Euronews peut-elle bénéficier d'argent public ?

La Région a délibéré vendredi 23 octobre sur son entrée au capital de la chaîne. Elu Vert, Etienne Tête soutient que cette société privée bénéficie indûment de l'argent public. Explications.

Euronews est-elle un média comme un autre ? Peut-elle avoir pour actionnaires des collectivités locales ? Bénéficie-t-elle de largesses de la part de nos élus qui veulent conserver à Lyon ce média à l'aura internationale ? Vendredi 23 octobre, peu avant midi, les conseillers régionaux ont voté et autorisé la Région à entrer au capital d'Euronews à hauteur de 2%. Il est aussi question d' faire entrer dans le capital de la chaîne internationale, basée à Ecully, le Département et le Grand Lyon. Conseiller régional Vert, Etienne Tête y est farouchement hostile. Il redoute que cette télé qui s'installera prochainement au Confluent pour des coûts bien supérieurs ne soit tentée de solliciter de plus en plus d'argent public pour répondre à ses ambitions.

1. Un prêt transformé en prise de capital

Au lancement de la chaîne, le Grand Lyon, le Département et la Région ont consenti un prêt participatif total de 1,8 millions d'euros (600 000 euros pour la région). Pour éviter de devoir le rembourser aux échéances prévues, c'est-à-dire en 2011 et 2012, la chaîne propose de le transformer en augmentation de capital. Concrètement Euronews ne leurs devrait plus rien, mais les collectivités deviendraient actionnaires de la chaîne, détenant au total 5% du capital (2% pour la région) Le Grand Lyon s'est déjà prononcé en faveur de ce changement et la Région s'est déterminée vendredi 23 octobre.

Etienne Tête est opposé à ce principe : "si la Région devient actionnaire d'Euronews, pourquoi ne le sera-t-elle pas aussi à l'avenir de TLM ?", objecte-t-il. Il conteste aussi ce chiffre de 5%. Pour y parvenir, une règle de trois a été appliquée, à partir de la valeur nominale d'une action de l'entreprise. "Cela signifie qu'Euronews vaut 36 millions d'euros alors que, considérant son bénéfice actuel d'un million d'euros, sa valeur est plus proche des 10 millions d'euros", estime l'élu Vert. "Et encore ce bénéfice intègre-t-il les achats publicitaires des collectivités", souffle un militant écologiste.

Evidemment Michael Peters, directeur général d'Euronews, conteste cette vision : "la télé nationale turque va verser 5,2 millions d'euros pour détenir 16% du capital d'Euronews", indique-t-il. Ce qui correspond à la valeur nominale d'une action Euronews. Pour justifier cette opération, la Région et la télé soulignent que leur entrée dans le capital de la chaîne va permettre aux collectivités de siéger à son conseil d'administration. Et donc d'ancrer plus solidement la chaîne à Lyon, alors même que des rumeurs la donnait partante, il y a quelques années, pour Bruxelles, un site plus conforme à sa vocation européenne.

2. Des achats publicitaires publics importants

"Euronews est le média qui bénéficie le plus d'achats publicitaires de la part de nos collectivités, notamment du Grand Lyon, bien devant Le Progrès", affirme Etienne Tête. "Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si la seule fois où Gérard Collomb a communiqué le montant des investissements publicitaires de la ville de Lyon et de la communauté urbaine en 2004 et 2005, Euronews était exclue de la liste", accuse l'élu Vert. Selon lui, le montant était sans doute anormalement élevé. Ce procédé est d'après lui une façon de contourner la réglementation européenne qui empêche toute aide publique à une société privée.

Nous avons interrogé le conseil régional sur ce sujet. En 2008, Euronews a bénéficié de 140 000 euros d'achats publicitaires, soit moins que TLM (180 000 euros) et Télé Grenoble (167 000 euros) mais plus que France 3 Rhône-Alpes (98 000 euros). "Et l'audiovisuel n'est clairement pas notre cible de choix, comparé à la presse écrite", nous précise un collaborateur de Jean-Jack Queyranne.

Evidemment ces comparaisons trouvent leur limite : un canal est international et a vocation à recevoir des spots vantant l'attractivité de Rhône-Alpes tandis que les autres, attachés au territoire, constituent aussi un relais indispensable d'informations auprès des citoyens. Michael Peters souligne que sa chaîne est regardée par des centaines de millions de personnes de par le monde. "Il est logique que nos tarifs ne soient pas les mêmes que pour les autres télés", relève-t-il.

3. Un loyer gratuit en 2012 ?

Euronews ferait volontiers quelques menues économies sur le montant de son loyer actuel dont le bail s'arrête en novembre 2010. Rappel des faits : lors de son installation, l'entreprise était logée gracieusement, via un bail emphytéotique, dans l'ancien bâtiment occupé par HP acquis par les trois collectivités à Ecully. "Si Lyon a gagné l'appel d'offres face à Valence et Munich pour nous accueillir, c'est entre autres parce qu'un engagement avait été pris de ne pas avoir à verser de loyer jusqu'en 2010", rappelle Michael Peters. Mais entre temps, Etienne Tête est passé par là, qui a contesté la décision devant la justice. Le Conseil d'Etat avait contraint Euronews à verser un loyer, actuellement de 397 000 euros.

Or Euronews va quitter Ecully pour emménager au Confluent en 2012. La question se pose maintenant u montant que devra acquitter la société de 2010 à 2012. "Nous avons demandé la gratuité sur les six derniers mois, au cours desquels le déménagement commencera", confie le directeur général d'Euronews. Une discussion est en cours avec les collectivités.

4. Est-ce que Lyon profite réellement du rayonnement d'Euronews ?

Reste la question principale : est-ce une valeur ajoutée, pour Lyon, d'héberger une chaîne mondialement connue ? Euronews qui diffuse ses programmes en huit langues et est vue par 6,5 millions de téléspectateurs chaque semaine en Europe - bien devant CNN et BBC World. Une cinquantaine de reportages sur Lyon y sont diffusés chaque année, ce qui ne serait pas le cas si la chaîne était basée à Bruxelles ou ailleurs. Etienne Tête conteste les performances de la chaîne qui accusait en 2002 une part d'audience "ridiculement faible" dans le bouquet français du câble (0,2%).

Michael Peters et lui se rejoignent pour reconnaître qu'Euronews ne contribue que très marginalement au rayonnement international de la ville. "C'est vrai, le retour sur investissement est quasi nul. Aucun Lyonnais ne sait qu'Euronews est à Lyon", confesse Michael Peters. Mais si le directeur général bat sa coulpe, c'est aussitôt pour vendre le projet futur. "Euronews sera dans un quartier-phare de Lyon". "Ce sera intéressant pour la Région, dont le siège sera situé à quelques mètres, de recevoir des délégations étrangères et de pouvoir les emmener à Euronews", imagine déjà un collaborateur de Jean-Jack Queyranne. Et Michael Peters promet que lors des duplex, un présentateur apparaîtra à l'antenne, avec le nom de Lyon inscrit au bas de l'écran.

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