La chapelle de semaine de l’église de l’Épiphanie à Vénissieux © Laurent Claus

L’architecture lyonnaise et ses secrets : le renouveau de l’art sacré (XXe siècle)

Les années qui suivent la Deuxième Guerre mondiale voient naître un renouveau des commandes sacrées, dont certaines, radicales et à la pointe de la modernité, font date dans l’histoire de l’art. Ce renouveau de l’art religieux catholique correspond aux grands chantiers de la reconstruction : il s’agit de rebâtir un parc insalubre et de répondre à l’accroissement démographique. 

À Lyon, la population du diocèse a augmenté de 400 000 habitants entre 1900 et 1959, et est désormais majoritairement urbaine (62 %). Quarante et une nouvelles églises sont bâties dans la seule agglomération lyonnaise entre 1952 et 1973.

Mais ce renouveau est aussi porté par un désir de réconciliation entre l’Église et l’art moderne. Si ce mouvement de fond a commencé après la Première Guerre mondiale, avec notamment la fondation des Ateliers d’art sacré par Maurice Denis (peintre très influencé par Gauguin mais qui professait également un christianisme profond) et George Desvallières en 1919, l’art d’église demeure globalement peu novateur en regard des arts de l’époque. Les réussites architecturales dans la région lyonnaise telle l’église de la Sainte-Famille à Villeurbanne, construite en 1927 dans un style Art déco, restent marginales. C’est pour revivifier cet art religieux catholique qu’est créée en 1935 la revue L’Art sacré. Elle passe l’année suivante aux éditions du Cerf, gérées par l’ordre dominicain. Deux religieux, le père Couturier, venu des Ateliers d’art sacré́, et le père Régamey, historien de l’art de haut niveau, en assurent la direction jusqu’en 1954 et lui insufflent son esprit. La revue devient l’étendard d’un art résolument contemporain et au centre de la “querelle de l’art sacré” déclenchée par l’église du plateau d’Assy en Savoie, la chapelle de Ronchamp, édifiée par Le Corbusier, ou celle de Vence, ornée par Matisse. Querelle qui entraînera des réactions autoritaires de l’Église, venant briser durablement l’élan du renouveau de l’art sacré en France.


Repère historique

Si les églises antérieures à 1905 – date de séparation de l’Église et de l’État – appartiennent aux communes, depuis lors, les autorités religieuses peuvent en bâtir de nouvelles dont elles sont propriétaires, conférant à l’architecture sacrée une nouvelle liberté.


Vénissieux
La chapelle de semaine de l’église de l’Épiphanie

© Nadège Druzkowski

L’originalité de l’église des Minguettes est sa chapelle de semaine dont le traitement architectural en fait une construction unique. Conçue en 1969 par Franck Grimal, architecte en chef des Minguettes, mais aussi de Bron-Parilly et la Duchère, elle ressemble à une étrange pyramide recouverte de cuivre, s’élevant par paliers décalés, créant un mouvement hélicoïdal. À l’intérieur, le plafond de cet oratoire hexagonal, très lumineux, en verre et béton bleuté, semble se déployer comme un origami vers le ciel.


Lyon 9e
L’église Notre-Dame de Balmont à la Duchère

© Martial Couderette

Construite par l’architecte Pierre Genton en 1964-1965, l’église, à la manière des cryptes primitives, est quasiment enterrée. Un choix sans doute guidé par le terrain étroit et accidenté. Seule émerge une flèche pyramidale inclinée à 45° qui s’élance vers le ciel. L’église était appréciée pour son éclairage naturel, en particulier un canon de lumière qui illuminait l’autel et le chœur, en provenance de la sculpture d’Étienne-Martin. Faite d’un claustra de bois, se découpant dans la toiture, elle revêt des formes étonnantes en “tuyaux d’orgue”. La transformation de l’église en cinéma, en 1996, l’a obscurcie, avec l’occultation complète du claustra.


L’art sacré

Passionné d’art contemporain, le père Couturier, pour qui “tout art véritable est sacré”, dresse un constat critique de la médiocrité de l’art religieux et de la nécessité de rompre avec l’académisme. Il fait le pari d’un art vivant affirmant qu’“il vaut mieux s’adresser à des hommes de génie sans la foi qu’à des croyants sans talent”. Non sans créer de polémiques, il sut faire travailler pour l’Église des artistes tels que Germaine Richier, Matisse, Léger, Chagall, Rouault, Le Corbusier…


Lyon 7e
Les vitraux de l’église Saint-Michel, avenue Berthelot

Vitraux du chœur représentant les signes du zodiaque © Martial Couderette

Réduite en ruines lors du bombardement américain du 26 mai 1944, l’église Saint-Michel est reconstruite en 1962 par les architectes Bonnamour et Rinuccini et dotée d’un haut clocher, épuré. L’église est ornée de beaux vitraux abstraits de René-Maria Burlet, qui résida à Lyon durant presque toute sa vie professionnelle. Né René Burlet, il adopte le nom d’artiste René-Maria Burlet, en hommage à Marie Favre, son épouse et fidèle collaboratrice, en lien également avec le culte marial. Il fonde en 1942 l’académie du Minotaure et se lance à partir de 1950 dans la création de vitraux en dalles de verre éclatées.


L’incontournable couvent de La Tourette

© Canton de l’Arbresle / Rhône

Site classé au patrimoine mondial de l’Unesco depuis 2016, le couvent est construit par Le Corbusier pour les frères dominicains, qui s’y installent en 1959. Le père Couturier explique ce choix original : “Pour la beauté du couvent à naître, bien sûr. Mais surtout pour la signification de cette beauté. Il était nécessaire de montrer que la prière et la vie religieuse ne sont pas liées à des formes conventionnelles et qu’un accord peut s’établir entre elles et l’architecture la plus moderne.”

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© Martial Couderette

Autre église détruite lors du bombardement allié de mai 1944, Notre-Dame-de-l’Annonciation, à Vaise, a été reconstruite en 1957 par l’architecte Koch. Il la dote d’un grand clocher, rappelant les campaniles italiens, et fait appel pour la décoration intérieure, avec l’aide des pères Couturier et Régamey, à des artistes renommés comme les sculpteurs Philippe Kaeppelin et Eugène Quentric.


Intérieur de l'église Saint-Charles de Serin © Martial Couderette

Au sortir du tunnel de la Croix-Rousse, l’église Saint-Charles de Serin est bâtie en 1952. Elle abrite une œuvre majeure de l’art sacré lyonnais d’après-guerre, le Christ souffrant, dessiné par Jean Coquet et réalisé par l’ébéniste Christian Krass.

Christ souffrant de Jean Coquet © Martial Couderette

© Nadège Druzkowski

Construite en 1977, la synagogue Neve-Shalom, rue Duguesclin (Lyon 3e), surmontée d’un bâtiment comprenant les locaux du consistoire s’élevant sur quatre étages carrés, présente une architecture typée de son époque.


Rendez-vous

La conférence Les églises du XXe siècle du diocèse de Lyon, par Maryannick Chalabi, conservatrice honoraire du Patrimoine et Violaine Savereux, conservatrice du patrimoine, responsable de la Commission diocésaine d'Art sacré, pour la Société Académique d'Architecture de Lyon, le mardi 4 avril 2023 à 18h aux Archives Municipales (Place des Archives à Lyon 2e). 
Gratuit et ouvert à tous dans la limite des places disponibles.

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