Le sommet mont Blanc

François-Marie Bréon : "Les glaciers du Mont-Blanc sont en recul rapide"

Alors qu'une partie du glacier de la Marmolada, dans le massif des Dolomites, en Italie, s'est récemment effondré, Lyon Capitale fait le point avec le climatologue François-Marie Bréon sur l'état des glaciers français.

Dimanche 3 juillet, une partie du glacier de la Marmolada, en Italie, s'est effondré. Au moins sept personnes sont mortes, huit ont été blessées et 13 sont toujours portées disparues. Le climatologue François-Marie Bréon, chercheur au Laboratoire des sciences du climat et de l'environnement, revient pour Lyon Capitale sur la situation des glaciers alpins.

Lyon Capitale. Pouvez-vous détailler ce qui s'est passé lors de l'effondrement d'une partie du glacier de la Marmolada dans les Alpes italiennes ? 

François-Marie Bréon. Un énorme morceau de glace s'est détaché du glacier et a dévalé les pentes qui étaient dessous. Le drame, c'est qu'il y avait plusieurs cordées d'alpinistes qui étaient sur le trajet, provoquant la mort de plusieurs personnes. La question est de savoir pourquoi le glacier s'est détaché. Ce genre de choses a toujours existé, les chutes de sérac [bloc de glace de grande taille, ndlr] sont classiques sur les glaciers. Mais, sans dire que cela n'arrive jamais, une chute de sérac de cette ampleur est exceptionnelle. Ces conditions sont favorisées par les températures élevées. Il y a une partie de la glace qui fond, ce qui apporte de l'eau liquide et favorise l'écoulement du glacier.

Quel est l'état des glaciers en France ? 

Il y a un très net recul des glaciers en France, qui est assez ancien. L'extension maximale des glaciers a été constatée au XIXe siècle. Depuis, les glaciers sont en recul. Les glaciers de la vallée de Chamonix descendaient beaucoup plus bas au cours du XIXe siècle qu'aujourd'hui. Je vais souvent me balader sur la Mer de Glace. Quand on prend le sentier qui descend vers le glacier, il y a un petit panneau qui montre la marque en 1850. C’est juste incroyable de voir la différence entre la position du glacier en 1850 et aujourd'hui.

Le recul des glaciers s'est très nettement accéléré sur les deux dernières décennies. Il y a déjà des glaciers en France qui ont disparu, en particulier dans les Pyrénées, mais aussi dans les Alpes. Ceux qui restent ont très fortement réduit. On le voit très bien dans la vallée de Chamonix : la Mer de Glace, le glacier d’Argentière, le glacier des Bossons reculent.

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Peut-on dire que le recul des glaciers est lié au réchauffement climatique ? 

Il n'y a absolument aucun doute sur le fait que ce recul des glaciers est causé par le réchauffement climatique.

Quelle est la situation au niveau du mont Blanc plus précisément ? 

Le glacier d'Argentière, le glacier des Bossons, la Mer de Glace, le glacier de Tré-la-Tête, le glacier du Tour descendent du Mont-Blanc. Le front de tous ces glaciers, c'est-à-dire la zone au niveau de laquelle le glacier s'arrête, a tendance à reculer.

Il faut aussi souligner que l'épaisseur des glaciers diminue. L'épaisseur de la Mer de Glace diminue de trois mètres par an, ce qui est considérable. Chaque année, on est obligé d'ajouter des échelles pour accéder à la Mer de Glace depuis le petit train du Montenvers. Les glaciers du Mont-Blanc, qui sont les plus grands glaciers en France, sont en recul rapide.

Le Mont-Blanc risque-t-il de s'effondrer ?

Il y a plusieurs éléments de réponse. Concernant les risques sur les glaciers eux-mêmes, je n'en sais rien. Ce que je sais, c'est qu'il y a un risque identifié. Des poches d'eau peuvent se former pendant la fonte des glaciers. Cette eau peut ensuite être libérée de manière brutale, avec des impacts dévastateurs en aval.

Il y a autre chose, que l'on oublie parfois. En montagne, l'impact du réchauffement climatique ne se limite pas aux glaciers. La roche, c'est-à-dire les montagnes elles-mêmes, tient parce que le sol est gelé. Le fait que la montagne se réchauffe peut conduire à des écroulements de paroi. Ces écroulements sont de plus en plus fréquents. Ces dix dernières années, plusieurs montagnes, en particulier dans le massif du Mont-Blanc, se sont écroulées. Les géologues font clairement le lien avec le réchauffement climatique.

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Quel avenir pour les glaciers alpins ? 

Tout ce qu'on observe aujourd'hui va continuer. Il va y avoir un recul généralisé des glaciers. Des glaciers sont déjà condamnés. Il y a peu de doutes sur le fait que la langue terminale [fin inférieure du glacier, ndlr] de la Mer de Glace, que l'on peut observer depuis le petit train du Montenvers, va disparaître. Même si on arrivait à stopper le réchauffement climatique, cette portion de la Mer de Glace est condamnée.

D'autres glaciers vont aussi disparaître. Si l'on arrive à stabiliser le réchauffement climatique à +2 degrés, les glaciers de très haute altitude, au-dessus de 3 000 mètres, resteront glaciers. En revanche, les glaciers de plus basse altitude vont disparaître.

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