Dossier Foot : Lyon est-elle vraiment une ville de foot ?

Quel sens a le vocable de “ville de foot” ? Quels sont les critères qui légitiment l’appellation ? Nous avons demandé à trois sociologues, tous reconnus en France pour être des spécialistes du supportérisme dans le milieu du football, de nous éclairer. Conclusions : Lyon n’est pas une ville de foot, d’un point de vue politique, culturel et historique. En revanche, elle est peut-être en train de le devenir, avec les résultats probants de l’OL de ces dernières années.

Pascal Charroin

Historien. Maître de conférences en Sciences et techniques des activités physiques et sportives (STAPS) à l’Université de Saint-Étienne, chercheur au Centre de recherche et d’innovation sur le sport (CRIS) de Lyon 1

“Une ville de foot est une ville à l’intérieur de laquelle le foot a un quasi-monopole dans le sport de haut niveau. Par exemple, à Saint-Étienne, il n’y a qu’une équipe de haut niveau, l’ASSE. Hormis le foot, rien n’émerge dans ces villes. C’est le cas de Marseille ou de Lens. Il y a aussi une dimension temporelle. Tout d’abord parce que Saint-Étienne, Marseille ou Lens sont des clubs qui ont émergé pendant l’entre-deux-guerres alors que l’OL a été créé après guerre. Ensuite parce que Lyon n’est ni une ville de foot, ni une ville sportive mais une ville d’éducation physique. Dans les années 20, le professeur Matarjet a mené une politique très ambitieuse d’éducation physique dans les écoles. La municipalité de Lyon s’est alors positionnée, avec Herriot à sa tête, pour une éducation physique de masse contre le sport de haut niveau.
Politiquement parlant, Lyon n’a donc pas pour tradition d’aider ses clubs professionnels. Par exemple, le stade de Gerland a été construit non pas pour le football mais pour faire de grands défilés gymniques. Depuis ces dernières années, avec l’arrivée d’Aulas, l’OL est en train d’écrire son histoire footbalistique. Et pour que Lyon devienne une ville de foot, il lui faut des drames, des retournements de situation ou des injustices au cours, notamment, d’une grande épopée européenne”.

Patrick Mignon

Chercheur au laboratoire de sociologie du sport de l’Institut national des sports et de l’éducation physique (INSEP)

“Deux éléments permettent de dire qu’une ville est une ville de football : le remplissage des stades, sur une vingtaine d’années, et l’intensité du soutien des spectateurs. Par ailleurs, quand on parle de ville de foot, on pense à Lens, Saint-Étienne ou encore Marseille. Ce sont des villes populaires, contrairement à Lyon et Paris qui sont des villes plutôt bac+5 que catégories socioprofessionnelles basses. Or, globalement, les gens très diplômés ne vont pas au foot parce que le foot est considéré comme un sport de masse, donc vulgaire”.

Nicolas Hourcade

Professeur agrégé de sciences sociales à l’Ecole Centrale de Lyon

«Le cliché qui veut que Lyon ne soit pas une ville de foot est un cliché intéressant parce qu’il révèle que ce qu’on entend par ville de foot est un endroit où la passion de supporter est extrêmement développée. On pense plutôt à Saint-Étienne, Reims, Lens ou encore Marseille, sans compter les villes anglaises ou italiennes. Pour autant, on ne peut pas dire que Lyon est une ville qui ne s’intéresse pas au foot. Si la passion est moins exacerbée à Lyon, cela peut s’expliquer par l’histoire du club qui est devenu, très progressivement, un grand club mais avec assez peu de coups d’éclats, quelques coupes de France dans les années 60/70 et puis quand il arrive au top niveau, il connaît cette malchance de n’avoir aucun rival. Ce qui est totalement inédit. En plus, il gagne contre Lens ou Monaco, des équipes somme toute modestes. Si Lyon gagne cette année le championnat après un coude à coude avec Marseille et si en 1/8e Lyon élimine Barcelone par 3 buts à 2 après avoir été mené 2-0, ça pourrait avoir une influence décisive sur la manière dont les Français voient l’Olympique Lyonnais. Après il y a une dimension culturelle : Lyon est une grande agglomération où l’offre de loisirs sportive et culturelle est très forte, où la composition sociale n’est pas tout à fait la même qu’à Saint-Étienne”.

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