Un ex-flic et un corbeau en campagne dans le Beaujolais

La campagne des municipales prend une drôle de tournure à Saint-Jean-d'Ardières, un village du Beaujolais. Un corbeau alimente la suspicion sur la transparence de la gestion municipale.

A Saint-Jean-d'Ardières, petit village niché dans les vignes du Beaujolais, la campagne municipale est en train de tourner à l'aigre. D'abord, parce qu'un mystérieux corbeau a commencé à disséminer des informations sensibles sur le train de vie de certains élus de cette commune paisible proche de Belleville. « Des frais de présentation exponentiels (…) ».

Puis les accusations se sont faites de plus en plus précises et graves. Le corbeau s'est trouvé un allié dans la dénonciation des dérives supposées de la municipalité : un blog ouvert par Charles Michel, candidat aux municipales et opposant au maire Serge Fessy, qui pointe le manque de transparence dans la gestion de la municipalité. Charles Michel est un ancien policier, récemment retraité.

Certains élus de Saint-Jean-d'Ardières ont alors jouer de leurs entregents en alertant le sous-préfet pour faire pression sur ce fonctionnaire de la police nationale.

L'emmerdeur

Le préfet du Rhône l'aurait même affublé du sobriquet de « l'emmerdeur du beaujolais ». Dans un courrier forcément anonyme, le corbeau prévient l'ex flic : « Un avocat est payé pour engager une procédure contre les propos tenus dans votre blog. L'avocat a demandé l'intervention d'un psychologue (payé par la mairie) qui a repris tous vos communiqués afin d'analyser votre personnalité et la conduite à tenir envers vous ». « Ce n'est pas moi qui ai demandé l'intervention d'un psychologue » répond l'avocat de la commune, Jean-Paul Forestier.

Mais c'est surtout le financement d'une association qui fédère le corbeau et Charles Michel. L'ANI, Amitiés Nationales et Internationales, est financée par la commune de Saint-Jean-D'Ardières pour des actions de coopération internationale. Problème, les élus qui votent les subventions à l'association sont les mêmes qui siègent dans ce conseil d'administration et sont les premiers intéressés par le vote des subventions que verse la commune.

L'ANI est ainsi présidée par l'adjointe au maire en charge des finances selon les statuts de l'association. Le maire de la commune, Serge Fessy, y est également membre. En avril 2011, l'adjointe aux finances qui est également présidente de l'ANI a ainsi, selon le compte rendu du conseil municipal, sollicité le maire de Saint-Jean-D'Ardières "pour que la commune fasse don à l'association ANI de l'ancien mobilier de la salle de classe (...) afin d'organiser une vente (...). L'argent ainsi recueilli servira aux actions de l'association ANI".

Transparence

L'ANI vient en aide à une petite commune du Bénin, Semé Podgi où l'association a permis de créer une école ou de participer à la formation de son personnel administratif. Des actions tangibles et vérifiables. Le corbeau signale néanmoins que « le maire de Saint-Jean-d'Ardières et ses proches adjoints sont invités une fois par an aux frais de la princesse, reçus comme des princes là-bas, avec voiture à disposition et chauffeur ».

Contacté à plusieurs reprises par mail et par téléphone, Serge Fessy, le maire de Saint-Jean-d'Ardières, n'a pas répondu à nos questions. Mais sur certaines plaquettes et photos, on voit bien les élus de Saint-Jean-d'Ardières et son maire en déplacement au Bénin.

Sur son blog (lire ici), Charles Michel publie un courrier envoyé à Serge Fessy pour lui rappeler que « la communication et la publication des comptes des associations bénéficiant de subventions publiques sont des facteurs fondamentaux de la transparence financière » et lui demande de communiquer la comptabilité de l'ANI... dont le maire est membre.

La jurisprudence est pourtant très claire sur ce qui pourrait s'apparenter un délit de prise illégale d'intérêt. La cour d'appel d'Aix-en-Provence a par exemple déjà condamné un conseiller général du Var en 1997 pour avoir participé au vote d'une subvention à une association dans laquelle il œuvrait activement. La condamnation a été confirmée en 1999 par la Chambre Criminelle de la Cour de Cassation.

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