Tim Burton et Mia Wasikowska dans Alice au pays des merveilles (2010) Prod DB © Walt Disney Pictures

Cinéma : Tim Burton, un fondu au noir pour le Prix Lumière

C’est Tim Burton qui sera le récipiendaire du célèbre prix pour cette 14e édition du festival Lumière. À partir du samedi 15 octobre, ce sera l’occasion de revoir ses films et beaucoup d’autres avec en tête Louis Malle, Sidney Lumet, Warren Beatty, Jeanne Moreau, une multitude d’avant-premières et quelques raretés venues du fond des âges. Que la lumière soit.

On l’a appris au cœur de l’été. Si l’institut Lumière jouait avec le suspense de son prix Lumière 2022, c’était pour mieux annoncer un poids lourd du cinéma mondial, le grand Tim Burton, pas loin d’être la figure la plus singulière du palmarès du festival depuis ses débuts – ça peut néanmoins se discuter.

Car Burton, c’est un esprit, un univers et une trajectoire comme il y en a peu. Il a débuté comme animateur chez Disney, sur le film Rox & Rouky notamment, pour ensuite faire de l’anti-Disney avec son univers gothique… Avant de revenir dans le giron de l’empire du divertissement californien.

Son truc à Burton, ce sont les contes fondus au noir, macabres et déjantés, qui cachent leur mélancolie sous des couches d’excentricité.

Ses sujets, ses obsessions à ses débuts : la mort et le mal-être adolescent qui irriguent ses courts Vincent, Frankenweenie, et ses premiers longs (Beetlejuice, Edward aux mains d’argent…) nés de l’imagination et de la poésie d’un grand enfant qui, depuis son plus jeune âge, souffre d’être ou de se sentir différent. Une différence qui est aussi au cœur de films comme Ed Wood, Mars Attacks! ou Big Fish.


Quatre classiques enchaînés le  samedi 22 octobre à la halle Tony-Garnier  : Beetlejuice, Ed Wood, Mars Attacks!, Sleepy Hollow


Nuit Burton

Mais Burton est aussi un amateur de classiques de la littérature (au sens large), de la télévision ou du cinéma (parfois les trois) qui fournira des adaptations plus ou moins réussies et toujours audacieuses de Batman, La Planète des singes, Sleepy Hollow, Sweeney Todd, Charlie et la chocolaterie, Alice au pays des merveilles, Dark Shadows, tous passés au tamis de sa noirceur et de sa loufoquerie (cette dernière l’emportant de plus en plus sur la première au fil des ans).

Sleepy Hollow © Prod DB / Paramount

Récemment, Burton s’est même laissé aller à la tentation des plateformes en adaptant-détournant le point de vue d’un classique télé-ciné américain, La Famille Addams, avec Wednesday.

Le réalisateur sera à Lyon du 20 au 23 octobre pour, bien sûr, recevoir son prix et accompagner le programme rétrospectif de son œuvre. Notamment une Nuit Burton fort savoureuse, le samedi 22 octobre à la halle Tony-Garnier avec quatre classiques enchaînés : Beetlejuice, Ed Wood, Mars Attacks!, Sleepy Hollow, un casting idéal pour ce genre de programme cher au festival.

Mais le festival ne se limitant pas à sa tête d’affiche, d’autres rétros seront à l’honneur. Celles notamment consacrées à deux géants Louis Malle et Sidney Lumet.

Louis Malle c’est un oscar et une palme d’or obtenus avant 25 ans (pour Le Monde du silence) et une œuvre au croisement de la Nouvelle Vague et du cinéma indépendant américain.

