Enrico Marini – © Dargaud/Cécile Gabriel

Lyon BD : entretien avec le nouveau Batman

L’auteur de Gipsy, des Aigles de Rome ou de Scorpion s’est révélé dans un nouveau genre avec Batman, sorti en novembre. Enrico Marini revient le 15 juin, avec le deuxième volet des aventures de l’homme chauve-souris. Lyon Capitale l’a rencontré pour parler du deuxième et dernier volet de Batman et de ses projets.

Lyon Capitale : Comment êtes-vous devenu auteur de bande dessinée ?

Enrico Marini : Quand j’avais quatre ans, on a emménagé dans un appartement et les locataires avaient oublié un album, c’était Attila au château, de Derib et Rosy. J’ai vu ça comme un signe des dieux et je n’ai jamais arrêté de lire de la bande dessinée. Ma grand-mère m’achetait des albums et des comics. J’adorais déjà les super-héros. Et je regardais beaucoup de dessins animés. J’étais très attiré par le dessin et j’ai commencé par copier les personnages. J’inventais de petites histoires, d’abord avec des animaux, puis avec des super-héros.

Quand avez-vous commencé à faire de la bande dessinée professionnellement ?

Dès 13 ou 14 ans, j’ai proposé mes dessins, ils ont été repérés et on m’a demandé de travailler pour la série Olivier Varlèse. La première fois que j’ai eu ma bande dessinée dans les mains, j’étais très content, évidemment, mais j’étais aussi très déçu des couleurs. Je ne comprenais pas pourquoi le coloriste avait mis ces couleurs-là et je ne reconnaissais pas mon dessin. Depuis ce jour, j’ai fait toutes les couleurs pour mes albums. Ça me prend plus de temps, mais le rendu est en accord avec mon style.

Couverture du deuxième tome de Batman, par Enrico Marini, aux éditions Dargaud © Dargaud

Comment êtes-vous arrivé jusqu’à Batman ?

Je déjeunais avec le patron de DC Comics et, pour rigoler − on avait un peu bu −, je lui ai dit que je pouvais reprendre Batman. Quelques jours plus tard, il m’a appelé pour me dire que tout le monde était d’accord. J’étais très surpris, parce que ce n’était pas une proposition sérieuse, au départ. Mais j’ai réfléchi, j’ai trouvé du temps et je me suis lancé. L’idée, ce n’était pas de reprendre un comics, mais d’en faire quelque chose de plus européen. Les deux tomes ont donc un format différent des comics, ce qui n’est pas forcément évident pour les Américains. Mais c’est le travail de DC de vendre ses albums !

Avez-vous angoissé pendant que vous faisiez Batman ?

Non, je me suis amusé du début à la fin avec Batman. À vrai dire, je réalise seulement que j’ai fait des Batman. C’était beaucoup de travail, mais surtout beaucoup de fun. C’était un rêve d’enfant.

Quelles étaient les conditions imposées par DC ?

Aucune. Je n’avais pas de limite. Mais je m’en suis mis moi-même. Par exemple, ça ne me serait pas venu à l’idée de me moquer des Américains. Kick-Ass ou Watchmen l’ont très bien fait, ça n’aurait pas de sens que je m’y essaie. Mais j’avais complètement carte blanche pour l’histoire.

Est-ce que ça fonctionne bien ?

C’est encore un peu tôt pour le dire, mais le premier tome s’est vendu à 70 000 exemplaires. C’est ce que j’espérais parce que c’est ce que je vends pour mes autres albums. L’avantage, c’est que l’histoire peut se lire seule, indépendamment du tome 2. Mon Batman est entre le comics et le franco-belge, il peut satisfaire d’autres lecteurs, comme les Allemands, où le tome est sorti en version souple.

L’équipe de DC est-elle contente de votre travail ?

Il faut croire, puisqu’ils m’ont demandé le tome 2 ! Pour eux, ce n’est pas si important, parce qu’ils ont déjà plein de Batman, c’était surtout important pour moi. Et peut-être que j’aurais payé pour faire un Batman (rires). Je l’ai surtout fait par nostalgie, pas pour l’argent, ce n’est pas ma création, je n’ai pas les droits.

Avez-vous envie de reprendre d’autres super-héros ?

Il ne faut pas trop que j’y pense, sinon je vais effectivement avoir envie de les reprendre, et je n’ai pas le temps.

