Débat Hollande - Sarkozy : le vrai et le faux sur le nucléaire

Mercredi 2 mai, lors du débat télévisé de deuxième tour entre François Hollande et Nicolas Sarkozy, de nombreuses erreurs, approximations et contrevérités ont été commises par les deux candidats à la présidence de la République. Notamment sur le nucléaire et le risque sismique, sujet auquel nous avons consacré un dossier entier, suite à la catastrophe de Fukushima (lire articles de Mediapart, d'Owni, du Monde ou de L'Express).

Sur la question nucléaire, au sujet de laquelle Lyon Capitale avait consacré sa "une", en avril dernier, suite à l'onde de choc provoquée par la catastrophe japonaise de Fukushima, le candidat de gauche a mis les pieds dans le plat. François Hollande a répété vouloir fermer la centrale de Fessenheim, en Alsace, "pour deux raisons. La première, c'est que c'est la plus ancienne centrale, qu'une centrale était prévue normalement pour 30 ans et elle aura 40 ans d'âge en 2017. Deuxièmement, elle est proche d'une zone sismique, ce qui est quand même un risque". François Hollande explique enfin qu'il s'agit de la seule centrale située dans une zone sismique. "Citez-moi une autre centrale qui est dans une zone sismique, je n'en connais pas d'autres". Faux.

Dans la région Rhône-Alpes, par exemple, toutes les centrales (Bugey, St-Alban, Cruas, Tricastin et Creys-Malville, en déconstruction) sont en zone sismique. "La vallée du Rhône (le couloir rhodanien), est une immense faille, très ancienne, explique Frédéric Thouvenot, sismologue pour le réseau de mesures sismiques Sismalp. Si le Rhône coule à cet endroit, c'est justement parce qu'il s'est "glissé" dans cette zone de faille. Or, les centrales ont besoin d'énormes quantités d'eau pour refroidir leurs réacteurs. D'où leur proximité des fleuves".

Là où Nicolas Sarkozy a plutôt tort en revanche c'est quand il dit que "Fessenheim avec 30 ans d'âge (...) est plus sûr que quand Fessenheim a été inauguré". Et François Hollande de répondre que "nous sommes obligés de faire des travaux sur les vieilles centrales et à mesure qu'elles sont prolongées, il faut faire des investissements".

C'est toute la question du vieillissement des centrales nucléaires. "Ce n'est pas par hasard si on ne fait pas fonctionner des voitures pendant cinquante ans, explique Mycle Schenider, consultant international sur l'énergie et la politique nucléaire. Quand on pense que Bugey a démarré en 1978, donc conçu au début des années 70... Vous savez, vous, quelle voiture ont conduit vos parents dans les années 70 ? Même si on peut tout changer dans une centrale, on ne le fait pas !". Et Philippe Villers, directeur de la maintenance de la centrale du Bugey de répondre : "une 2CV qui a 35 ans peut très bien satisfaire au contrôle technique et rouler sur la route. Dans le nucléaire, c'est pareil"*.

* Lyon Capitale, novembre 2010.

Extraits du dossier sur Les risques nucléaires en Rhône-Alpes, publié en avril 2011 dans Lyon Capitale

La prise en compte du risque sismique dans l’industrie nucléaire se base sur le plus gros séisme qui a eu lieu dans la région d’implantation des centrales, à la magnitude duquel on rajoute 0,5. Ainsi, la centrale du Tricastin peut résister à un tremblement de terre de magnitude 5,2 alors que le séisme référent (1873) était de magnitude 4,7. Selon Éric Debayle, sismologue à l’ENS Lyon, “en Rhône-Alpes, on s’attend à un séisme de magnitude 5 tous les trente ans et à un séisme de magnitude 6 tous les trois cents ans. Comparé au séisme japonais, ce sera vingt-sept mille fois inférieur”. Olivier Bellier, du Centre européen de recherche et d’enseignement des géosciences de l’environnement (Cerege), explique le contexte local par le fait que les failles du sud-est de la France, dont certaines remontent en région, se déplacent “à des vitesses très lentes, de l’ordre de 0,1 mm par an”, alors qu’au Japon les plaques bougent de 8,3 cm par an.

“Mais rien ne dit qu’un jour de plus gros séismes ne pourront pas se produire, tempère François Thouvenot, sismologue pour le réseau de mesures sismiques Sismalp, compte tenu du peu de recul que nous avons.” Dans l’émission C dans l’air du 7 avril 2009, le géophysicien Vincent Courtillot, directeur de l’Institut du globe, allait même jusqu’à dire qu’“il y a quelques décennies, les organismes qui étaient chargés d’installer les centrales nucléaires étaient ceux qui payaient les géologues qui devaient leur dire s’il y avait des risques ou pas. Les géologues ont eu tendance à ne pas bien voir les failles”. Tous les experts sont néanmoins unanimes pour dire qu’un séisme de magnitude 9 comme celui du Japon est pratiquement exclu en France.

FICHES D'IDENTITÉ DES CENTRALES DE RHÔNE-ALPES

> Centrale du Bugey (Ain)

Situation : 45 km de Lyon
Commune d’implantation : Saint-Vulbas
Puissance : 4 réacteurs de 900 MW
Démarrage des réacteurs 2 et 3 : 1978
Démarrage des réacteurs 4 et 5 : 1979

Production : Fournit l’équivalent de 40 % de la consommation annuelle électrique de Rhône-Alpes, soit 5 % de la consommation française.
Un réacteur à uranium naturel graphite gaz, mis en service en 1972 et arrêté en 1994, est actuellement en cours de démantèlement.

