Procès Barbarin - Lyon : “En quoi et de quoi suis-je coupable ?”

Le procès en appel du cardinal Barbarin a débuté ce jeudi à Lyon devant la cour d’appel. Durant la première matinée, l’archevêque de Lyon a répété ne pas “comprendre” ce qui lui était reproché, se plaçant en position de victime, concédant, une nouvelle fois, des “fautes” de gestion, mais pas de fautes pénales.

Tout avait été écrit avant le procès de première instance. Pourtant, âpres et poignants, les quatre jours d'audience avaient permis de mettre sur la place publique les maux et la réalité des faits commis par Bernard Preynat, le prêtre pédophile qui sera jugé en janvier prochain. Le cardinal Barbarin, accusé de ne pas avoir dénoncé ces faits, était ressorti condamné à six mois de prison avec sursis, de l’un des premiers grands procès de l'Eglise en France.

Ce jeudi, en appel, alors que la tension de janvier semblait un peu retombée, le cardinal s'est de nouveau présenté à la barre. Seul, cette fois. “Quelle est la raison de votre appel ?” a demandé le juge. “C'est un droit que la justice française me donne et je le saisis parce que je n'arrive pas bien à voir en quoi je suis coupable et quels sont les faits que l'on me reproche”, lui a répondu l'archevêque de Lyon.

Sa version n'a pas bougé depuis onze mois. “Je n'ai pas pensé, après la rencontre de 2014 [avec l'une des victimes, Alexandre Hezez, NdlR], qu'il fallait saisir la justice. Je lui ai demandé s'il y avait d'autres personnes dont les faits n'étaient pas prescrits. J'ai agi dans mon autorité à moi, qui était celle de Rome”, déclare-t-il de nouveau. C’est sur ces faits de 2014 qu'il a été condamné.

Le juge lui demande pourquoi il a utilisé l’expression “porte son fruit” en parlant de la démarche d’une des victimes.

“Je voulais la vérité. La Parole Libérée a trouvé un très bon titre en citant l'Evangile et en disant que “la parole vous rendra libre”. C’est ce qu’il s’est passé quand en janvier on a entendu cette souffrance enfouie depuis trente ou quarante ans. C'est important qu'ils arrivent à le dire. C'est quelque chose de cruel qu'ils ont vécu toutes ces années-là.

– Pourquoi ne pas avoir pensé à porter plainte ?

– Ce n'est arrivé qu’une seule fois qu'un évêque soit partie civile à côté des victimes. C'était beau. On y a pensé, mais on s'est dit que ce n'était pas honnête car trop tard. Quant à porter plainte moi-même, Alexandre Hezez m’a dit que les faits étaient prescrits. Donc, ni lui ni moi ne pouvions le faire. Là, on s'est dit : que peut-on faire ? C’est pour ça que j'ai écrit à Rome. D’ailleurs, par deux fois, j’ai eu affaire à ce genre de faits contemporains, j’ai réagi dans la seconde.

– Mais, pour Preynat, c’était différent ?

– Oui, précisément parce que M. Hezez disait qu'il s'en voulait à lui de ne pas avoir porté plainte.

– Vous deviez aussi éviter le scandale public, comme l’a demandé Rome ?

– Pour moi, l'essentiel, c'est les paroissiens. Si je l'avais retiré de sa paroisse, je les aurais entendus dire : “Mais pourquoi vous l'enlevez ?” Ça, ça aurait était un scandale public.”

Pourquoi on me le reproche à moi et pas à la police ou à la justice ?”

Avant l'audition du cardinal, son avocat, maître Luciani, avait critiqué la décision de première instance en pointant du doigt l'absence d'intérêt à agir des neuf parties civiles. “Pour avoir un intérêt à agir, il faut un préjudice actuel, certain et découlant directement de l'infraction. Ce préjudice doit donc être individualisé. (...) Je conçois que pour les parties civiles c’est une démarche militante, une “class action”, ce qui est toujours bien et à souligner. Mais là, il y a une confusion entre Philippe Barbarin et l’Église. En quoi le cardinal serait le symbole des autorités religieuses ? Nous ne sommes pas sur l'idéologique, mais sur le fait. La douleur individualisée. C'est ça, le pain quotidien de nos juridictions”, a déclaré l'avocat de l'archevêque.

Ce dernier s'est d'ailleurs plusieurs fois étonné de devoir porter la culpabilité à la place “des familles qui savent depuis plus de vingt ans” et même de “la justice”. “L’une des parties civiles m’a dit qu’elle portait plainte contre moi car elle ne pouvait pas le faire contre son père”, a-t-il lancé, en se positionnant dans le rôle de victime. Puis de conclure : “La plus grande culpabilité est celle de ceux qui savaient et qui ne l'ont pas fait avant. Pourquoi c'eût été à moi de le faire pour eux, vingt ans après les faits ? Pourquoi on me le reproche à moi et pas à la police ou à la justice ?”

L'audience a été levée. Elle reprendra cet après-midi avec les questions des parties civiles et de la défense au cardinal.

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