Burger géant place Bellecour à Lyon © DR

Fracture autour de la future réglementation de l’affichage publicitaire dans la Métropole de Lyon

Engagée sous le précédent exécutif, la création du Règlement local de la publicité intercommunal (RLPi) de la Métropole de Lyon a pris près de trois ans. Interdisant les bâches publicitaires ou encore les écrans numériques, le document dont l'arrêt de projet a été adopté lundi 13 décembre est jugé trop dur par les professionnels, pas assez fort par les collectifs anti-pub et n’a pas fait consensus parmi les élus du Grand Lyon. Décryptage. 

Près de trois ans, c’est le temps qu’il aura fallu à la Métropole de Lyon pour élaborer un règlement local afin d’encadrer la publicité sur les 59 communes du territoire. Scruté par les associations anti-pub et attendu avec angoisse par les professionnels du secteur, l’arrêt de projet du RLPi était présenté au vote des élus de la collectivité lundi 13 décembre. Quelques heures avant le scrutin, Philippe Guelpa-Bonaro, le vice-président en charge du dossier, nous confiait "je ne m’attends pas à une unanimité, mais il nous a semblé assez facile d’avoir un consensus sur ce sujet". 

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Le résultat du vote validant l’arrêt de projet par 92 voix pour et 29 contre laisse à première vue supposer qu’il y a effectivement eu consensus sur ce projet. Mais à l’écoute des prises de parole des différents groupes politiques dans l’hémicycle, celui-ci est bien plus difficile à discerner. En tant qu’observateur extérieur aux débats, Anthony Geoffroy, le président du collectif anti-pub Plein La Vue, résume bien la situation. 


"Le RLP aurait pu être bien pire si on avait eu d’autres, élus à la tête, de la Métropole. Je me dis que l’on est vraiment passé pas loin de quelque chose de catastrophique", Anthony Geoffroy du collectif Plein la Vue


"Le RLP aurait pu être bien pire si on avait eu d’autres, élus à la tête, de la Métropole. Je me dis que l’on est vraiment passé pas loin de quelque chose de catastrophique. L’interdiction des écrans vidéo et a priori des bâches publicitaires de chantier est vraiment un point positif. Surtout dans un contexte où des élus se font les VRP des lobbys publicitaires, en utilisant des éléments de langages qui sont ceux des professionnels et qui m’ont choqué, notamment de la part de Philippe Cochet, de Mr Geourjon, dans une moindre mesure, et de David Kimelfeld", commentait à chaud Anthony Geoffroy après avoir visionné le conseil. 

Trouver le juste milieu

Concrètement, les effets du RLP, qui sera définitivement adopté fin 2022, au terme d’une enquête publique et après que la collectivité aura reçu l’avis des communes sur le dossier fin mars, ne se feront pas ressentir tout de suite. Car après le vote suivront les délais de mise en conformité, qui s’étendront de 2024 à 2028 selon les dispositifs concernés. "Ça va mettre du temps avant de voir un vrai changement", confirme Philippe Guelpa-Bonaro avant de préciser que plus que la taille ou la densité ce qui sera surtout visible c’est la disparition des dernières publicités sur les toits des immeubles des quais du Rhône, l’avancée de l’horaire d’extinction des enseignes ou des publicités lumineuses à 23 heures (en zone de centralité), ou encore l’interdiction des écrans numériques dans la rue. 


"On a quelque chose d’à peu près équilibré du côté des élus, on se fait critiquer d’un côté d’être trop drastiques par les professionnels et de ne pas l’être assez par les associations", Philippe Guelpa-Bonaro, vice-président de la Métropole de Lyon en charge de la publicité


L’élu l’assure, sur ce dossier la Métropole de Lyon a travaillé avec "les maires parce que c’est eux qui représentent la population et la diversité des avis sur ces sujets". Par exemple, sur la constitution des neuf zones qui réglementent l’affichage publicitaire en ville et qui vont des « Espaces de nature », très protégés, aux « Zones d’activités classiques », où la réglementation est moins stricte, "68% des demandes des communes ont été acceptées pour coller au plus proche de la réalité du terrain", explique Mr Guelpa-Bonaro. 