Nombre de personnes employées : 1 200

Taxe foncière : 2,8 millions d’euros

Autres redevances : 62,4 millions d’euros

RISQUE SISMIQUE

Séisme de référence : 1822 (Bugey-Chautagne) – Magnitude 5,5

La commune de Saint-Vulbas, où est implantée la centrale du Bugey, se trouve en zone sismique modérée. Le dernier séisme a été enregistré le 11 janvier 2006, à 35 km du site nucléaire. Le tremblement de terre, de magnitude 3,5 sur l’échelle de Richter, a produit quelques dégâts très limités (chute d’une cheminée et de tuiles, fissuration du dallage de l’église) dans le village de Conand, sous lequel se situait l’épicentre (940 m de profondeur). Selon l’Autorité de sûreté nucléaire, la centrale est dimensionnée pour résister à un séisme de magnitude 6. François Thouvenot, sismologue responsable du réseau Sismalp, une zone de failles “assez peu active” pourrait se situer sur le coude du Rhône, près de la centrale.

> Centrale du Tricastin (Drôme)

Situation : 175 km de Lyon
Implantation : Saint-Paul-Trois-Châteaux
Puissance : 4 réacteurs de 900 MW
Démarrage des réacteurs 1 et 2 : 1980
Démarrage des réacteurs 3 et 4 : 1981

Le réacteur n° 1 est le premier réacteur français à avoir été prolongé de 10 ans.

Production : Fournit l’équivalent de 40 % de la consommation annuelle électrique de Rhône-Alpes, soit 5 % de la consommation française. Nombre de personnes employées : 1 500

Taxe foncière : 2,1 millions d’euros

Autres redevances : 18,9 millions d’euros

RISQUE SISMIQUE

Séisme de référence : 1873 (Tricastin) – Magnitude 4,7

Les 630 hectares du site nucléaire du Tricastin (1 centrale, 5 usines permettant de transformer l’uranium issu des mines en combustible pour les réacteurs, 1 usine de décontamination) sont à cheval sur deux départements (Drôme, Vaucluse) et trois communes (Pierrelatte, Saint-Paul-Trois-Châteaux, Bollène). La zone est classée en aléa sismique modéré. Le Tricastin serait sur un segment nord de la faille des Cévennes. Pour Olivier Bellier, chercheur au Cerege, “la centrale se situe entre deux accidents majeurs français, la faille des Cévennes et la faille de Nîmes, non considérées comme des failles actives par la grande majorité des experts”.

Ce qui n’exclut pas de futurs séismes, les derniers de forte intensité (VII à VIII) datant de 1773 et 1873 – dégâts massifs avec destruction des habitations les plus vulnérables. Le dernier séisme enregistré par Sismalp remonte au 25 novembre 2008 : une magnitude de 2,1 à 10 km de Pierrelatte. Selon EDF, le Tricastin peut résister à un séisme de magnitude 5,2. Lors de la troisième visite décennale de l’ASN, EDF a investi 5 millions d’euros pour mieux se protéger en cas de séisme (renforcement de la structure de la salle des machines, supports de plancher en acier). Quant à l’usine d’enrichissement d’uranium Georges-Besse II, dont les travaux sont actuellement en cours, elle repose sur des appuis antisismiques.

> Centrale de Saint-Alban (Isère)

Situation : 50 km de Lyon
Commune d’implantation : Saint-Alban-du-Rhône
Puissance : 2 réacteurs de 1 300 MW
Démarrage du réacteur 1 : 1985
Démarrage du réacteur 2 : 1986

Production : Fournit l’équivalent de 13 % de la consommation électrique de Rhône-Alpes.

Nombre de personnes employées : 670

Taxe foncière : 5,5 millions d’euros

Contribution économique territoriale : 14,25 millions d’euros

RISQUE SISMIQUE

Séismes de référence : 24 juin 1878 (Villefranche-Lyon) et 9 septembre 1879 (Lagnieu) – Magnitude 4,7 et 5,1 Saint-Alban est en zone d’aléa sismique modéré, comme les trois quarts du territoire régional.

Un séisme de magnitude 2,1 a été enregistré le 24 juin 2010 tout près de Grenoble. La centrale iséroise peut, selon son concepteur, résister à un séisme de 5,5 sur l’échelle de Richter.

> Centrale de Cruas (Drôme)

Situation : 140 km de Lyon
Communes d’implantation : Cruas et Meysse
Puissance : 4 réacteurs de 900 MW
Démarrage des réacteurs 1 et 2 : 1984
Démarrage des réacteurs 3 et 4 : 1985

Production : Fournit l’équivalent de 40 % de la consommation annuelle électrique de Rhône-Alpes, soit 5 % de la consommation française.

Nombre de personnes employées : 1 100

Taxe foncière : 5,5 millions d’euros

Autres redevances : 24,2 millions d’euros

RISQUE SISMIQUE

Séisme de référence : 8 août 1873 (Châteauneuf-du-Rhône) – Magnitude 4,7 La centrale de Cruas-Meysse est la seule centrale nucléaire française à avoir été construite sur des appuis antisismiques. La géologie locale y est pour beaucoup : les terrains durs propagent plus vite les ondes sismiques, alors que sur des terrains meubles les vibrations sont piégées. La centrale de Cruas se trouve non loin d’un segment au nord de la grande faille des Cévennes, pour laquelle certains experts suggèrent une activité possible. EDF a dimensionné cette centrale pour résister à un séisme de magnitude 5,2.

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