François Guérif : "Le polar n'est plus une contre-culture"

Il suffit de se reporter à La moisson rouge de Dashiell Hammett, aux livres de Manchette, Vautrin, ou aujourd'hui Dominique Manotti ou Jean-Hugues Oppel.

Quais du polar élargit au maximum le champ du polar : on y retrouve des figures du roman noir et du polar, des hommages aux grand maîtres, mais aussi des auteurs de thriller populaire comme Jean-Christophe Grangé ou Douglas Kennedy, ce mélange est-il salutaire pour le polar ?
L'ouverture et mélange des genres a toujours existé. Comme l'écrivait Alain Corneau : "L'influence du polar, c'est un poison qui s'infiltre partout ... Peu importe qu'on veuille me le fourguer à la sauce SF ou fantastique-épouvante, au goût du jour, je ne dis jamais non".

Le thriller a souvent été pour les spécialistes le parent pauvre des littératures policières, il est pourtant clairement plébiscité par le public au travers d'auteurs comme Grangé ou d'autres. Comment expliquer cela ?
Le dictionnaire anglais/français Harrap's indique que le mot "thriller" désigne un roman à sensations et qu'il tire son original du verbe "to thrill" : faire frissonner, faire frémir. Comme l'écrivait Jean-Pierre Deloux dans le numéro de Polar (nème4, septembre 1991), consacré au thriller : "Si le polar peut être globalement défini comme la solution d'un mystère et la découverte d'un ou plusieurs coupables, le thriller repose, en général, sur la découverte d'un secret et la mise en échec d'un complot ou d'une conspiration menaçant la sécurité et la paix de la société ou du monde". Le thriller n'est donc pas né avec Grangé, mais avec des auteurs comme Joseph Conrad, Eric Ambler, Graham Greene, Ian Fleming. Il n'a jamais été le parent pauvre de la littérature policière. C'est une façon et une technique différente de raconter des histoires.

Que pensez-vous de l'ouverture du roman noir et du polar vers la science-fiction, le fantastique, l'ésotérisme ?
Il y a longtemps que le polar s'est ouvert vers la science-fiction, le fantastique ou l'ésotérisme. Je vous renvoie à des écrivains comme Hal Clement (Le microbe détective) Isaac Asimov (Les cavernes d'acier) John Dickson Carr (La chambre ardente) ou Talbot Mundy (Les neuf inconnus) tous publiés dans les années cinquante.

Les séries télévisées policières (The Shield, les Experts...) sont de plus en plus populaires. Pensez-vous qu'elles suscitent par ricochet un engouement pour la littérature policière ?
Oui le cinéma et la littérature policière ont toujours été étroitement liés. La télévision a pris le relais. Ce qui est intéressant aujourd'hui, c'est que des grands auteurs (Dennis Lehane, George Pelecanos) travaillent sur des séries. Mais ces séries ne découlent-elles pas elles-mêmes des bouquins d'Ed Mc Bain, Georges Simenon ou Manuel Vasquez Montalban ?

Devenu divertissement familial, le polar est-il encore une contre-culture à dimension politique ?
Il y a toujours eu le roman policier de "distraction" (en général le roman d'énigme) et le roman policier social et politique (en général le roman noir). Cela continue aujourd'hui. Et si certaines séries sont pour un public familial, d'autres le sont beaucoup moins et restent "politiques" (The wire, par exemple). Mais le polar n'est plus une contre-culture. Aujourd'hui Hammett, Chandler, Simenon ou Ellroy sont entrés par la grande porte à l'Université et seuls les imbéciles peuvent encore les considérer comme des écrivains mineurs.

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