Photo d’illustration. (Photo by Armend NIMANI / AFP)

À Lyon, le monde de la nuit accuse le coup avec la fermeture des discothèques

Rouverte depuis cinq mois après avoir été contraintes de baisser le rideau pendant 16 mois en raison de la crise sanitaire liée au Covid-19, les boîtes de nuit sont de nouveau obligées d’éteindre la lumière et de couper le son à compter de ce vendredi 10 décembre face à la flambée de l’épidémie. À Lyon, les acteurs de la nuit accusent le coup après une "décision cruelle", qu'ils voyaient venir.

Derniers établissements à avoir rouvert en juillet 2021, les discothèques sont les premières à faire les frais de l’avancée de la 5e vague de Covid-19. À compter de ce vendredi 10 décembre, les boîtes de nuit doivent en effet couper la musique et baisser le rideau au moins jusqu’au 6 janvier, inclus, conformément aux nouvelles mesures anti-Covid annoncées lundi par le gouvernement. 

Une "décision cruelle", assène Thierry Fontaine, le patron du Loft Club et du Enjoy Club, deux établissements du 7e arrondissement, qui s’émeut que le gouvernement n’ait laissé que peu de place aux discussions alors que la profession effectue environ "20% de son chiffre d’affaires en décembre et au Nouvel An". Prévenu quelques heures avant les annonces de Jean Castex, celui qui est président dans le Rhône de l’Union des métiers de l’industrie et de l’hôtellerie (Umih) et de la branche nuit de l’organisation au niveau national, fustige une "décision politique et pas du tout sanitaire". 

Un coup d’arrêt brutal

À l’entendre, les discothèques sont le "bouc émissaire de la communication, c’est-à-dire que si le gouvernement communique là-dessus ça va pousser les Français à faire attention. Mais j’aimerais vraiment savoir l’impact que la fermeture de 1200 discothèques [au niveau national, NDLR] va avoir sur l’épidémie." À Lyon, les professionnels accusent d’autant plus le coup que le milieu commençait tout juste à retrouver son rythme de croisière, "on allait vers le mieux ", confirme Thierry Fontaine, "c’était redevenu comme avant", abonde Heni Chaussedent le gérant de la Maison M, dans le 1er arrondissement. 


"On nous annonce une fermeture au dernier moment pour 3 jours plus tard",
Benjamin Roche patron du Petit Salon


Pour autant, l’annonce du Premier ministre n’a pas tant surpris que ça dans la Capitale des Gaules. "On s’en doutait un peu donc on avait commencé à modifier notre mode de fonctionnement en bookant les artistes plutôt au dernier moment, alors que normalement on crée notre programmation entre 3 et 6 mois à l’avance", admet Benjamin Roche le patron du Petit Salon, un club du 7e arrondissement à la limite entre la boîte de nuit et la salle de concert. 

Ce qui a plutôt suscité la stupeur dans le milieu c’est la rapidité de la mesure. "On nous annonce une fermeture au dernier moment pour 3 jours plus tard", s’émeut Benjamin Roche. Avant d’ajouter "c’est une réelle catastrophe on avait déjà des DJ, des cachets, des vols, des hôtels, énormément de frais qui étaient payés et réservés jusqu’au 15 janvier". 

Un protocole sanitaire pourtant strict

Pour justifier sa décision, le gouvernement déclarait en début de semaine "nous le faisons parce que le virus circule beaucoup chez les jeunes, même vaccinés, parce que le port du masque est extrêmement difficile dans ces établissements". Un discours que peut entendre le propriétaire du Petit Salon, d’ailleurs il admet volontiers "on est des lieux qui sont extrêmement risqués, car fermés, les gens sont les uns sur les autres et dès qu’ils ont un petit peu bu les gestes barrières n’existent plus. Au sein du club on peut comprendre qu’il y a une différence entre aller en boîte de nuit avec un pass sanitaire et aller faire ses courses, les proximités ne sont pas les mêmes". 


