Babel 8.3 Enfants 25
© Tim Douet

Babel à la Maison de la danse : 250 amateurs sur scène

Après neuf mois de répétitions, 250 amateurs vont danser ce week-end sur le plateau de la Maison de la danse. Une aventure humaine et artistique unique avec des habitants du 8e et du 3e arrondissements de tous les âges. Apparemment séduits par l’expérience : “On s’est tous trouvés”, résume un jeune danseur de hip-hop. Reportage.

Les Lyonnais vont enfin pouvoir découvrir le travail collectif mené dans le cadre du projet Babel 8.3, lancé il y a plus d’un an par la directrice de la Maison de la danse, Dominique Hervieu. Conçu avec des habitants des 8e et 3e arrondissements, il a impliqué les chorégraphes lyonnais Abou Lagraa, Thomas Guerry, Aïcha M’Barek et Hafiz Dhaou, Denis Plassard, Abdou N’Gom, Najib Guerfi, Farid Azzout et Annick Charlot. Chacun d’entre eux a travaillé neuf mois avec un groupe d’amateurs, éclairés pour certains, totalement novices pour d’autres.

250 participants, de 5 à 98 ans

Ont participé aux ateliers (et se retrouveront sur la scène) des personnes âgées de la maison de retraite La Vérandine, des enfants de l’école maternelle Louis-Pasteur et de l’école primaire Charles-Péguy, des jeunes du collège Longchambon, du lycée Jean-Lurçat, du centre social des États-Unis et de l’université Lyon 3. Des familles entières ou des personnes inscrites de manière individuelle ont aussi constitué des groupes.

Fil rouge musical du projet : Mozart avec, cerise sur le gâteau, la présence sur scène des musiciens de l’Orchestre national de Lyon.

Ce qui donne à Babel 8.3 son titre de “mosaïque des cultures” réside autant dans la mixité des participants que dans la diversité des chorégraphes, dont les langages sont très éloignés les uns des autres. Et tous semblent avoir séduit les amateurs.

Thomas Guerry, “tellement loufoque”

Avec son travail corps/musique et son énergie à toute épreuve, Thomas Guerry a assurément séduit. “Thomas n’a pas de limites, raconte Orianne. Il parle à des spectateurs qui n’existent pas, il change de voix dans une même phrase et il est tellement loufoque qu’on peut aller n’importe où sans que cela soit ridicule. L’énergie qu’il nous donne est à 4000 % et nous on rentre complètement dedans. C’est génial !”

Pour Chloé, du même groupe, l’aventure sur l’année est bien plus enrichissante que ce qui sera présenté : “À chaque fois, on apprend quelque chose de nouveau et surtout on découvre comment un chorégraphe appréhende les mouvements. C’est passionnant !”

Abou Lagraa “amène la rigueur”

Pour les danseurs hip-hop du centre social des États-Unis, qui se sont retrouvés avec des étudiantes de Lyon 3 sous la houlette d’Abou Lagraa, ce projet est une chance qui n’est pas donnée à tout le monde. Car les conditions de travail dans un beau studio hors de leur banlieue étaient géniales, avec ce rêve au bout qui se réalise : danser à la Maison de la danse.

“Abou amène la rigueur et la qualité de la danse, explique Elliot. Nous, on découvre le contemporain, on doit s’adapter à un autre ressenti et une autre approche de la musique. L’ambiance est joyeuse et on s’est tous trouvés, y compris avec les filles !”

Foued Chaïa, qui travaille et danse avec eux depuis quatre ans, affirme ne pas s’être trompé en choisissant Abou : “Je savais qu’il les amènerait vers autre chose, une ouverture d’esprit. Ils étaient très hip-hop, très battles et avaient du mal avec l’écoute, la notion de groupe ou la construction d’un spectacle. Pour moi, ils ont franchi une étape dans ce que nous construisons ensemble au quotidien.”

