Un antidépresseur peut-il détruire votre vie sexuelle ?

Impuissance définitive, chute de la libido, excitation génitale chronique ou perte de sensibilité : autant d’effets indésirables dramatiques induits, chez une partie des patients, par certains médicaments, surtout des antidépresseurs. Très peu de médecins les connaissent, ce qui ajoute à la détresse des personnes atteintes, qui sont sans doute plusieurs millions puisque jusqu’à 10 % de la population des pays industrialisés prend des antidépresseurs, la plupart depuis plusieurs années.

Kevin, 39 ans, n’a plus d’érection “naturelle” depuis vingt ans. “Si je veux faire l’amour avec ma copine, confie-t-il, je dois m’injecter un vasodilatateur dans le pénis. C’est la seule solution que la médecine me propose.” Colette, 73 ans, dont “au moins quinze sous antidépresseurs”, a perdu tout désir ; cela a entraîné des problèmes dans son couple, aggravant son anxiété et ses périodes de dépression, jusqu’à une tentative de suicide. Séverine, 35 ans, dont sept sous antidépresseurs, n’a plus d’orgasme depuis le début de son traitement par Effexor. Elle a tenté de l’arrêter, mais n’y arrive pas et s’est résignée à passer “le reste de [sa] vie sous Effexor”. Laurent, 49 ans, s’est vu prescrire de nombreux psychotropes, dont les ISRS Seroplex et Effexor (cf. encadré sur les médicaments concernés), et cela a “profondément changé” sa sexualité. Il estime avoir développé “une dépendance à la masturbation, avec moins de jouissance, moins d’excitabilité, des rapports sexuels parfois réduits à deux par an” avec sa compagne. “Avant, je tombais souvent amoureux, la sexualité donnait un sens à ma vie, regrette-t-il. J’ai perdu l’intensité, tout le côté fun, onirique.” Célia, 26 ans, a pris successivement depuis 2013 du Seroplex, de l’Effexor et du Deroxat pour traiter un burn-out lié notamment à ses études. Elle a subi bouffées de chaleur, transpiration excessive, sueurs nocturnes, insomnies, irritabilité, pulsions la poussant à boire de l’alcool et à se gaver de nourriture. Elle a pris une dizaine de kilos. Sa libido a disparu. Elle a la sensation d’être devenue “un zombie, avec la tête complètement bloquée”. En 2016, elle a fait une tentative de suicide, à la suite de laquelle elle a été hospitalisée dans un service de psychiatrie. Elle est en sevrage complet depuis six mois, au prix de vertiges et d’intenses troubles digestifs. Elle a dû arrêter ses études.

Des effets génitaux immédiats

Des témoignages similaires de personnes ayant perdu tout ou partie de leurs fonctions sexuelles après un traitement par antidépresseurs se multiplient sur les plateformes de pharmacovigilance associatives ou privées, comme Meamedica.fr et Rxisk.org, cocréée par le professeur de psychiatrie irlandais David Healy. Cette plateforme a répertorié 300 cas de dysfonction sexuelle persistante dans 37 pays, apparue après traitement par l’une des 14 molécules identifiées. Les témoignages vont de la perte complète et définitive de libido à l’excitation chronique de la zone génitale (sans aucun lien avec le désir), en passant par une perte de sensation. Ils ont fait l’objet d’une publication dans une revue médicale spécialisée1.

“La quasi-totalité des patients sous antidépresseurs de la famille du Zoloft, Prozac, Cymbalta, etc., ressentent des effets secondaires sexuels ou génitaux, confirme le professeur Healy. Cela peut commencer trente minutes après la première prise, avec par exemple une sensation de démangeaison, ou au contraire de perte de sensibilité, dans la zone génitale. Dans la plupart des cas, ces effets disparaissent à la fin du traitement. Mais, chez une partie des gens, cela ne revient pas complètement à la “normale”.”

