Tribunal administratif de Lyon. @WilliamPham

Reportage à Lyon : incident OL-OM, le procès de la violence plutôt que des supporters

Le tribunal correctionnel de Lyon a condamné un supporter lyonnais pour avoir jeté une bouteille sur un joueur marseillais lors du match OL/OM. Compte-rendu d'audience.

Soulagement au tribunal correctionnel de Lyon. Le prévenu, qui est apparu habillé d’un jogging noir et d’un maillot du Bayern Munich, le regard constamment tourné vers les journalistes venus en nombre, a fait part de ses regrets à plusieurs reprises pendant son procès. Coupable d’avoir jeté une bouteille d'eau en plastique sur le meneur de l'Olympique de Marseille, Dimitri Payet, dès la 4e minute de jeu lors de la rencontre opposant l’OL et l’OM dimanche 21 novembre dernier, au Groupama Stadium (Décines), le supporter lyonnais a été jugé mardi.

Jugé en comparution immédiate devant la 14e chambre du tribunal correctionnel de Lyon, l'individu  a été condamné à six mois de prison avec sursis et cinq ans d’interdiction de stade. Il devra aussi verser un euro symbolique à Dimitri Payet, l’OM et la Ligue de football professionnel. De quoi redonner le sourire à l’avocat du supporter, David Metaxas, qui s’est dit satisfait après l’annonce.

Plus qu’une simple condamnation, les instances du football, constituées parties civiles, associent ce procès à une recrudescence des actes de violences dans les stades après un an de Covid et de huis clos. Retour sur un procès long de trois heures, où le supporterisme, la violence entre clubs rivaux et l’intégrité des sportifs ont rythmé la séance.

Un jet de bouteille pour "mettre la pression"

Visage masqué, les mains menottées, le prévenu s’avance près d’une paroi en plexiglass pour s’adresser au tribunal. L’homme de 32 ans, entouré d’une escorte policière, est accusé de "violence avec arme par destination dans une enceinte sportive". La présidente a d'abord dressé le profil du supporter. Un père de famille divorcé, livreur à mi-temps, résidant à Vaulx-en-Velin chez sa mère.  Elle évoque une inscription dans son casier judiciaire : une condamnation, en 2016, pour des faits d’escroquerie.


"Je ne voulais pas le viser, j'ai jeté directement la bouteille en visant à côté de lui. Je veux m’excuser auprès de Payet et de l’OL. Cela fait 20 ans que je vais voir des matchs. Je ne sais pas ce qu’il s’est passé dans ma tête."
le prévenu au tribunal.


En face, le banc des parties civiles est bien garni. Les avocats de l’Union nationale des footballeurs professionnels (UNFP), de la Ligue de football professionnel, du joueur, de l'OM, ainsi que de ceux de l’Olympique Lyonnais, scrutent patiemment le prévenu.

D’entrée de jeu, celui-ci avoue ne pas savoir "ce qu’il s’est passé dans (sa) tête" au moment des faits. Dimanche 21 novembre, aux alentours de 20 heures 50, une bouteille d'eau de 50cl, provenant du virage Nord du Groupama Stadium, touche le visage du joueur Dimitri Payet. L’incident provoque la suspension de la rencontre entre les deux olympiques, après seulement 4 minutes de jeu. Deux heures après les faits, la rencontre est définitivement arrêtée, puis reportée à une date encore indéfinie.

"Je ne voulais pas le viser, j'ai jeté directement la bouteille en visant à côté de lui. Je veux m’excuser auprès de Payet et de l’OL. Cela fait 20 ans que je vais voir des matchs. Je ne sais pas ce qu’il s’est passé dans ma tête ", se défend l'accusé.

Jugeant que sa version évolue à mesure que le temps passe, la présidente réfute immédiatement le caractère non-intentionnel de l'acte. "Lors de votre 1ère audition vous expliquez ne pas avoir voulu toucher le joueur et que vous aviez reçu de la bière. En réponse, vous auriez donc jeté une bouteille sans vouloir viser le joueur. Lors de la 2e audition, après visionnage d’une vidéo, vous revenez sur ces propos et avouez avoir visé le joueur sans vouloir le toucher, mais pour ‘lui mettre la pression’ ", explique la présidente.

Une vidéo accablante

Au cours de l’audition du prévenu, la présidente ordonne de visionner une vidéo captée au moment des faits reprochés au prévenu. Ce dernier y est clairement identifié en train de lancer un projectile. Un ami se tient à ses côtés et le félicite d’une tape dans le dos lorsque l’objet atteint sa cible. "C’était dans l’euphorie du truc", avait-il expliqué pendant sa garde à vue. La vidéo constitue un élément essentiel sur lequel va s’appuyer la procureure tout au long de son réquisitoire.

 

 

"Vous dites que ce n’est pas un geste intentionnel mais ça n’est pas ce qui est retranscrit sur la vidéo", avance-t-elle. Et de s’interroger : "pourquoi dissimulez-vous votre visage sous votre capuche ?  Et votre ami ? Il est déçu ? On voit que vous préparez votre geste et qu’il y a un sentiment de satisfaction."

La procureure requiert une peine de six mois de prison ferme ainsi que cinq ans d’interdiction de stade, invoquant "un geste intentionnel" et déclarant que "le risque zéro n’existe pas mais la tolérance zéro oui".


"Vous êtes en service commandé en demandant ces six mois fermes. La victime n'a pas d'ITT, et vous demandez six mois?!,
David Metaxas, l'avocat du prévenu, à la procureure.


Une peine revue à la baisse

Dernier à obtenir la parole, David Metaxas, l’avocat du lanceur de bouteille, plaide d’abord pour un allègement de la peine requise, qu’il juge trop sévère. Vous êtes en service commandé en demandant ces six mois fermes, lance-t-il en direction de la procureure. La victime n'a pas d'ITT, et vous demandez six mois ?!"

Sa plaidoirie se concentre essentiellement sur les faits de violences déjà présents dans le football avant cette affaire. Il affirme que la violence est "consubstantielle" du foot. Il accuse les instances de ne pas engager assez de moyens pour enrayer le phénomène.

Très vite, l’avocat monte d’un ton. Dans le viseur, la demande de renvoi sur intérêts civils émise par l’avocat représentant l’Olympique Lyonnais. "Vous allez avoir du boulot si vous jugez recevable la demande. Il il y aura potentiellement 57 000 personnes qui vont se constituer partie civile entre-temps. Vous allez avoir du travail, et pas mal de rédaction.", s’amuse-t-il.


La violence est "consubstantielle" du foot
David Metaxas, avocat du prévenu


Fin du premier acte, début du second

Après délibération, le tribunal prononce une peine de 6 mois de prison avec sursis, assortie d’une mise à l’épreuve de 2 ans et d’une interdiction de stade de 5 ans à l’encontre du supporter.

Si la condamnation vient clore ce procès pris dans un tourbillon médiatique depuis deux jours, l’affaire, elle, est loin de se terminer. Au total, trois autres personnes ont été placées en garde à vue après le coup d’envoi du match. Deux d’entre-elles, âgées de 18 ans, ont été remises en liberté faute d’élément probant sur les faits de détention de fumigène qui leur étaient reprochés. La troisième, âgée de 17 ans et originaire de l’Ain, sera jugée prochainement par le juge des enfants de Bourg-en-Bresse pour détention d’un fumigène.

La commission de discipline de la Ligue de football professionnel, réunie en urgence lundi 22 novembre, a déjà sanctionné l’Olympique Lyonnais d’un match à huis clos. En attendant sa décision définitive attendue le 8 décembre, l’affaire joue le temps additionnel.

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