@Fabian Bodet

Marathon du Mont-Blanc, à Chamonix : le premier trail mondial (ré)organisé en France

Fred Comte est directeur du club des sports de Chamonix, organisateur des 7 courses du Marathon du Mont-Blanc, l'un des plus grands événements mondiaux de trail.

Le Marathon du Mont-Blanc, événement qui regroupe 7 courses (du 23 km au 90 km en passant par le kilomètre vertical), se déroule du 1er au 4 juillet à Chamonix. De résonance mondiale, il sera particulièrement scruté pour être l'un des premiers très grands trails à être organisé en France depuis le début de la crise sanitaire. Lyon Capitale en parle avec Fred Comte, son organisateur.

Lyon Capitale : Comment avez-vous finalement pris la décision d'organiser le Marathon du Mont-Blanc ?

Fred Comte : Dans notre tête, on était sûr de l'organiser car on a lancé les inscriptions au mois d'octobre et la troisième vague n'était pas encore arrivée. On lance les inscriptions, tout va bien. Finalement, la troisième vague arrive, on se dit que ça sera fini à Noël. Et ça dure, ça dure. Le temps passe. On ne sait pas, personne ne sait. On se pose alors la question de décaler ou non. La préfecture ne donne aucune réponse claire. Après, on a le plan de déconfinement. Dès lors, ça nous a donné un pue plus de vision : on savait qu'on n'avait pas le droit d'organiser des événements de plus de 500 personnes avant le 30 juin et qu'il y avait un couvre-feu jusqu'à 23h. Le couvre-feu de 23h à 6h excluait le 90 km du mont Blanc et le Duo étoilé. Quant à la limitation des courses à 500 personnes, elle excluait 80% de l'événement du Marathon du mont Blanc.

La question est alors de savoir si vous décalez ou non...

Oui. On a eu la bonne et la mauvaise expérience de l'année dernière : on avait essayé de décaler. Ça a été hyper compliqué, notamment du fait du très riche été en termes d'animations sur Chamonix. On avait une seule date possible qui ne nous arrangeait pas forcément. C'était le fameux week-end du 4 juillet, à une semaine de la Coupe du monde d'escalade. Donc ça nous faisait les deux événements l'un derrière l'autre. Après, le programme estival de Cham' était tout complet, on ne pouvait pas mettre le Marathon au milieu. Et après on se retrouvait à l'automne avec les mêmes problématiques que l'année dernière. Faire le Marathon quinze jours de l'UTMB, au niveau sportif, ça ne pose pas de soucis, mais au niveau local on peut vite arriver à une ingestion du trail. Sachant que fin septembre on a aussi le Trail des Aiguilles rouges. On ne pouvait donc pas raisonnablement faire fin août l'UTMB, mi-septembre le Marathon du Mont-Blanc pour finir par les Aiguilles rouges. Du coup, on décale d'une semaine avec très peu de vision sur ce qu'on pouvait ou ne pas faire.

@Fabian Bodet

Comment s'est passé le dialogue avec la préfecture ?

Ca n'a pas été simple avec la préfecture. C'est quelque chose de très haut-savoyard car on tombe sur le week-end du tour de France en Haute-Savoie et la Coupe du monde de VTT aux Gets. La préfecture était vent debout. On ne nous autorisait pas à organiser. On a fini par avoir l'autorisation. Après, on a eu deux soucis suite à ce décalage : on se retrouve avec 80% de gens contents et 20% de gens vénères qui se sont entraînés et ne peuvent pas venir cette année. On s'est fait traiter de tous les noms sur les réseaux sociaux. Ce n'est pas très agréable. Et en parallèle, on a des bénévoles qui ne peuvent plus venir, les purs bénévoles et tout les dispositif de secours (Croix-Rouge, La Chamoniarde...).


Le Marathon du Mont-Blanc est une énorme machine de 12 salariés à temps plein et 500 bénévoles


L'organisation a-t-elle été particulièrement compliquée cette année ?

