Les premiers pas d’un prisonnier à Roanne

Les centres de détention* pour les peines longues ont la réputation d’offrir de meilleures conditions de vie que les maisons d’arrêt. Deux mois après l’ouverture du celui de Roanne, nous sommes entrés en contact avec un de ses détenus, pour recueillir ses impressions. Son constat est mitigé.

Mehdi n’a pas la haine mais porte l’échec de la première moitié de sa vie. Il a été condamné à plusieurs années de prison. Après un séjour à la prison Saint-Paul /Saint-Joseph, il est arrivé le 26 janvier dernier à la maison de détention de Roanne. Un établissement flambant neuf, sorti de terre en deux ans au milieu de champs et d’une zone d’activité. Du béton partout, des barbelés, mais surtout un impressionnant silence pour ce lieu d’enfermement pouvant accueillir 600 détenus. Le jour de son transfert, son camion fourgon a été arrêté quelques minutes par des syndicalistes de la prison : ils protestaient contre des centaines de malfaçons dans cette construction issue d’un partenariat public-privé, avec le groupe Eiffage : “chantier bâclé” disaient-ils.

Pour Mehdi, sa nouvelle prison est un progrès. Venant de Perrache, il n’a pas oublié l’état catastrophique de l’hygiène des sanitaires, les étés suffocants avec ventilateurs à fond et fenêtres ouvertes pour les trois détenus. À Roanne, il est seul dans sa cellule de huit mètres carrés, avec une télévision écran plat. Le matin il regarde les informations sur I-Télé et BFM; inimaginable quelques mois plus tôt. Pour prévenir les surveillants, il se sert d’un interphone ; finis les coups sur la porte et les cris pour les appeler. Il tutoie certains et reste sceptique sur les autres : “Ceux qui débutent et sortent de l’école sont agressifs, ils nous regardent comme des prisonniers, pas comme des hommes”.

Mehdi est l’un des mieux jugés par les surveillants ; son caractère positif tranche avec celui d’un grand nombre des autres détenus. Il affirme bien dormir, sans drogue et sans médicament malgré une literie de mauvaise qualité et une isolation qui laisse à désirer : “j’entends tout, la chasse d’eau, la télé et la musique de mes voisins”, regrette-t-il. Il rêve de liberté mais surtout d’un système entièrement repensé pour la réinsertion. Pour éviter de trop cogiter, il fait du sport le matin et distribue la nourriture deux fois par jour en passant les plateaux repas dans des barquettes plastiques : “C’est un moyen de communiquer avec eux et de faire passer des messages”. Le reste du temps, il prie, regarde la télévision et joue aux cartes et aux échecs avec des camarades. Quand il rentre dans sa cellule, il peut prendre une douche pendant des heures. La prison de Perrache est un vieux souvenir.

*Le distingo : Les maisons d’arrêt reçoivent les prévenus en attente de jugement et les condamnés dont la peine, ou le reliquat de peine, est inférieure à un an (en principe). Les centres de détention enferment les personnes condamnées à des peines plus longues.

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