“Coincée en permanence en préorgasme”

Chloé, 50 ans, est atteinte de SEGP (syndrome d’excitation génitale persistante) depuis fin 2016. Elle a pris de la sertraline (Zoloft). Dès la troisième nuit, elle a souffert de tensions musculaires intenses, ressenti des douleurs et de la sécheresse dans les organes sexuels. “La quatrième semaine, j’ai commencé à ressentir comme une sensation d’excitation génitale, mais pas sexuelle. Je sentais les pulsations du sang, mon vagin était lubrifié en permanence, mon clitoris comme pris dans un étau. Cela ressemblait à la douleur d’une cystite. Quelques jours après, j’ai eu un orgasme spontané, dans ma voiture. Cela m’a complètement paniquée.” Chloé se décrit comme “coincée en permanence dans une phase de préorgasme, avec comme une main de fer qui serrerait les organes sexuels, une lubrification constante, des douleurs de la vessie, des décharges électriques dans le dos. Et l’acouphène par-dessus le marché”. Elle ne trouve de réconfort que sur la page Facebook des personnes atteintes de SEGP2. Elle qui avait son entreprise est désormais incapable de travailler ; elle doit rester la plupart du temps allongée, avec de la glace sur l’entrejambe.

Plusieurs femmes atteintes de SEGP ont trouvé une oreille attentive chez le médecin sexologue et andrologue Pierre Desvaux. Le secrétaire général du Syndicat national des médecins sexologues est l’un des rares médecins en France à reconnaître l’existence de cette maladie orpheline. “Le SEGP est très sous-estimé, selon lui. Les patientes affectées s’entendent souvent dire qu’elles relèvent de la psychiatrie. Parfois, on leur dit même : “De quoi vous plaignez-vous ? Vous devriez être contente !”” Le médecin ajoute qu’un certain nombre de patientes rapportent la prise, et plus fréquemment l’arrêt, d’un ISRS avant le début des symptômes. Mais d’autres n’ont jamais pris ni ISRS, ni finastéride, ni isotrétinoïne. “Une vulnérabilité génétique ou épigénétique existe peut-être, avance-t-il. On soupçonne aussi un lien avec la cystite interstitielle.”

Une étude de 2005 de la professeure Sandra Leiblum, qui avait décrit pour la première fois cette affection en 2001, signalait que pour diminuer leurs symptômes 51 % des patientes se masturbaient, 36 % avaient des rapports sexuels, les autres recourant à l’exercice physique ou à la “distraction cognitive” (penser à autre chose). Le docteur Desvaux reconnaît qu’il est très délicat d’aider les patientes atteintes de SEGP, car “restreindre l’excitation sexuelle tout en maintenant la vie sexuelle reste un défi. Donner aux femmes des molécules que l’on prescrit aux hommes pour retarder l’éjaculation peut améliorer les symptômes de SEGP, mais cela retarde parfois fortement la survenue de l’orgasme chez elles. Soulager la tension génitale s’avère alors plus difficile pour elles”.

Surprescription

Pis encore, les prescriptions à l’origine de ces symptômes sont souvent inadaptées (cf. encadré sur les ISRS). Ainsi, beaucoup d’histoires de patients commencent comme celle de Kevin. À 18 ans, le trouvant un peu stressé par ses études, ses parents l’emmènent chez un généraliste, qui lui prescrit du Prozac. “Après trois jours, j’étais complètement impuissant. Et ça n’est jamais revenu. J’ai pris ce médicament pendant quatre mois environ. À 19 ans, je suis retourné voir le docteur, qui m’a dit que ce ne pouvait pas être l’antidépresseur, que mon organisme l’avait complètement éliminé.”

Les laboratoires qui fabriquent ces molécules n’ont pas répondu à nos demandes. Idem, malgré de nombreuses relances, du côté de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). Sur son site, la notice du Prozac mentionne dans les “effets fréquents” (entre 1 et 10 patients sur 100) la “baisse du désir sexuel ou [des] problèmes sexuels (tels que difficultés à conserver une érection suffisante pour une activité sexuelle)” et dans les “effets peu fréquents” (entre 1 et 10 patients sur 1 000) des “troubles de l’orgasme”. Un peu au-dessus, dans la catégorie “Certains patients ont présenté”, on peut lire : “une érection prolongée et douloureuse”.