Oui ! Mine de rien, quand 20% des gens ne viennent plus, et mécontents en plus, qu'il faut rembourser... On a reçu 1600 mails le jour du décalage de l'événement. Ils ont pris le temps de nous écrire, il a donc fallu qu'on prenne aussi le temps de leur répondre. C'est là où certaines personnes ne comprennent pas : “pourquoi vous ne faites-vous pas ça ?”, “Pourquoi ne revendez-vous pas les dossards ?”. Il faut comprendre que l'organisation du Marathon du Mont Blanc est une énorme machine. On n'a pas le temps de revendre les dossards.

@pierre raphoz

Une "machine" de quel gabarit ?

On est une douzaine de salariés du club des sports et plus de 500 bénévoles qui bossent en permanence. Il faut coordonner tout ce petit monde, sur sept courses, tous les dispositifs de secours, la logistique des ravitaillements, l'acheminement des ravitaillements en altitude... Chaque structure a ses problématiques.

Comment vous-êtes vous adaptés pour cette édition 2021 ?

Il y a d'abord tout ce qui est lié à la crise sanitaire. Au moment où on a pris la décision et au moment où on a déposé le dossier en préfecture, les choses ont changé. Il faut déposer le dossier deux mois à l'avance donc ce e qui était vrai il y a deux mois ne l'ets plus aujourd’hui, tant mieux. Il n'y a plus de départs et d'arrivées dans le centre de Chamonix. On s'est décalés sur l'air des parapentes d'où part historiquement le 23 km. Là, on a de la place, on peut faire des sas. Au 42 km, il y aura six sas au départ, de 300 personnes max chacun, soit 1 200m2 chacun. Les coureurs auront donc auront 4 m2 chacun pour qu'il y ait le moins possible d'attroupement. Sur le 90 km, on ne passe pas en Suisse parce qu'on ne savait déjà pas comment organiser en France, alors en Suisse.. . Sur le 23 km et le 90 km, on a aussi décidé de monter au dessus du Montenevers, à un endroit qui s' appelle Le Signal, qui est juste un point de vue fabuleux. On arrive sur un petit plateau avec des cairns, une vue sur les Drus et les Grandes Jorasses.

Il y a aura donc plus de dénivelé positif donc ?

La grimpette est effectivement un peu plus longue, mais pour 100 m de dénivelé positif en plus seulement. Ce n'est pas un truc de dingue et ça vaut vraiment le coup. On réfléchit toujours à l'expérience du trailer. C'est cent fois plus beau de passer par là-haut.

@gaetan haugeard

Et les masques : obligatoires ?

Oui, les masque sont obligatoires au départ, à l’arrivée et aux ravitaillements. Maintenant, au 30 juin, un décret indique que pour les événements de plus de 1000 personnes il faut un pass sanitaire. Ce qui nous impacterait sur le 23 km et le 42 km. Mais pour le moment, on garantit l'étanchéité des sas et des vagues de coureurs : nous serons jamais plus de 1000 coureurs en instantané. Pour le reste, nous ne pouvons pas gérer les accompagnants, considérés comme des touristes normaux et soumis aux règles sanitaires en vigueur.


Plus de bouteilles en plastique. On produit notre propre eau gazeuse.


Les ravitaillements, c'est le deuxième gros changement 2021...

On a dû repenser tous nos ravitos pour que les coureurs n'aient pas à toucher la nourriture et qu'il n'y ait le moins de contacts possibles par rapport aux bénévoles. On a revu aussi ce qu'on va donner aux gens : on va manger un peu différemment. Avant, par exemple, la tomme produite dans la ferme de Montroc était servie à 200 mètres du ravitaillement de Tré le Champ, la tomme de la ferme de Vallrocine était servie au ravito Vallrocine. Cette année, on ne va couper de la tomme et la donner de la main à la main. On aura des produits dans des contenants. Le coureur dira ce dont il a envie et le bénévole lui donnera avec une pince.

