Le grand photographe Ferrante Ferranti propose Prière, Voyage chez les croyants du monde, une magnifique exposition centrée sur la gestuelle des croyants. À découvrir au musée de Fourvière.
Architecte de formation, photographe voyageur né en Algérie d’une mère sarde et d’un père sicilien, catholique pratiquant, Ferrante Ferranti est habité depuis toujours par le désir de “voir l’invisible” et ne cesse pour cela de parcourir le monde, explorant depuis trente ans les chemins du sacré qui vont du mont Athos aux processions de la Semaine sainte à Séville et dans le nouveau monde, en visitant des lieux de pèlerinage ou encore les cérémonies qui unissent l’Inde, l’Éthiopie, Bali, Ispahan et Jérusalem.
Il nous offre ici une exposition non pas sur la découverte des religions, mais sur la gestuelle des croyants avec des hommes et des femmes qui investissent leur corps dans la prière et les rites des différentes confessions (chrétienne, musulmane, hindoue, sikh, juive, bouddhiste…), le tout dans des décors familiers ou singuliers (monastère, église, mosquée, temple, mur des Lamentations, sources sacrées…).
Dévoilées autour de six thèmes – Le corps se recentre, Prier avec les mains, Toucher, Se prosterner, La lumière, L’eau –, les photos sont époustouflantes de beauté avec des cadrages où le corps fait partie intégrante d’une architecture composée d’éléments propres aux lieux des prières, traversée par des lumières incandescentes.

Pour chaque photo, on a la sensation d’une mise en scène alors que Ferranti passe de longs moments à observer, dans le silence et le respect, jusqu’à saisir magnifiquement ces moments d’émotion qui nous embarquent, que l’on soit croyant ou pas, vers la découverte de cultes méconnus, nous laissant entrevoir la richesse des civilisations qui les portent.
En Inde, la spiritualité est sensuelle car elle fait partie de la vie
Le photographe explore le jeu d’échelle dans le rapport des corps aux lieux où ils se trouvent. Les corps sont humbles, parfois ils deviennent petits comme par exemple devant la statue monumentale de Sri Gomateshvara en Inde, ils se prosternent, lovés au sol ou accompagnent le mouvement de l’architecture autour (magnifique photo que celle du moine qui se prosterne toutes les trois marches dans une ascension vers le temple de l’île de Putuoshan en Chine). Ils sont drapés dans un tissu lumineux, priant pour le soleil levant, ils écoutent le souffle de la terre ou jaillissent dans l’eau purificatrice du Gange, ils offrent leur peau et leurs mots au mur des Lamentations. Tandis que les pèlerins embrassent les murs ou les arbres, Ferranti nous ouvre les territoires de l’intime. On les voit de dos, de profil, en solo, chacun vit sa spiritualité à sa manière.

Ce qui frappe, c’est à la fois la force des images et l’apaisement qui en émane, il y a une sorte d’épure qui nous engage à nous recentrer sur notre corps, notre silence et notre propre isolation du monde.
Ce qui nous stupéfait, c’est la sensualité de ces instants de prières et de célébrations. Ferranti définit d’ailleurs son travail comme une exposition des sens, avec les rites du feu, du sol, de l’eau, les rites célestes : “Le toucher est très important dans la spiritualité. Il faut s’interroger profondément sur le sens du toucher, sinon la spiritualité est désincarnée, le corps est important. L’Inde m’a frappé, elle est sensuelle dans le sens où la spiritualité fait partie de la vie.”
Prière, Voyage chez les croyants du monde – Ferrante Ferranti, jusqu’au 1er juin, musée de Fourvière – www.fourviere.fr