Eugénie Guillermin
Eugénie Guillermin, chef et responsable pédagogique à la Fondation Paul Bocuse

"Des apprentis font les béarnaises que leur chef de partie ne sait plus faire" s'étrangle Eugénie Guillermin

Eugénie Guillermin, chef de cuisine et responsable pédagogique de la Fondation Paul Bocuse, est l'invitée de 6 minutes chrono / Lyon Capitale.

Tailler de légumes, tourner des pommes de terre, lever des maquereaux, farcir une volaille, confectionner des beurres composés et des sauces de base...

"Moi aujourd’hui, j’ai des apprentis qui, en restaurant, au bout de quatre mois, faisaient les béarnaises parce que leur chef de partie ne savait plus la faire !".

Eugénie Guillermin s'étrangle en même temps qu'elle tire la sonnette d'alarme. Cette chef de cuisine sait de quoi elle parle, elle est responsable pédagogique de la Fondation Paul Bocuse. Elle vient de sortir sa première promotion en titre professionnel de commis de cuisine. 12 élèves qui ont le même niveau que le CAP de cuisine... A cette différence près, et pas des moindres, que leur diplôme n'est pas délivré par le ministère de l'Education nationale mais par celui du ministère du travail.

La 1re promotion de commis de cuisine de la Fondation Paul Bocuse célébrée à l'Abbaye de Collonges, lors du Dîner de gala de la Fondation Paul Bocuse @GL

Basiques de la cuisine française

"C'est un diplôme de la main à la main" explique Eugénie Guillermin. Une formation 100% pratique pour "revenir au basique et apprendre des gestes de base, des recettes de base, les basiques de la cuisine française."

Au programme : pas de comptabilité, ni de management, ni d'anglais, ni de mathématiques mais les fondamentaux de la cuisine et de l’hygiène, les techniques de préparation des légumes oeufs, viandes, poissons et pâtisseries, la préparation et le dressage des entrées et desserts, les techniques de dressage et envoi des plats, la confection des beurres composés et sauces de base, la préparation et le dressage des plats chauds, les techniques de cuisson (rôtir, poêler, griller, sauter, etc.)...

Et, "quoi qu’il arrive, si quelque chose dérape, toujours un accompagnement global dans l’environnement Bocuse."

Lire aussi : "Nous apprenons à nos jeunes à cuisiner" revendique Paul-Maurice Morel


La retranscription intégrale de l'entretien avec Eugénie Guillermin

Bonjour à tous et bienvenue dans ce nouveau rendez-vous de 6 minutes chrono. Nous accueillons aujourd’hui Eugénie Guillermin. Bonjour !

Bonjour !

Eugénie Guillermin, vous êtes cheffe de cuisine et responsable pédagogique à la Fondation Paul Bocuse. On vous invite parce qu’il y a quelque chose de très intéressant : cette fondation, qui existe depuis 2004, a récompensé, il y a quelques semaines, sa première promotion d’apprentis cuisiniers.

Exactement, en titre professionnel de commis de cuisine, délivré par le ministère du Travail et porté par la Fondation Paul Bocuse et la SEPR (société d'enseignement professionnel du Rhône, reconnue d'utilité publique, NdlR)

Première promotion : ce sont des élèves de quel profil et de quels âges ?

Nous avons tous les profils, de l’adolescent aux jeunes adultes, ce qu’on appelle les adulescents de 16 à 30 ans. Nous les mélangeons : les 25-30 ans sont souvent en reconversion professionnelle, et les 16 ans sortent du collège.

Vous êtes la responsable pédagogique de la Fondation Paul Bocuse, vous vous êtes occupée de cette première promotion. Il y a quelque chose d’assez inédit : vous avez un format 100 % pratique. Cela change un peu du CAP traditionnel que l’on connaît ?

