En pèlerinage, la nouvelle Marche de l'égalité s'arrête aux Minguettes

Après six étapes de marche d'une vingtaine de kilomètres, les visages marquent la fatigue. A leur côté, une poignée de militants associatifs. Il n'y a pas foule mais un invité de marque, Jean Costil, pasteur prostestant, l'un des animateurs de la Marche de 1983.

Arrive alors Fouad Chergui, le documentariste de Villeurbanne, à l'initiative de cette nouvelle Marche de l'égalité. Rapidement la banderole au slogan énigmatique 'Je marche moi non plus...' est déployé. Le réalisateur grimpe dans le coffre d'un minibus pour passer derrière la caméra. Car nous sommes dans une marche autant que dans un film documentaire qui a pour objet cette même marche.

Il donne le top départ. La caméra tourne. Les marcheurs de 2009 peuvent s'élancer en direction des Minguettes, point d'orgue de cette nouvelle journée de pèlerinage.

A grandes enjambées, les nouveaux marcheurs rallient, à 14h30, Vénissieux et son plateau des Minguettes. Plus particulièrement, ils ont rendez-vous au pied des tours du quartier Monmousseau, à l'extrémité du plateau. Là les attendent Toumi Djaïdja, Djamel Atallah, Sif Ghadar, le père Christian Delorme. Soit quatre marcheurs de 1983.

Les anciens racontent aux jeunes marcheurs l'élément déclencheur de la Marche de l'Egalité : la balle tirée par un policier et qu'a reçue dans le ventre Toumi. C'était au pied des tours de Monmousseau, là où ils sont ce mardi. C'est contre cette énième bavure policière que les jeunes de Vénissieux lancèrent la Marche.

Christian Delorme, celui qu'on a depuis appelé le 'curé des Minguettes' racontent : 'L'idée est partie bien avant. Elle s'inscrit dans toutes les luttes engagées depuis les années cinquante par la communauté d'origine immigrée. En 1983, on était allé voir avec les jeunes de Monmousseau le film sur Gandhi qui venait de sortir. On s'est dit que ce serait bien de faire une marche avec les arabes de France'.

Avant la fameuse marche, en mars 1983, certains de ces jeunes avaient observé une grève de la faim, toujours contre les violences policières et les crimes racistes. "certes, grâce à la marche de 1983, ça a évolué, commente Nabil, un des nouveaux marcheurs. On ne tire plus sur les arabes comme ça. Mais on n'a pas traité les problèmes de fond : la France n'a toujours pas accepté son passé colonial'.
Quelques photos plus tard, les marcheurs sont déjà repartis pour Villeurbanne et le quartier Jacques Monod, terme de cette septième étape.

A proximité du local de l'association CLAP, du réalisateur Fouad Chergui, un débat est organisé entre sept anciens marcheurs et les dix nouveaux. Malgré la fraîcheur de juillet, une centaine de personnes se sont déplacées.

Les anciens reviennent sur le 'black out' historique dont la Marche de 1983 est l'objet. 'Aujourd'hui, on se souvient plus de SOS Racisme, né à la suite de la Marche, que de la Marche elle-même, souligne Djamel Atallah. Nous n'étions pas des politiques, nous ne pouvions pas se battre contre cette récupération par SOS Racisme'. Farid Lahoua rajoute : "en 1984, les assises nationales des jeunes issus de l'immigration a tourné à la foire d'empoigne. On a laissé le terrain vide. Ça a facilité la récupération'.
'Restituer cette mémoire', c'est l'objectif de Rafika, Zoubir, Tahra, Nabil et les autres.

Tous n'ont appris l'existence de cette Marche qu'il y a quelques mois.
"Tant qu'on ne connaît pas son histoire, on ne peut pas revendiquer', précise Tahra. 'On marche d'abord pour retrouver notre histoire. Ensuite viendront les revendications', conclut Nabil.
Ce mercredi, ils sont déjà repartis de Bellecour pour Villefranche. Le 13 juillet, ils arriveront à Paris.

'Je marche, moi non plus...'

Ce slogan énigmatique n'est autre que le titre d'un fascicule sur la Marche de 1983. L'ouvrage avait été remis par une ancienne assistante sociale à Fouad Chergui, réalisateur et instigateur de la Marche de 2009, lors du tournage de son précédent documentaire, 'La Valise' qui avait pour thème le quartier, aujourd'hui rasé, Olivier-de-Serre à Villeurbanne.

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