Tartuffe Théorème © Pascal Gély

Théâtre : Un Tartuffe baroque, mais si fidèle à Molière

Critique. Comment s’emparer en 2022 d’une des œuvres les plus jouées de Molière ? Avec Tartuffe Théorème, proposé au TNP, Macha Makeïeff, répond à cette question avec opulence en nous offrant au passage un vrai plaisir coupable.

On s’attendait à une adaptation très décalée du Tartuffe de Macha Makeïeff, dont on connaît l’univers souvent fantasque. Comme sa version quelque peu gothique d’Alice au pays de merveilles (Lewis vs Alice), si réjouissante aux Célestins il y a deux ans.

Il y avait aussi la curiosité de voir l’apport de Pasolini dans cette adaptation, avec l’intention affichée de puiser dans Théorème (1968), l’œuvre vénéneuse du cinéaste italien, où il est également question de séduction et d’emprise psychologique.

Mais disons-le sans ambages, le premier plaisir de cette version de Tartuffe est sans aucun doute la belle restitution du texte de Molière. Un texte qui se joue du temps, en nous rappelant que les ressorts de la manipulation des esprits reste toujours une matière dont le théâtre aime se délecter.

© Pascal Gély

L’autre satisfaction, c’est la richesse de la mise en scène, dans ses emprunts éclectiques – musicaux, cinématographiques - que nous livre Macha Makeïeff. Avec une intrigue transposée dans les années 60 et ses couleurs criardes, où détonne un Tartuffe en robe noire et austère.

Ce dernier prend les traits d’un gourou, à la tête une secte adoratrice de rites sataniques. C’est son emprise sur le maître de maison, Orgon, subjugué par sa dévotion, qui est au cœur des intrigues et des rebondissements de la pièce.

Brillamment interprété par un Xavier Gallais survolté, tantôt démoniaque, tantôt excentrique, Tartuffe incarne le point de fixation de toutes les névroses bourgeoises d’une famille quelque peu désœuvrée et portée sur le whisky.


Une partition de haut vol


Chaque personnage n’a ainsi d’autre choix que de se démener pour dénoncer l’intrus en retrouvant ainsi le goût des autres. Une lutte qui permet à certains interprètes de cette pièce de livrer tour à tour, une partition de haut vol, chacun dans son registre. Celui de la naïveté crasse d’Orgon (Vincent Winterhalter), de la séduction ambiguë d’Elmire, son épouse (Hélène Bressiant) ou de l’ingénuité immature de Mariane, leur fille (Nacima Bekhtaoui).

On ressort ainsi de ce spectacle avec un sentiment de jubilation. Le plaisir du texte, le comique de situation, les incursions d’éléments baroques ou décalés.

On se surprend surtout à rire aux éclats face au malheur des autres, même si la morale est sauve. Comme s’il ne pouvait y avoir de plaisir sans un tout petit sentiment coupable.


Tartuffe Théorème, au TNP jusqu’au 19 mars.


 

 

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