Plutôt sulfureuse, son œuvre adapte Drieu la Rochelle avec Le Feu follet, évoque la collaboration et fait scandale avec La Petite (qui met en scène une très jeune Brooke Shields) et Le Souffle au cœur. Quelques succès beaucoup plus consensuels émailleront la carrière de Malle, comme Milou en mai ou le très acclamé (et bouleversant) Au revoir les enfants, au cœur d’une filmographie qui ne compte que des géants : Ascenseur pour l’échafaud, Zazie dans le métro, Atlantic City. L’occasion également de constater – pour ceux qui l’auraient oublié – que le réalisateur a fait tourner les plus grands : Burt Lancaster, Susan Sarandon mais aussi Bardot et Belmondo côté acteurs et Modiano, Nimier, Carrière aux scénarios et dialogues.

Lumet à Lumière

En miroir de cette rétrospective française, son pendant américain avec un autre très grand, Sidney Lumet, lui aussi auteur de classiques absolus. On pense notamment à sa collaboration avec Pacino dans Un après-midi de chien (sans doute son chef-d’œuvre) et le singulier Serpico, peut-être les deux plus grands rôles d’un Pacino au sommet.


Son truc à Burton, ce sont les contes fondus au noir, macabres et déjantés, qui cachent leur mélancolie sous des couches d’excentricité


Mais aussi à ses thrillers juridiques comme Le Verdict (avec Paul Newman) ou le classique parmi les classiques Douze Hommes en colère (avec Henry Fonda).

Mais Lumet c’est aussi des films plus mineurs – en tout cas dans la manière dont ils furent célébrés –, plus récents aussi comme Contre-enquête ou le sublime À bout de course, film infiniment politique sur la cavale d’une famille d’activistes d’extrême gauche avec un jeune River Phoenix absolument vibrant qui nous fait assister à son entrée dans l’âge adulte.

Une œuvre qui s’étale sur cinquante ans pile entre Douze Hommes en colère (1957) et 7h58 ce samedi-là qui raconte aussi cinquante ans d’histoire politique américaine.

Trésors cachés

À noter également que dans la traditionnelle et toujours passionnante “Histoire permanente des réalisatrices”, véritable réservoir de trésors cachés, Lumière nous familiarisera avec l’œuvre de la Suédoise Mai Zetterling, actrice au départ, comme souvent dans le cas de ces femmes-cinéastes (elle joua notamment pour Muriel Box, auquel ce cycle a déjà rendu hommage), qui œuvra très tôt à l’avant-garde du combat féministe et travailla tant pour le cinéma que pour la télé et les séries.

Une autre actrice cinéaste sera à l’honneur, en la personne de Jeanne Moreau, dont le travail de réalisatrice est assez peu connu. Ses deux films, Lumière, L’Adolescente et le documentaire Lillian Gish seront présentés dans des versions évidemment restaurées.

Tout comme les cinq premiers films (ses films hongrois) du réalisateur austro-hongrois devenu américain André De Toth et un film qui fête ses quarante ans avec un beau statut de classique signé Warren Beatty (autre acteur-cinéaste), Reds, biopic consacré à John Reed, militant et journaliste communiste américain (deux qualités plutôt antinomiques) qui remporta l’oscar du meilleur acteur et meilleur réalisateur en 1982.

À ne pas rater : le ciné-concert consacré au seul film (muet) réalisé par l’acteur Charles Vanel, Dans la nuit

Charles Vanel muet

Parmi les toujours prestigieux invités du festival, on comptera le réalisateur sud-coréen Lee Chang-dong, Louis Garrel, venu présenter L’Innocent, Monica Bellucci, qui marchera dans les traces d’Anita Ekberg, pour un documentaire consacré à l’actrice suédoise et une master class – un programme de master class qui sera complété par Lee Chang-dong, Marlène Jobert, Nicole Garcia et le réalisateur américain James Gray. Mais aussi Jerzy Skolimowski, Claude Lelouch, Guillermo del Toro, Nicolas Winding-Refn pour des projections exceptionnelles.

À ne pas rater enfin, le ciné-concert consacré au seul film (muet) réalisé par l’acteur Charles Vanel, Dans la nuit, en 1930, tout simplement l’un des derniers films muets, qui sera accompagné par l’orgue d’Adam Bernadac.


Festival Lumière – Du 15 au 23 octobre.


 

 

 

 

 

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