Et il y a la gestion de l'eau, majeure...

On a supprimé toutes les bouteilles en plastique. C'est un changement majeur pour nous, oui. On en avait 70 000 sur les sept courses. On avait déjà eu cette réflexion il y a deux ans, avec l'épisode de canicule. On avait quelques ravitos équipés de cuves à eau. L'année dernière, on était prêt, on avait avait acheté des cuves à eau qu'on avait retravaillées avec un système distribution avec des pistoles, comme les pompes à essence pour remplir rapidement les gourdes et poches à eau. Les cuves sont montées sur des supports. Mes équipes techniques ont fait des supports réglables pour mettre dans la pente ou pas. Et puis on essaie de voir des ravitos proches de sources naturelles ou d'eau potable. Après, il y a toute la problématique de l'eau gazeuse. On est allé dans un truc un peu fou. On produit notre propre eau gazeuse. On a acheté 550 fûts de bière, on prend l'eau du réseau de Chamonix. On travaille sur la grosseur de la bulle pour la digestion. On a même mis des sels minéraux en ajoutant des électrolytes. Il faut être un peu barjot car ça coûte cher. En principe, avec tous partenaires, c'est gratuit. Et là, du coup on a investi énormément d'argent. On veut tous un peu préserver notre vallée. Il y a 30 ans, les gens balançaient tout sur les chemins. Aujourd'hui, il n'y plus un papier par terre. Après, on a supprimé les 100 000 verres en plastique. Après, on a eu l'épisode des gels, qu'on retrouvait parfois sur les sentiers. Aujourd'hui, l'équipe des nettoyeurs de chemins ne ramassent plus rien. Il y a donc eu une vraie éducation, ça va dans le bon sens.

@Fabian Bodet

Qu'est-ce que la Golden Trail Series a-t-elle changé pour le Marathon du Mont-Blanc ?

On a toujours eu de la chance parce qu'on a toujours été un événement très international. On avait 60 nations il y a dix ans au départ, on en a 80/85 aujourd’hui. On on a été le seul événement, avec l'UTMB, avec autant de nations au départ. Et un plateau sportif de très grande qualité. Ce qui a changé avec la Golden Trail Series, c'est qu'avant, il y avait une dizaine d'élites, aujourd’hui on en a 60 chez les hommes et 50 chez les femmes. En fait, c'est ce qu'on a voulu créer avec Salomon et les autres organisateurs : rassembler, une fois par mois, toutes les élites mondiales au départ d'une course pour créer une forme de petite coupe du monde, commenen ski ou en Formule 1. Pour cette troisième édition de la Golden Trail Series, on a une densité d'élites hallucinante. Entre nous, ça ne nous apporte pas grand chose, dans le sens où on est piquousé aux sports fédéraux, puisqu' le club des sports de Chamonix a 25 sections sportives, qu'il bosse avec toutes les fédérations françaises ou internationales. Ce que je veux dire, c'est qu'on est habitué à organiser les coupes du monde. Et ça fonctionne bien. Pour moi, le plus important, c'est la reconnaissance du sport et des trailers. Sachant que le trail reste compliqué puisque que si on ne prend que notre événement, entre celui qui va gagner le kilomètre vertical et le 90 km, les deux extrêmes, ce n'e sont pas les mêmes profils de coureurs, physiologiquement, et après si on parle de l'ultra trail, c'est encore un peu différent. Et même si un Kilian (Jornet, NdlR) est capable de gagner le KV le 42 km et l'UMTB, c'est un peu l'exception, il y a encore une forme de spécialiste. Si on regarde Xavier Thévenard, en 2018, il fait seulement13e au 42 km seulement. Il est clairement dans une filière d'ultra. Sur un 42 km, ça va trop vite pour lui. Quand il franchit la ligne d'arrivée, il est juste chaud. Aujourd’hui, on a quand même des athlètes de super haut niveau. Ils ont besoin qu'on les connaisse, qu'on les reconnaisse. Ce sport qui est jeune a besoin de grandir. Et si on veut qu'il grandisse, il faut qu'il soit facilement lisible par les médias et par tout le monde. Aujourd’hui, le trail n'est quand même pas très visible.


