Une école primaire
©Tim Douet

Apprendre par cœur : les clés

Rares sont les enfants qui aiment, et savent, apprendre par cœur. Pour beaucoup, c’est une tâche fastidieuse, qui revient à apprendre bêtement et ne sert à rien. Pourtant, apprendre par cœur a un réel intérêt. Comment redonner ses lettres de noblesse à cet exercice pour le remettre au cœur des apprentissages ? Quelles méthodes proposer à son enfant pour l’aider ?

Aucune matière ne peut faire l’économie du par cœur. Théorèmes, propriétés ou tables de multiplication en mathématiques, dates ou cartes en histoire et géographie, règles de grammaire et de conjugaison en français… Les exemples ne manquent pas. Pourtant, le par cœur est aujourd’hui dévalorisé au profit du travail de réflexion, alors que les deux sont intimement liés. Comment réfléchir, bâtir un argumentaire, résoudre un problème si auparavant, on n’a pas engrangé les connaissances dans lesquelles on peut piocher ? Lorsque l’apprentissage par cœur des leçons est bâclé, voire délaissé, ce sont les fondations du savoir qui s’en ressentent, avec des conséquences qui peuvent être désastreuses sur la scolarité.

Redonner du sens au par cœur

Dans un premier temps, il faut revaloriser l’apprentissage par cœur auprès des enfants et des adolescents, pour qu’ils en comprennent l’utilité. Apprendre par cœur, c’est avant tout apprendre. Autrement dit, acquérir un savoir, ce qui doit être source de fierté. “Il faut faire comprendre à l’enfant qu’apprendre des choses par cœur, c’est tout d’abord enrichir son catalogue de connaissances”, souligne Isabelle Sandillon, coach scolaire auprès d’adolescents et auteure du livre Au secours ! Mon ado ne veut pas travailler. “Ces nouvelles connaissances lui appartiennent, il les garde en lui comme une certitude, il est plus riche de ça. Ce qui participe à augmenter son niveau de confiance en lui. D’autant que savoir des choses facilite la compréhension.”

Dans beaucoup d’esprits, ce que l’on doit savoir par cœur est souvent assimilé à un ensemble de connaissances purement théoriques. Et pourtant, ces apprentissages sont rarement déconnectés de la réalité. Il est important d’expliquer à l’enfant qu’il sera amené à les utiliser au quotidien. “Apprendre des mots de vocabulaire ou des règles de grammaire d’une langue vivante sert lorsque l’on voyage à l’étranger… Les règles de grammaire et de conjugaison sont indispensables pour rédiger des lettres de motivation… Même si les jeunes ont aujourd’hui un recours facilité à la connaissance via Internet, il est important qu’ils aient intériorisé des connaissances avant, afin de pouvoir comprendre et s’approprier les informations auxquelles ils ont accès.” “Mes élèves doivent régulièrement apprendre des listes de vocabulaire, ajoute Elisabeth, professeur d’italien dans un lycée lyonnais. Je les interroge dans le cadre de petits sketchs, pour donner un contexte un peu authentique. Là, les élèves se rendent bien compte que c’est grâce au par cœur que l’on peut parler une langue de manière naturelle.”

Savoir utiliser ses connaissances

Apprendre par cœur ne suffit pas, il faut aussi savoir restituer. Nombreux sont les enfants qui savent leur leçon sur le bout des doigts, pour finalement avoir une mauvaise note à leur interrogation. Apprendre par cœur ses dates d’histoire ne signifie pas qu’on saura les exploiter dans un développement construit. On peut être capable de réciter sans faute ses théorèmes de mathématiques et avoir du mal à les utiliser à bon escient dans un problème. Isabelle Sandillon explique : “Il est indispensable de mettre l’apprentissage par cœur en perspective, d’une part dans le cadre de la matière concernée (pourquoi dois-je apprendre ces notions dans telle matière ?), et d’autre part dans le cadre d’exercices (comment vais-je les mettre en application ?). Ainsi, lorsque l’enfant apprend par cœur, le cerveau enregistre non seulement les nouvelles connaissances, mais aussi comment les utiliser, en identifiant les attendus scolaires. C’est de cette façon que l’enfant peut véritablement s’approprier son cours. À titre d’exemple, lorsqu’il apprend la liste des verbes irréguliers en anglais, il faut bien qu’il se dise que c’est pour être capable de construire des phrases au passé. Poser les choses de cette manière-là a un autre avantage : cela permet d’atténuer la tâche d’apprentissage.” “Ce n’est pas toujours facile de se rendre compte si on sait vraiment son cours de maths, explique Adèle, 16 ans. Pour moi, le meilleur moyen de vérifier, c’est de faire des exercices. Déjà, ça donne un sens à ce que j’apprends, et ça permet de contrôler si j’ai des lacunes. Ces allers-retours entre cours et exercices d’application m’aident beaucoup pour apprendre par cœur.”