Alors, c’est le même niveau sur la base de l’éducation, puisqu’on parle d’un niveau 3, comme le CAP. Seulement, il n’est pas délivré par le même ministère : il est délivré par le ministère du Travail. C’est donc un diplôme que l’on va appeler de la main à la main. Je fais un peu de théorie, mais une théorie pratique, c’est-à-dire centrée sur les produits. C’est pour cela que nous faisons appel à nos membres fondateurs : nous en avons beaucoup à la Fondation Paul Bocuse, notamment sur les poissons, les viandes, les volailles. Nous faisons appel à nos membres fondateurs pour qu’ils envoient des Meilleurs Ouvriers de France réaliser des démonstrations et apporter davantage de théorie. Mais les élèves n’auront ni comptabilité, ni management, ni anglais, ni français, ni mathématiques. Ils ont 39 heures de cuisine face à face avec moi.

C’est intéressant ce que vous avez dit, parce que vous parlez de “main à la main”. Cela fait penser à la transmission dont Paul Bocuse parlait toujours. C’était vraiment un pilier du groupe Bocuse : transmettre le geste. La Fondation Paul Bocuse a-t-elle vocation à être une nouvelle école ? Une école pour les cuisiniers, non pas pour faire du management ?

Elle est un lieu d’apprentissage destiné à accompagner les apprentis vers le geste, cela c’est certain. Et vers la conservation des gestes, parce que la Fondation Paul Bocuse est très importante dans la préservation du geste. Aujourd’hui, nous avons tellement d’accessoires pour faire à notre place que nous n’avons plus ce geste de tailler une frite, tailler un légume, lever un poisson. Les centres d’apprentissage ne le font plus : ils n’ont plus le temps et plus les moyens de travailler ces gestes.

Donc finalement, c’est revenir au basique ?

Exactement, la base de la base. Une semaine, on ne fait que du légume, que du taillage de légumes, on va tourner des pommes de terre, couper des carottes, ciseler des oignons.

Vous le voyez en tant que chef de cuisine que finalement il y a des cuisiniers qui n'ont plus ces bases-là ?

Bien sûr. Aujourd’hui, j’ai des apprentis : au bout de quatre mois, ils faisaient les béarnaises dans les maisons parce que leur chef de partie ne savait plus faire une béarnaise.

Donc la Fondation Paul Bocuse va vraiment réapprendre tout cela ?

Les gestes de base, les recettes de base, les fondamentaux de la cuisine française. Après dix mois, ils ont le temps d’aller voir ailleurs ce qui se passe, mais pendant dix mois, ce sont les classiques de la cuisine française chez Bocuse.

Il y a cette première promotion qui a été diplômée : 100 % de réussite. Ils sont combien ?

Ils étaient 14, deux ont abandonné, donc 12 sont diplômés.

À terme, est-ce voué à s’étendre ? On est 14 cette année : peut-on imaginer 30 l’année prochaine ?

L’année prochaine, il y en aura encore 14, parce qu’ils sont vraiment dans l’environnement Bocuse. Aujourd’hui, nous maîtrisons à la fois leur formation et leur maître d’apprentissage. Ce qui fait la force, c’est qu’en tant que cheffe formatrice, j’ai accès à tous leurs chefs. Donc, quoi qu’il arrive, si quelque chose dérape, chez moi ou chez eux, il y aura toujours un accompagnement global dans l’environnement Bocuse.

Et ça, c’est très important.

Et quand nous serons capables d’être à 100 % sur ces 14, alors nous ouvrirons à nos partenaires restaurateurs lyonnais, que nous aurons choisis, et qui accompagneront vraiment les apprentis dans l’excellence du geste.

C’est important : il y a la transmission des gestes et des savoir-faire, et il y a l’accompagnement, qui est essentiel et souvent oublié. Nous allons rester sur ces deux points, qui me paraissent essentiels dans la Fondation Paul Bocuse. En tout cas, bravo et merci Eugénie Guillermin d’être venue sur le plateau, et d’avoir formé ces cuisiniers, puisque c’était l’idée originelle de Paul Bocuse : former des cuisiniers. Pour plus d’informations, www.lyoncapitale.fr. À très bientôt, et bon appétit !

Merci.

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