Nombre de médecins ne soupçonnent pas l’ampleur des effets indésirables sexuels des ISRS, ni a fortiori leur variété. Ils ignorent souvent, également, que ces effets délétères peuvent apparaître longtemps après la fin du traitement. “Plusieurs semaines, voire plusieurs mois après l’arrêt complet”, selon le professeur Healy. “Beaucoup de médecins jugent cela impossible, reprend-il, pourtant, on sait depuis 1959 que les psychotropes peuvent causer des manifestations très retardées. Ainsi, les neuroleptiques provoquent parfois des “dyskinésies tardives”, des mouvements incontrôlables, répétitifs, de la bouche et de la face, parfois du tronc et des membres. Ces manifestations peuvent apparaître des mois après l’arrêt du traitement.” Terriblement stigmatisante – les mouvements de la langue et de la face sont qualifiés de “défigurants” – cette affection s’avère, à ce stade, irréversible.

De la harissa sur les organes génitaux

“En attendant que la recherche sur les dysfonctions sexuelles post-médicaments avance, on ne peut que conseiller aux patients atteints de ne pas gaspiller leur argent dans des pseudo-thérapies inefficaces, estime le professeur Healy. Certains sont si désespérés qu’ils recourent à des composés potentiellement dangereux. Ils sont allés jusqu’à appliquer de la harissa sur leurs organes génitaux dans l’espoir de susciter des sensations.”

En avril dernier, l’équipe de Rxisk a envoyé à l’Agence européenne des médicaments (EMA) et à la FDA (son équivalent états-unien), une pétition argumentée pour qu’une mise en garde concernant ces effets soit désormais incluse dans les notices des antidépresseurs des familles concernées. Aucune réponse ne leur a encore été fournie.

Kevin a lui aussi écrit à l’EMA. En vingt ans, il a consulté d’éminents urologues et sexologues, a passé des batteries d’examens : écho-doppler, dosages sanguins, urinaires, etc. “Tout fonctionne parfaitement : les hormones, le flux sanguin, la moelle épinière. Tout est normal, voire au-dessus de la moyenne. Les médecins m’ont donc affirmé que c’était d’ordre psychologique. Comme je n’avais plus aucun symptôme dépressif – pas grâce au Prozac, cela dit, qui m’a juste donné des nausées, des maux de tête, des pertes de mémoire et une sensation très désagréable d’être groggy en permanence – ils m’ont affirmé que c’était lié à des difficultés relationnelles. Or, je n’ai pas de problèmes de ce côté-là non plus. Et puis, comment expliquer la disparition complète des érections matinales et l’incapacité à me masturber ? Je suis en colère, parce que perdre sa vie sexuelle, ce n’est pas un effet qu’on peut qualifier de “secondaire”. C’est vous priver d’une dimension essentielle de la vie. Personne ne m’a averti de ce risque. Et la plupart des médecins ne le connaissent pas, donc ils disent à leurs patients : “C’est dans votre tête. Ce n’est pas le médicament, c’est la dépression ou l’anxiété qui vous fait ça...””

“Je préfère ne rien dire à mes patients”

Le docteur B. exerce la psychiatrie en libéral dans le Rhône. Il prescrit régulièrement des ISRS à ses patients et estime qu’“environ 20 % d’entre eux se plaignent d’effets indésirables sexuels – sécheresse vaginale, retard à l’éjaculation, troubles de l’érection – [qui] apparaissent assez rapidement au début du traitement, et disparaissent après son arrêt”. Mais il n’a “jamais vu de dysfonctions persistant après l’arrêt” du traitement. Pour lui, la dysfonction sexuelle provient parfois d’autres facteurs : “Les patients déprimés disent souvent : “Je ne suis plus moi-même…” On imagine bien que cela favorise les problèmes de libido.” Le psychiatre ne parle pas des effets indésirables à ses patients. “Je préfère qu’ils n’en lisent pas la liste, parce que cela risque, à mes yeux, de les induire, donc de nuire à mes patients, explique-t-il. Pour moi, on doit s’en remettre au médecin, à son expertise. Si j’appelais un plombier, même en me documentant longtemps sur Internet, je saurais peut-être 1 % de ce qu’il connaît sur son métier. Je pars du principe que mon évaluation du bénéfice/risque est meilleure que celle de mes patients.” Ce raisonnement fait bondir Kevin : “De quel droit un médecin peut-il décider de me faire courir ce risque ? Assume-t-il la responsabilité de la perte définitive de ma vie sexuelle ? Légalement, le patient doit donner son consentement éclairé à tout traitement. Mais comment diable est-ce possible s’il n’est pas informé des plus graves conséquences potentielles ?”