Les zones encadrant la publicité seront réparties ainsi dans le futur RLP. (Crédit Métropole de Lyon)

Pour le vice-président de la Métropole, après de nombreux mois d’échanges avec les différents acteurs "ce règlement local de publicité est au juste milieu. On a quelque chose d’à peu près équilibré du côté des élus, on se fait critiquer d’un côté d’être trop drastiques par les professionnels et de ne pas l’être assez par les associations. Donc moi j’ai l’impression que c’est à peu près équilibré". 

"Catastrophe" chez les professionnels de la pub

Pourtant pour Julien Aguettant, l’un des dirigeants de Lightair, un acteur de la publicité à Lyon, "il y a un problème sur la forme et sur le fond". Le chef d’entreprise, qui a fondé le collectif pour la Communication extérieure avec Emmanuel Imberton, l’ex-président de la CCI, et Christophe Quatrini, le président de Charvet industrie, un spécialiste des écrans numériques, s’émeut de ne pas avoir été "écoutés et associés à la réflexion. Ils ont fait des réunions d’information, mais on ne pouvait rien faire, en fait c’est la dictature. Il n’y a plus de démocratie, de travail avec, je ne comprends pas cette façon de faire", lâche-t-il très remonté. D’autant que pour lui "tout s’est concentré sur les panneaux publicitaires, et c’est comme si on avait occulté les enseignes, soit 50% du dossier".


"Ils ont fait des réunions d’information, mais on ne pouvait rien faire, en fait c’est la dictature. Il n’y a plus de démocratie, de travail avec, je ne comprends pas cette façon de faire", Julien Aguettant, co-fondateur du collectif pour la Communication extérieure


L’équilibre avancé par Philippe Guelpa-Bonaro, lui, ne semble pas le percevoir : "Officiellement, ils vont nous présenter le RLP et ses 500 pages le 20 décembre, donc là on va savoir qu’elle est l’étendue de la catastrophe. Mais, s’ils font tomber 80 à 90% des panneaux, diminuent de 50 à 60% les enseignes, et qu’ils trouvent ça équilibré, on n’a pas la même notion de l’équilibre. Cela va avoir quoi comme effet en termes d’emplois, de fermetures d’entreprises ? Il ne faut pas oublier que la publicité et l’enseigne sont des accélérateurs de réussite et donc de croissance.", peste Julien Aguettant.

Le projet de RLP impose de nouvelles règles pour encadrer la présence de la publicité et des enseignes en ville. (Crédit Métropole de Lyon)

C’est d’ailleurs ce que plusieurs élus de l’opposition se sont attelés à relever lors de leurs prises de parole au conseil Métropolitain, certains comme le maire de Caluire-et-Cuire, Philippe Cochet, se posant en avocat des afficheurs. Dans un discours de 8 minutes, l’élu de droite a ainsi fustigé le projet de l’exécutif, dénonçant une "proposition de RLP [qui] repose sur une vision subjective. Comme nous en avons l’habitude, ce dossier a été pris avec une approche partisane et doctrinaire". Et de poursuivre en expliquant à la salle que "ces changements seront contre-productifs, car l’intérêt de la publicité est surtout local et utilisé par les commerces de proximité. Pour preuve, 60% des recettes d’afficheurs sont assurées par des clients locaux". 

Des doutes émis par l'opposition

C’est simple, pour Philippe Cochet, qui n’a pas mâché ses mots tout au long de la première journée de ce conseil de la Métropole, la majorité ne veut "pas seulement interdire la publicité, mais définir ce que chacun a le droit de voir donc d’influencer l’achat et contrôler ce que chacun peut penser". Plus modéré, mais non moins critique, l’ancien président de la Métropole, David Kimelfeld, estime de son côté que le projet de RLP va "beaucoup trop loin".