Allez-vous poursuivre l’aventure Batman ?

Je pourrais faire une suite, mais l’histoire se clôt et il n’y en a pas besoin. Et, une fois de plus, je n’ai pas le temps. On pourrait penser que la petite fille pourrait devenir Robyn, mais je n’ai pas pensé à ça. Peut-être que quelqu’un se chargera de faire une histoire autour de la petite fille, ou du clown dépressif, pourquoi pas ?

D’ailleurs, il n’y a pas de Robin dans votre version...

Non, parce que j’aime la symétrie et que Robin aurait tout déséquilibré. J’aime que les personnages fonctionnent en couple : Joker avec Harley Quinn et Batman avec Catwoman.

Pourquoi le Joker et pas un autre méchant ?

Parce que j’ai été prévenu trop tard que je pouvais créer un méchant ! Si j’avais su, j’aurais créé un nouveau méchant, pour toutes les figurines et les goodies autour (rires). En vérité, Batman m’a beaucoup amusé, mais c’est surtout le Joker qui me manque déjà. J’avais très envie de travailler avec ce personnage.

On le voit dans une scène où il danse sous la pluie, vous vouliez lui donner plus de personnalité ?

Oui, mais ce genre de scène, c’est surtout pour m’amuser. Ce sont des scènes qui ne servent à rien en soi, mais qui permettent de respirer, et qui me font plaisir. Un scénariste ne pourrait pas me donner une telle scène, parce qu’elle n’apporte rien à l’histoire, mais ça m’amuse. Le moment où Harley Quinn est recouverte de sushis, par exemple, il ne sert à rien, mais c’est un de mes préférés.

Pour vos autres bandes dessinées, comment pensez-vous les histoires ?

Souvent, je commence par imaginer un personnage. Je lui donne plus de corps en lui inventant une vie, une famille, une histoire, et puis je pense à l’ambiance. Je ne pars pas d’une intrigue, comme certains auteurs le font. Avant, j’aurais dit que ce que je voulais transmettre à mes lecteurs, c’était simplement du divertissement. Aujourd’hui, je pense aux émotions. J’ai envie que mes lecteurs ressentent des choses.

Pensez-vous à faire des albums plus personnels où vous confiez plus ?

Non, je pense que plein d’auteurs le font bien mieux que moi. Peut-être que si mon petit chien se faisait écraser par le tram j’aurais besoin d’en parler dans une bande dessinée. Mais je n’ai pas de petit chien (rires). Je n’ai jamais eu besoin de parler des drames que j’ai pu connaître dans ma vie.

Pensez-vous faire autre chose que de la bande dessinée ?

Pourquoi pas, un jour... mais pas de tout de suite. J’aime beaucoup la photo ou la peinture, mais pour l’instant je m’épanouis avec la bande dessinée. Même si ça me fatigue beaucoup parfois, c’est toujours une passion. Je pense que c’est important de prendre du plaisir dans son travail, et ne pas se disperser. Il faut persévérer et faire de son mieux, c’est le seul moyen d’arriver à faire quelque chose de bien.

Avez-vous déjà été découragé de faire de la bande dessinée ?

Non, jamais. Même quand je voyais le travail d’auteurs meilleurs que moi, je me disais juste qu’il fallait que je sois encore meilleur qu’eux. Il faut se concentrer sur les bons auteurs, s’en inspirer, et ne pas s’attarder sur les mauvais, sauf pour éviter de faire pareil. Et surtout rester curieux.

Quels sont vos projets ?

Je vais faire le tome 12 de Scorpions, et puis le tome suivant des Aigles de Rome. J’ai aussi un projet encore un peu secret.

Peut-on en savoir plus ?

Pour l’instant, le titre de travail de ce projet, c’est Noir. Ça sera un polar, qui se déroule dans les années 50, avec un homme et une femme. C’est tout ce que je peux dire pour l'instant.

Pour patienter jusqu'au 15 juin, nous vous proposons ci-dessous quelques planches du tome 2 de Batman, par Enrico Marini, aux éditions Dargaud.

Batman T. 2, par Enrico Marini, p. 5 © Dargaud
Batman T. 2, par Enrico Marini, p. 6 © Dargaud
Batman T. 2, par Enrico Marini, p. 7 © Dargaud
Batman T. 2, par Enrico Marini, p. 8 © Dargaud
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