Le professeur F., un psychiatre suisse qui prescrit régulièrement ces molécules, affirme au contraire “lire avec chaque patient, au cabinet, in extenso, la partie de la notice concernant les effets indésirables, avant le début du traitement. Et, en Suisse, les notices sont vraiment exhaustives, elles sont bien quatre fois plus longues que les vôtres, en France !” La raison de cette différence ? Le médecin l’attribue à “une culture française très paternaliste en matière médicale”.

Impossible d’arrêter le traitement

Le constat du psychiatre suisse est partagé par le professeur Healy, à une nuance près : pour lui, le paternalisme médical règne dans à peu près tous les pays. “Nous, médecins, devons cesser de remettre en question la parole de nos patients. Nous devons apprendre à les traiter en adultes, à former avec eux une équipe. Nous les soignerons mieux et notre boulot deviendra bien plus intéressant”, estime-t-il. Aux yeux du professeur en psychiatrie et pharmacologie irlandais, la source du problème réside dans la formation médicale, qui érige en dogme les résultats des essais cliniques. Or, ces essais sont menés par les laboratoires fabriquant ces molécules, qui sont donc juge et partie. “Et il est notoire que les résultats sont tronqués, reprend David Healy. Ironiquement, d’ailleurs, cela a été démontré par des études ! L’industrie ne communique que les données qui l’arrangent, l’efficacité de la molécule en ressort surévaluée et ses effets indésirables largement minimisés, voire éliminés.”

Dans les revues médicales, sont donc publiés d’innombrables essais “arrangés”, sur lesquels les médecins vont s’appuyer pour prescrire, de bonne foi. “De toutes les façons, il ne faut pas compter sur ces revues médicales pour aborder les effets indésirables, déplore le spécialiste. Leurs équipes détestent ces sujets qui montrent les dessous de l’industrie et qui inquiètent leurs lecteurs. De plus, une partie de leurs recettes provient des “tirés à part” – des exemplaires spécialement commandés par le labo, qui les utilise pour sa communication. Un article négatif signifie : pas de commandes en plus !” Peu conscients de ces dérives, les médecins partent du principe que ce qui n’est pas mis en évidence par les essais n’existe pas. “Les mailles béantes de la pharmacovigilance, dont l’Agence européenne des médicaments a encore réduit la qualité en fermant des centres de référence dans certains États membres, aggravent encore le problème”, dénonce le psychiatreProblème, environ 10 % de la population des pays riches serait sous antidépresseurs, dont 90 % depuis un an ou plus – car ces médicaments s’avèrent souvent impossibles à arrêter : ils occasionnent une forte accoutumance et, en cas d’arrêt ou de diminution des doses, un syndrome de privation avec multiplication des effets lourds.

Depuis deux décennies qu’il se documente sans relâche, Kevin est bien conscient de ces dérives. Il ne cache pas son amertume vis-à-vis des lacunes du système : “Comment ont-ils pu nier la fréquence des effets indésirables sexuels des antidépresseurs alors que précisément ces molécules sont désormais prescrites pour traiter certains cas d’éjaculation précoce ! Pour moi, il est trop tard, mais c’est terrifiant de penser que tous les jours, un peu partout dans le monde, des adolescents reçoivent de leur médecin des prescriptions pour ces antidépresseurs, parce qu’ils sont un peu stressés. Certains y laisseront leurs fonctions sexuelles, alors qu’ils sont si jeunes, qu’ils n’ont qu’une vague idée du sexe et de tout ce que peut apporter une relation affective sexuelle. Ce sont des vies gâchées.”

Un Nobel à la clé ?

La solution ne viendra pas de l’industrie pharmaceutique. “C’est sûr que les labos n’ont pas envie de creuser cela, reconnaît le docteur Desvaux. On ne peut pas dire que des millions soient consacrés à la recherche sur les effets indésirables…” Les médecins qui animent la plateforme Rxisk ne s’y résignent pas. Ils rassemblent des patients atteints et ont lancé un prix pour financer une recherche indépendante consacrée à ces syndromes (cf. leur vidéo, sous-titrée en français). “Je suis assez convaincu qu’on pourra trouver un traitement si on détermine la cause, confie le professeur Healy. D’ailleurs, ceux qui trouveront la clé de l’énigme seraient d’excellents candidats pour un Nobel !”