En raison de "nombreuses questions restées sans réponse", Christophe Geourjon et le groupe Inventer la Métropole de demain ont préféré s’abstenir, regrettant "l’absence d’une étude d’impact pour mesurer les conséquences de la réduction de la publicité sur le tissu économique local, mais aussi sur les finances de nos communes". Communes "qui touchent collectivement environ 9 millions d’euros annuellement", d’après M. Geourjon, grâce aux recettes issues de la Taxe locale sur les enseignes et publicités extérieures (TLPE). 


"On ne sait pas estimer la perte relative à ce nouveau RLP", Philippe Guelpa-Bonaro, vice-président de la Métropole de Lyon en charge de la publicité


Sur ce point, Philippe Guelpa-Bonaro reconnaît qu’"il y a effectivement de grandes chances" que les recettes  "baissent" pour les quelques communes qui bénéficient de la TLPE, qui représente environ 1% de leurs recettes de fonctionnement. D’après, Eric Vergiat du groupe Synergie, des mairies "annoncent une baisse de 70% des revenus" liés à la TLPE. "Certaines communes nous ont effectivement reproché de leur faire perdre de l’argent, mais lorsqu’on leur demande de nous fournir les informations pour calculer leur TLPE elles ne nous répondent pas. Donc on ne sait pas estimer la perte relative à ce nouveau RLP", admet l’élu écologiste. 

Le contrat JC Decaux pas remis en question

Autre sujet d’inquiétude, l’avenir des Velo’v, liés et financés par un contrat publicitaire avec la société JC Decaux. À cette question, le président de la Métropole de Lyon, Bruno Bernard, a lui-même répondu en se voulant rassurant : "Il n’est pas question de remettre en cause le contrat qui fonctionne bien. Sur le contrat avec Decaux, il y aura un impact du RLP surtout sur la période 2028–2032, nous en informerons le conseil quand les choses avanceront". 

Panneau publicitaire numérique JCDecaux © Tim Douet
Panneau publicitaire numérique JCDecaux © Tim Douet

Pour éviter de mettre à mal son contrat avec Decaux (2032) et de "mettre en difficulté" les contrats communaux (2028), la collectivité a en effet préféré "faire les choses progressivement". "L’idée c’est de réduire la taille de ces supports publicitaires à 2 m2, mais seulement à partir de 2026, donc 2028 avec le délai de mise en conformité", soit à la fin de l’engagement des communes avec Decaux, précise Philippe Guelpa-Bonaro. Reste qu'avec ce contrat la collectivité laisse une place importante à la publicité dans la rue, ce qu'elle assume aussi en raison du fait que 50% de l'affichage fait sur ces "sucettes informatives", notamment installées au bord des routes, est destiné à la "communication des collectivités sur les concertations, le marché de noël, la Fête des Lumières, etc", fait valoir le vice-président du Grand Lyon.

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"Il y a encore beaucoup de choses à faire et les élus ne doivent pas se satisfaire d’avoir fait passer ce RLP", Anthony Geoffroy du collectif Plein la Vue


Avec la fin de l’installation des bâches de chantier, sauf dans le cadre d’information d’événementiel, l’interdiction de l’affichage numérique dans la rue, mais aussi dans le métro au terme du contrat avec Clear Channel, en 2024, ou encore la réduction de la densité en ville, la place de la publicité dans la Métropole devrait petit à petit diminuer au cours de prochaines années. Toutefois, pour Anthony Geoffroy "il y a encore beaucoup de choses à faire et les élus ne doivent pas se satisfaire d’avoir fait passer ce RLP. Le but c’est d’aller chercher ce qui est cohérent et bon pour l’intérêt général".

Une autre concertation pourrait d’ailleurs être ouverte dès 2023 afin de faire diminuer la présence des panneaux et des publicités numériques dans les vitrines de magasin, comme l’autorise la loi Climat. Un sujet qui ne devrait pas manquer de faire une nouvelle fois débat.

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