Patrice Verchère et Philippe Cochet
© Tim Douet

La semaine où le PS n’a pas implosé

Avec la victoire de Benoît Hamon, le PS aurait pu exploser en deux au profit d’Emmanuel Macron, qui se tenait prêt à accueillir les socialistes déçus. Au final, l’exode a été marginal. Du moins pour le moment.

Le maire de Villeurbanne, Jean-Paul Bret, avec la ministre Najat Vallaud-Belkacem, en 2014 © Tim Douet

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Le maire de Villeurbanne, Jean-Paul Bret, avec la ministre Najat Vallaud-Belkacem, en 2014.

Pour Emmanuel Macron, Benoît Hamon était le vainqueur idéal de la primaire de la gauche. Plus à gauche que l’ancien ministre de l’Économie, il lui laissait entrevoir la possibilité de capter quasiment automatiquement la moitié du PS. Le scénario espéré par les “marcheurs” a bien eu lieu mais les conséquences attendues ne sont pas au rendez-vous.

“Tout le monde disait qu’il était le candidat le plus favorable pour Emmanuel Macron, mais attention à ne pas sous-estimer Benoît Hamon. Dans un premier temps, il va torpiller Jean-Luc Mélenchon et ensuite il s’attaquera à nous, redoute un membre d’En Marche. Les deux vont être en concurrence directe sur des pans électoraux majeurs : les jeunes et les abstentionnistes.”

Pas d’hémorragie

La première conséquence escomptée après la victoire de Benoît Hamon ne s’est pas traduite en actes. Le PS a résisté à la victoire de Benoît Hamon. L’hémorragie attendue n’a pas eu lieu. À Lyon, la ville la plus macroniste de France, elle avait déjà eu lieu avant la primaire sous l’impulsion de Gérard Collomb. Les exilés de la première heure – une cinquantaine d’élus socialistes de la métropole ont apporté leur soutien à Emmanuel Macron avant le second tour – n’ont été rejoints depuis dimanche dernier que par une poignée de conseillers municipaux ou d’arrondissement.

Côté parlementaires, une vingtaine ont fait défection au niveau national. Localement, seul Yves Blein, le député de la 14e circonscription, organisateur de la primaire dans le Rhône, a refusé d’apporter son soutien à Benoît Hamon. Mais, vendredi soir, il n’avait toujours pas rejoint Emmanuel Macron.

Le ciment de la primaire

Benoît Hamon a donc résisté à son stress test (une pratique bancaire qui simule la capacité des établissements à survivre à des événements économiques et financiers extrêmes). Sa victoire n’a pas entraîné l’explosion du PS. La menace planait pourtant fortement la semaine dernière. “La perte est infime. Et encore, dans le Rhône, foyer macroniste, elle est plus forte qu’ailleurs”, confie Jules Joassard, mandataire départemental de Benoît Hamon.

Les représentants de l’aile gauche du PS expliquent ce courant loyaliste plus fort que prévu par la mobilisation, inespérée, des électeurs de la primaire socialiste. “Réussir à organiser un tel scrutin en deux mois, c’est une prouesse qui a rendu le parti solide. Les deux dimanches que les gens ont passés à tenir les bureaux de vote ont agi comme un ciment. La primaire a rasséréné nos militants. Autant que la victoire de Benoît Hamon, c’est la mobilisation qui a mis du baume au cœur des sympathisants”, avance Jules Joassard.

Des loyalistes de poids

Jean-François Debat © Tim Douet

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Jean-François Debat.

Dès mardi, la plupart des soutiens de Manuel Valls ou des non-alignés avaient rallié Benoît Hamon (lire ici). Avec des noms d’élus de poids, qui contrebalancent localement les départs de la garde rapprochée de Gérard Collomb. Najat Vallaud-Belkacem (ministre de l’Éducation nationale), Jean-François Debat (maire de Bourg-en-Bresse et président du groupe PS au conseil régional), Jean-Paul Bret (maire de Villeurbanne), Olivier Bianchi (maire de Clermont-Ferrand) ou encore Thierry Philip (maire du 3e arrondissement de Lyon) ont ainsi témoigné de leur loyauté au PS, plus qu’à Benoît Hamon et son programme.

D’une certaine manière, ils n’abandonnent pas la maison socialiste à l’aile gauche du PS et se positionnent pour la reconstruction qui leur paraît inéluctable après la présidentielle. Ce qui explique d’ailleurs que la plupart de ces élus ne sont pas candidats aux législatives. “Je ne quitte pas ma maison quand elle va mal. Je peux comprendre ceux qui rejoignent Emmanuel Macron et qui ne se sentent pas, quand ils sont candidats aux législatives, de défendre un programme qui ne les convainc pas”, pointait Florence Perrin, mandataire de Manuel Valls à la primaire, au soir de la victoire de Benoît Hamon, qui est pour elle “un épisode malheureux” de la vie du PS.

La bataille des “crevards”

Si le PS a résisté, des proches de Benoît Hamon redoutent que la situation ne soit que temporaire. “Nous avons quelques semaines pour démontrer notre capacité à inverser le rapport de force avec Emmanuel Macron. Quand la présidentielle approchera, celui qui a le plus de chances d’être présent au second tour attirera ceux que Macron a qualifiés de “crevards” (1). Si nous n’arrivons pas à inverser la courbe des sondages, l’hémorragie viendra dans ce deuxième temps. Mais j’ai foi en notre dynamique”, explique un socialiste. Et c’est à Lyon, ce week-end, que s’engage la bataille de la courbe des sondages.

1. Un article du Parisien en janvier citait deux proches d’Emmanuel Macron évoquant le sujet des investitures d’En Marche pour les législatives : “Il ne faut pas que cela devienne la succursale du PS et que des gens qui sont en marche depuis le début se sentent dépossédés”, pointait l’un, tandis que l’autre lâchait “On ne prendra pas les crevards !”
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