Avec Denis Plassard, “un super projet” en famille

Le groupe de Denis Plassard, qui a concocté une chorégraphie très ludique autour de jeux de pieds, a la particularité de n’être composé que de familles. Celle de Philippe était au complet : il est venu avec sa femme et ses trois enfants. “Pour nous, c’est un super projet en commun, même si répéter le soir est parfois difficile pour les enfants, nous a-t-il confié. Ils voudraient rapidement être au spectacle et, là, ils se rendent compte qu’il faut un peu travailler avant.”

Marilou (9 ans) a adoré venir à cet atelier : pour les copains du même quartier dans le 8e, parce qu’elle aime la danse et qu’elle partage une aventure à deux, avec sa mère, comme ses amies Solène et Mathis.

“Ce n’est pas parce qu’on est vieux que tout est fini !”

À côté de la Maison de la danse se trouve une maison de retraite qui héberge des personnes très âgées atteintes de la maladie d’Alzheimer. Dominique Hervieu a pris en charge un groupe de douze (moyenne d’âge, 92 ans), certaines ayant eu une grande passion pour la danse autrefois. Fragiles, elles dansent assises et sur des mouvements simples, qu’il a fallu reconquérir à chaque atelier.

Pour Suzanne Berthezene, la kiné, ce travail a permis aux personnes âgées de ressentir qu’elles ont encore un corps : “Malgré ce corps qui souffre, qui ne marche plus, qui a des problèmes, elles se rendent compte qu’il peut encore exprimer des émotions.”

Martine Rigal, l’animatrice, évoque un projet qui les a sorties de leur isolement : “Ce n’est pas parce qu’on est vieux que tout est fini. Dans notre société, les personnes âgées disparaissent de notre vision, soit en allant dans les maisons de retraite soit en se retranchant chez elles. Babel valorise ce qu’elles sont encore capables de faire.” “Ce que nous souhaitons, renchérit la directrice de La Vérandine, Valérie Reverdy, c’est surtout rappeler que derrière le malade il y a une personne.”

“Je ne peux pas vous dire exactement ce que l’on fait, mais c’est du bonheur”

Marie (91 ans) a aimé l’atelier : “On est moins seul, on apprend à se connaître et cela permet de garder l’équilibre du corps et de la tête.” Marie-Louise (95 ans) ne se souvient plus si elle utilise ses bras : “Je ne peux pas vous dire exactement ce que l’on fait, mais c’est du bonheur de faire ça, même si ce n’est pas toujours facile. Vous savez, je dansais déjà dans la nuit des temps.”

Antoinette (98 ans) appréhende les soirs de spectacle : “J’ai peur de ne pas tenir le coup en jouant le spectacle quatre fois. C’est important, ce projet, on est avec les autres. Les mouvements ne sont pas trop difficiles, mais il faut s’en rappeler. On verra bien !”

Sans qu’elles en aient vraiment conscience, il est prévu que certaines d’entre elles dansent avec des jeunes du groupe hip-hop sur la scène de la Maison de la danse… La mosaïque est aussi intergénérationnelle dans Babel.

Babel 8.3 – Vendredi 29 et samedi 30 mai à 20h30, dimanche 31 à 15h, à la Maison de la danse, Lyon 8e. Entrée gratuite sur réservation.
Babel – le feuilleton : De nombreux reportages et portraits ont été réalisés par Stéphane Lebard tout au long du projet. Évolution des groupes, émotions de chacun dans cette découverte de la danse, rencontres improbables… sont à retrouver en épisodes sur le site Babel83.com créé en collaboration avec France 3 Rhône-Alpes et LGM Télévision, avant le documentaire qui sera diffusé sur la chaîne à une heure de grande écoute.

Et ci-dessous le reportage photo de Lyon Capitale lors d’un atelier des enfants de la maternelle Louis-Pasteur et de l’école primaire Charles-Péguy, encadrés par la compagnie du chorégraphe Najib Guerfi.

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