Le trail est un sport jeune qui a besoin de grandir. Pour cela, il faut qu'il soit visible par les médias et le grand public.


Entre l'UTMB et Marathon du Mont-Blanc, l'entente est cordiale ?

On s'entend très bien. L'UTMB, c'est quand même le club de sports de Chamonix qui l'a créé en 2003, ce que tout le monde oublie. Il est vrai qu'on n'enlèvera jamais à Michel Poletti d'avoir eu de nouveau l'idée de dire qu'on pouvait faire le tour du mont Blanc en non-stop et en individuel. Car des tours du mont Blanc il y en avait plein, par équipes, ou avec d'autres formules, que ce soit nous ou des orga' extérieures à la vallée. À l'époque, c'est le club des sports de Chamonix qui a porté le budget de l'UTMB, qui a organisé l'événement avec les communes sur lesquelles passait la course. Aujourd’hui, je n'en veux surtout pas à Michel. Le créateur de l'UTMB, c'est lui. Mais n'oublions pas que le club des sports de Chamonix a porté le budget. S'il i'l y avait un problème, ça retombait et pas sur lui qui était membre du Club des sports.

On s' entend donc très bien, à tel point que ce printemps on a fait pas mal de réunions, notamment avec Isabelle, sa fille, désormais à la tête de l'UTMB, pour voir ce qu'on pouvait faire avec la maire et la préfecture, principalement sur les départs.

@ Fabian Bodet

Ce sont deux événements qui ont grandi en parallèle...

Oui, après ce sont deux événement qui, finalement, ont grandi de façon parallèle, sans concurrence car l'UTMB faisait du très long, le Marathon du Mont-Blanc du très court. Aujourd’hui, l'UTMB commence à faire du court et nous du plus long. Eux c'est une entreprise privée, nous on est une asso, donc on boss pour le compte de la collectivité, pour la promotion du territoire. Il n' y a aps de jalousie. On ne se tire pas la bourre. Et puis c'est une chance absolue pour Chamonix d'avoir ces deux événements.

2003 a té une année un peu charnière pour le club des Sports puisqu'on a a fait une coupe du monde de ski, c'est la première année qu'on a lancé le marathon, on a fait les championnats du monde d’escalade en juillet et on a lancé l'UTMB fin août !

Pourquoi fin août ? Parce qu'on ne pouvait pas le mettre à une autre date. On s'était dit qu'ouvrait la saison avec le Cross (23 km) et le marathon et qu'on clôturai par l'UTMB. Il aurait pu être positionné à un autre moment mais amis dans le calendrier du club des sports de Chamonix, il n'y avait que fin août disponible.

@Fabian Bodet

Un mot pour les coureurs ?

On est hyper heureux de les revoir. On met tout en oeuvre pour pouvoir se retrouver tous ensemble et partager ces bons moments. On espère que la météo sera au beau fixe. Notre seule paie, c'est que les gens repartent aussi heureux qu'ils sont arrivés. Et en espérant que cette crise soit finie car ça devient très compliqué de ne pas pouvoir partager. On organisé la coupe du monde des ki cet hiver à huit clos... personne dans raquette d'arrivée. C'est terrible. Le Marathon du Mont Blanc sera sera, à ma connaissance, le premier trail en France avec autant de monde.

Pour suivre la tête de course du très relevé 42 km, c'est par ici.

Marathon du Mont-Blanc, du 1er du 4 juillet, Chamonix. Pour les curieux, les infos ici.

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