Bruno Bernard, la tête de liste écologiste.

Métropole de Lyon - Bruno Bernard : “Je ne crois pas au mythe de la croissance infinie”

Bruno Bernard est le favori de l’élection métropolitaine. Il a viré en tête du premier tour et maintiendrait la dynamique, trois mois plus tard, comme l’a démontré notre sondage Ifop-Fiducial. Durant sa campagne de second tour, il tente de démonter les procès en décroissance que lui intentent ses rivaux, mais assume d’interroger le mode de développement actuel de la métropole. Tout comme il assume de vouloir s’attaquer à la place de la voiture.

Lyon Capitale : Quelles leçons tirez-vous de la crise que nous venons de traverser ?

Bruno Bernard : Les faits ont montré que nous n’étions pas prêts tant au niveau de l’État que des collectivités locales ou même des citoyens. Nous avons un déficit de culture de la crise et nous pourrions en connaître des pires. Là nous n’avons pas eu de problème d’énergie, d’alimentation ou d’eau. La deuxième leçon que j’en tire concerne les services publics. Les hôpitaux ont tenu de manière quasi miraculeuse grâce à la mobilisation des personnels. Nous devons travailler la résilience de notre territoire. La relocalisation que nous portons est désormais plus partagée par les autres candidats.

En quoi cette crise chamboule-t-elle votre programme ?

Les objectifs restent les mêmes, mais nous allons adapter le calendrier. Nous accélérerons sur la commande publique pour aider les entreprises qui ont repris, mais souffrent. À l’automne, il y aura un vrai enjeu sur l’emploi et nous devons donc relancer des projets qui sont bloqués. Si je suis élu président, je rajouterai d’ailleurs une séance du conseiller métropolitain dès le mois de juillet pour relancer la commande publique plus vite. Des secteurs économiques ont été considérablement touchés comme le tourisme ou la culture. Les touristes internationaux ne vont pas revenir avant un petit moment et nous devons combler ce manque en développant le tourisme local. Nous n’avons rien contre les touristes chinois ou le tourisme d’affaires. Nous traiterons aussi des sujets sociaux en arrivant.

Je veux que l’on améliore la desserte du parc de Miribel-Jonage cet été pour en faciliter l’accès à ceux qui ne partent pas en vacances en rajoutant des lignes de bus. Pour les jeunes et les étudiants qui n’ont plus de travail, nous voulons expérimenter le RSA jeune. Nous avions imaginé augmenter l’offre de transports en bus de 20% durant les 24 premiers mois du mandat, mais vu la baisse de fréquentation des transports en commun, ce n’est peut-être pas la première chose à faire. Nous irons en revanche plus vite sur le Réseau vélo express (REV) qui correspond à une demande forte.

Les pistes cyclables d’urbanisme tactique ont déjà créé des tensions et des embouteillages. Les habitants de la Métropole ont pu avoir un avant-goût de ce que peuvent être les six prochaines années. Craignez-vous une mobilisation de la population contre vos projets de réduction de la place de la voiture ? Aurez-vous suffisamment d’améliorations objectives de la qualité de l’air pour faire passer cette pilule ?

Quand nous ferons le REV, nous prendrons de la place à la voiture. C’est un choix assumé. Il peut y avoir des tensions, mais il faut bien que les automobilistes comprennent que nous sommes là pour mettre fin à la solution et développer des alternatives. Sur la pollution, nous pouvons obtenir des résultats tangibles à l’échelle d’un mandat. Sur les particules fines, la situation s’améliore déjà. Nous sommes pour la sortie du diesel et nous fixons l’objectif de le faire avant la fin du mandat.

La campagne de second tour, dans le contexte d’une crise économique qui s’en vient, s’est déplacée sur le terrain de l’économie. Vos concurrents vous accusent de vaouloir enrayer le dynamisme de l’agglomération. Certaines mesures de votre programme peuvent être lues comme allant dans ce sens. Quelle est votre conception du développement économique ?

Je ne crois pas au mythe de la croissance infinie de la métropole. Je ne crois ni en son intérêt ni en sa soutenabilité. À terme, la question de l’envie de vivre dans la métropole peut même se poser si l’on continue sur la voie actuelle. Avec le développement du télétravail et la hausse des prix de l’immobilier, il est possible que des gens aient envie de s’installer ailleurs. Aujourd’hui, nous nous battons pour installer des entreprises dans la métropole. Nous finançons des organismes pour aller prendre des entreprises à des territoires qui ont besoin d’emploi. Nous allons prendre des salariés à l’extérieur de la métropole ce qui pose des problèmes de logement ou de transport.

Nous avons pourtant 80 000 chômeurs de longue durée et 15% de la population métropolitaine qui vit sous le seuil de pauvreté. Donc tout ce que la Métropole fait pour le développement économique, on le fait pour qui ? Nous en avons pour 20 ou 30 ans et des milliards d’euros pour régler le problème de congestion de la Part-Dieu, mais nous continuons à vouloir densifier le quartier. Nous n’avons pas prévu de nous opposer à l’installation d’entreprises. Nous créerons même de nouveaux clusters. Mes concurrents nous inventent des mesures que nous n’avons pas prévu sur les Vélos’V, la fête des Lumières ou le zoo du parc de la tête d’or. Nous sommes décroissants, mais sur la consommation d’énergie. Dans ma vie d’entrepreneur, j’ai toujours créé des richesses. Les gens confondent décroissance économique et préservation des ressources de la planète. Gérard Collomb et François-Noël Buffet qui se sont opposés pendant plusieurs mandats préfèrent parler de nous plutôt que du programme qu’ils n’ont pas construit. C’est plus facile de calomnier que de porter un projet.

Au soir du premier tour, vous étiez en ballottage favorable pour prendre la présidence de la métropole. Le scrutin reste incertain comme l’a montré notre sondage Ifop-Fiducial. Pensez-vous que vous disposerez d’une majorité gouvernable le 28 juin au soir et surtout que vous ne serez pas otage de minorité de blocage de la part de vos alliés de second tour ?

Depuis 1983, la loi PLM (le mode de scrutin à Paris, Lyon et Marseille sur lequel est calqué l’élection métropolitaine, NDLR) a connu 21 élections. Et 21 fois, elles ont débouché sur des majorités absolues. Je pense que ce sera une fois de plus le cas. En tout cas, je fais tout pour avoir la majorité absolue. Notre coalition est plus gouvernable que celle de nos adversaires qui ne pourront s’entendre que contre nous et ne trouveront pas de dénominateur commun. Je veux travailler avec tout le monde. Nous travaillerons avec les maires des 59 communes, mais nous assumerons notre politique. Je suis ouvert à tous ceux qui veulent nous rejoindre.

Pendant la campagne de premier tour, vous aviez refusé de vous situer dans le clivage gauche droite. Pour ce second tour, vous voilà avec les socialistes, les communistes et les Insoumis. Les écologistes sont-ils revenus à gauche ?

Je suis toujours écologiste et la droite et la gauche ne font toujours pas partie de mon vocabulaire. Pour moi, l’opposition est entre les conservateurs et les progressistes. Je connais mes valeurs. Elles sont issues de la gauche. J’ai fait une alliance avec les partis de gauche. Partout en France, nous voyons une recomposition face à la droite libérale d’Emmanuel Macron et la droite nationaliste.

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