Miser sur l’organisation et la concentration

En préambule, il y a certaines choses que l’enfant peut faire pour faciliter l’apprentissage de ses leçons. Écouter en classe, tout en étant attentif et concentré, bien copier son cours et les corrections, prendre des notes claires… Tout cela peut sembler évident, mais ce n’est pas toujours ce que l’on remarque dans les écoles. Ensuite, il faut s’assurer que la leçon est comprise, et si possible l’apprendre le soir même, car déjà le lendemain une bonne partie a été oubliée. Apprendre juste la veille d’un contrôle, puis ne jamais revoir la leçon, c’est prendre le risque que les connaissances s’envolent, et le travail aura été fait pour (presque) rien. Pour bien ancrer ses leçons dans la mémoire à long terme, il faut les réactiver plusieurs fois. À chacun sa méthode : certains affichent leur cours dans leur chambre, d’autres mettent des Post-it dans la salle de bain, d’autres encore aiment les relire le soir juste avant de s’endormir… “J’avais une élève qui avait beaucoup de mal à apprendre par cœur, rapporte la professeure d’italien. Lorsqu’elle a commencé à afficher ses listes de mots de vocabulaire dans sa chambre, elle a considérablement augmenté sa moyenne. Elle passait plusieurs fois devant sa liste, relisait ses mots régulièrement… Elle a trouvé la méthode d’apprentissage qui lui correspond.”

Créer des ancrages et s’amuser

Pour être sûr que l’enfant sera capable d’utiliser sa leçon à bon escient, il doit se projeter dans les circonstances dans lesquelles la restitution sera demandée : est-ce pour une épreuve orale ? S’agit-il d’une simple interrogation ? D’un concours blanc ? Du brevet ?... Puis vient le moment de l’apprentissage à proprement parler. “Quand on a une leçon à apprendre par cœur, l’idée, c’est de la décomposer en plusieurs parties, avec des repères chiffrés, recommande Isabelle Sandillon. Cela permet de créer des ancrages pour mettre en avant la logique dans la leçon, et voir comment elle s’enchaîne. Pour une leçon d’histoire et géographie, on peut repérer par exemple le nombre de titres, de sous-titres, et à l’intérieur le nombre d’idées. Pour une autodictée on peut décomposer selon le nombre de phrases. Pour une liste de mots, on peut faire des groupes de mots... En décomposant ainsi l’exercice, l’apprentissage est plus aisé, et l’enfant commence déjà à intégrer les notions, sans s’en rendre compte.” Après, c’est à l’enfant ou l’ado de trouver avec quoi son travail sera facilité. S’il est plutôt visuel, il aura besoin de surligner, de faire des fiches, de visualiser la leçon dans sa tête… Celui qui a une mémoire auditive sera plus efficace en énonçant tout haut son cours. Le kinesthésique préférera bouger, marcher tout en apprenant. “Je déteste apprendre par cœur, confie Noé, 14 ans. Pour m’aider, je fais des fiches ou des cartes mentales, avec beaucoup de couleurs. Et je suis actif quand je révise : je marche, je me récite la leçon, c’est moins pénible.” Il faut laisser l’enfant expérimenter toutes les possibilités, et ne pas lui imposer notre façon d’apprendre. L’idéal étant d’amener une dimension ludique dans ce temps de travail. “Il faut trouver quelque chose pour que l’apprentissage soit rigolo, recommande Isabelle Sandillon. À l’école maternelle, où l’apprentissage se fait par le jeu, les enfants aiment apprendre par cœur les chansons, les poésies, l’alphabet, les mots nouveaux… Plus les enfants grandissent, moins ils ont une appétence pour le par cœur, car le côté ludique est complètement délaissé… Ainsi, l’ado peut chanter sa leçon, se l’expliquer à la manière d’un présentateur télé, ou comme s’il s’adressait à un enfant de 5 ans. Cela crée un ancrage émotionnel qui facilite l’apprentissage et raccourcit sa durée.” D’ailleurs, si l’enfant bloque sur un mot, un théorème, qu’il n’hésite pas à le crier, le chanter, le mimer ou à trouver un petit moyen mnémotechnique… C’est la meilleure façon de s’en rappeler !

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