  1. David Healy, Joanna Le Noury & Derelie Mangin, “Enduring sexual dysfunction after treatment with antidepressants, 5α-reductase inhibitors and isotretinoin: 300 cases”, in The International Journal of risk and safety in medicine, vol. 29, n° 3-4 (2018), IOS Press.
  2. Groupe privé, inscription soumise à approbation.

Quels médicaments sont concernés ?

Les molécules de la famille du Prozac (ISRS, inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine) et celles de la famille des IRSNa (inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine-noradrénaline) – venlafaxine (Effexor), milnacipran (Ixel), duloxétine (Cymbalta) – peuvent être à l’origine de dysfonctions sexuelles durables, voire permanentes. Parmi les antidépresseurs dits “tricycliques”, ce sont la clomipramine (Anafranil) et l’imipramine (Tofranil).

D’autres molécules, que certains mécanismes rapprochent des antidépresseurs de type Prozac, peuvent causer des dysfonctions sexuelles graves et permanentes, démarrant parfois après l’arrêt du traitement, préviennent les médecins de Rxisk.

Ce sont certains antihistaminiques, l’antipsychotique ziprasidone (Zeldox), certains antibiotiques, comme la tétracycline et la doxycycline, mais aussi le finastéride (Propecia, contre l’alopécie) et l’isotrétinoïne (RoAccutane, contre l’acné sévère).

“Le fait que ces syndromes partagent de nombreuses caractéristiques constitue une piste importante, selon le professeur Healy. Tout comme le fait que les symptômes peuvent apparaître longtemps après la fin de traitement et persister pendant des années, voire des décennies.”


ISRS : des effets secondaires parfois terribles, pour une efficacité douteuse

La liste “officielle” des effets indésirables de ces molécules, même si elle est incomplète, contient déjà de quoi faire réfléchir : vertiges, nausées, vomissements, modifications du goût, mouvements involontaires, maux de tête, insomnies, sécheresse de la bouche, états d’agitation et de nervosité extrêmes…

Les risques de “passage à l’acte” suicidaire y figurent également. Ils sont si connus que depuis 2004 les boîtes d’antidépresseurs vendues aux États-Unis doivent porter un avertissement dans un grand cadre noir.

Chez les femmes enceintes, plusieurs études démontrent que les antidépresseurs augmentent le risque d’autisme de 87 % pour le bébé (et même de 200 % dans le cas des ISRS). Une étude danoise de 2009, portant sur 400 000 enfants, a aussi mis en évidence un risque de pathologie cardiaque plus élevé chez les bébés exposés in utero. Nous avions également révélé, en mars 2016 sur le site Le Lanceur, que certains patients sans aucun antécédent devenaient alcooliques pendant le traitement. Cet effet est confirmé par la liste établie par Rxisk à partir des témoignages de patients. Pour la fluoxétine (Prozac), des dizaines d’effets indésirables sont répertoriés, allant des douleurs articulaires, musculaires, dorsales aux éruptions cutanées en passant par les pertes de mémoire, l’anémie, les convulsions, les troubles de l’attention, etc.

En juin 2016, la revue médicale indépendante Prescrire a recommandé de ne plus proposer aux patients dépressifs citalopram (Seropram) et escitalopram (Seroplex) car ils peuvent induire des pathologies cardiaques parfois mortelles. Plus de 12 millions de boîtes avaient été vendues en France en 2015.

“Tout ça pour des molécules dont l’efficacité n’a jamais été démontrée, souligne le professeur David Healy. La sérotonine du corps se trouve à 95 % hors du cerveau, notamment dans le système digestif. Dire que la dépression provient d’un déséquilibre cérébral de la sérotonine est une ineptie. Il faut raisonner avec l’ensemble du corps. Mais nous sommes obnubilés par le cerveau…” Pour lui, les ISRS ne devraient de surcroît pas être prescrits aux adolescents ni aux jeunes adultes, car “chez eux, les risques des ISRS sont encore plus élevés – pulsions suicidaires, accès de violence, etc. – et les bénéfices encore moins démontrés”.


[Article publié dans Lyon Capitale n°779 – Juillet-Août 2018]

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