix euros on les met (rires). Si le marché ne suit pas, les banques ne vont pas nous suivre non plus. Cette campagne de financement, c'est aussi un test pour savoir si notre concept intéresse les gens.

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