"C’est quand même assez naïf de penser que parce que vous fermez les boîtes la fête va s’arrêter", Thierry Fontaine, président de la branche nuit de l'Umih au niveau national et patron de discothèques à Lyon


Thierry Fontaine, leprésident dans le Rhône de l’Union des métiers de l’industrie et de l’hôtellerie (Umih) et de la branche nuit de l’organisation au niveau national. (Photo DR)

Néanmoins, toute la profession n’est pas aussi mesurée. De son côté, Thierry Fontaine estime ainsi que certes les "gens sont très proches dans les boîtes de nuit, mais pas moins ni plus que dans un bar ou une fête privée. C’est quand même assez naïf de penser que parce que vous fermez les boîtes la fête va s’arrêter", raille le président départemental de l’Umih. En revanche, les différents acteurs avec lesquels nous avons pu échanger s’accordent sans problème pour rappeler que depuis la réouverture tout a été mis en place pour appliquer un protocole sanitaire strict. 

Ventilation, capteurs de CO2, désinfection des surfaces, contrôle du pass sanitaire et de la pièce d’identité pour empêcher les clients d’entrer avec un pass qui n’est pas le leur, tout a été respecté selon eux, "ça nous a coûté beaucoup d’argent". "On a toujours joué le jeu en se disant que c’était notre moyen de survie, après je ne me permets pas de juger si ça fonctionne ou non, si le gouvernement a bien fait ou non, mais c’est un peu bizarre de se dire que les seuls pénalisés sont ceux qui faisaient le contrôle du pass sanitaire le mieux", lâche Benjamin Roche. Ce qui fait d’ailleurs dire à Thierry Fontaine, amer, qu’il "n’y a rien de sanitaire dans ce choix". 


"On a toujours joué le jeu en se disant que c’était notre moyen de survie",
Benjamin Roche patron du Petit Salon


Chômage partiel et coûts fixes

Alors que tous ne se font que peu d’illusion sur une réouverture début janvier, même si Emmanuel Macron a assuré vouloir rouvrir  "au plus vite", le fait de savoir que le personnel sera indemnisé par le chômage partiel a quelque chose de rassurant. Pour le petit salon qui compte une soixantaine d’employés, dont 35 emplois directs, c’est même un soulagement, ils "ne seront pas pénalisés". 

En revanche, après seulement cinq mois d’ouverture, l’inquiétude est de mise concernant le volet du soutien aux entreprises, "c’est assez limité, ils nous donnent de quoi survivre. On n’aura pas l’avance de trésorerie que l’on doit faire pour les mois plus difficiles", commente Benjamin Roche. 


"C’est assez limité, ils nous donnent de quoi survivre. On n’aura pas l’avance de trésorerie que l’on doit faire pour les mois plus difficiles"
Benjamin Roche patron du Petit Salon


Pour d’autres établissements comme la Maison M la situation est encore plus flou. À la limite entre le bar et la boîte de nuit, ce "bar musical" qui s’est fait un nom dans le 1er arrondissement ne tombe pas sous le coup de la fermeture. À partir de ce vendredi 10 décembre, les responsables de l’établissement n’ont seulement plus le droit de laisser danser leurs clients et ont donc prévu d’installer des tables et des chaises dans leur salle de concert.

Optimisme malgré un futur flou

Samedi, un évènement assis est ainsi organisé avec un DJ. Pour autant, Heni Chaussedent, le gérant des lieux, ne semble pas très optimiste quant au succès de cette mesure déjà expérimentée auparavant. "C’était nul, ce n’est pas ce que l’on aime faire et on avait fini par fermer parce que ça ne servait à rien de faire la police avec nos clients", explique celui qui réfléchit sérieusement à baisser le rideau dans les prochains jours et à mettre son personnel en congés.  Car si les clients ne peuvent plus danser dans les bars musicaux, ces derniers n’étant pas concernés par la fermeture boîtes de nuit, ils ne le sont pas "non plus par les aides accordées aux discothèques", alerte-t-il.

Malgré ce coup d’arrêt brutal et les difficultés économiques à venir, Benjamin Roche essaye de rester optimiste et de se raccrocher au fait que lorsque "reprise il y aura, elle sera très belle. Ces dernières semaines ont montré que la clientèle était très motivée pour faire la fête. Ce n’est pas parce que l’on ferme une fois de plus que l’on est voué à disparaître", assure-t-il. Reste seulement à savoir combien de temps cette interruption de la fête durera, alors qu’en 2020 quinze jours de fermeture s’étaient transformés en 16 mois d’arrêt.

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