Soixante-dix ans après le sauvetage des enfants juifs du camp de Vénissieux, elles se souviennent

Vénissieux, 26 août 1942, Sonja Kuhn, sa sœur Lucy, Rachel Kamienker et 1013 juifs de la région lyonnaise sont raflés par la police de Vichy puis incarcérés au camp de transit de Vénissieux. 471 d'entre eux seront sauvés par la commission de criblage, 545 n'auront pas cette chance et seront déportés vers Auschwitz. Soixante-dix ans plus tard, une plaque commémorative a été inaugurée le 29 août à Vénissieux.

A quelques mètres du terrain de l'ancien camp de transit de Vénissieux, une plaque commémorative rend hommage : "à toutes celles et ceux qui, à titre individuel, et au nom d 'associations caritatives ont participé du 26 au 29 août 1942 au sauvetage des juifs étrangers arrêtés en Rhône-Alpes et regroupés au camp de Vénissieux". Mercredi 26 août, l'inscription a été inaugurée par Michèle Picard, maire de Vénissieux et Serge Klarsfeld, président del'association des fils et filles de déportés juifs de France. La cérémonie s'est déroulée en présence de certains rescapés ainsi que Valérie Perthuis - Portheret, auteure de l’ouvrage : Lyon contre Vichy - Août 1942, le sauvetage de tous les enfants juifs du camp de Vénissieux (Éditions lyonnaises d’Art et d’Histoire).

"Je n'avais que 6 ans"

Malgré les années, le traumatisme est toujours là. Soixante-dix ans après la rafle, Rachel a encore du mal à évoquer ces 3 jours d'août 1942. Elle s'est efforcée de les effacer de sa mémoire toute sa vie durant. "Je n'avais que 6 ans lorsque, sur les ordres de Pierre Laval, ma famille, moi, et 1016 autres juifs avons été arrêtés et parqués pendant 3 jours en attendant d'être déportés vers Auschwitz. Le camp se trouvait juste derrière la plaque commémorative que nous inaugurons aujourd'hui." explique la vieille dame. Pourtant, la seule image dont elle dit se rappeler est celle du moment où Lili Garel, une assistante sociale, l'a cachée sous le banc du camion pour l'emmener loin de Vénissieux. Si aujourd'hui elle accepte d'être présente, c'est avant tout pour rendre hommage aux 545 personnes qui n'ont pas eu sa chance: "Pour les défunts comme pour les vivants il ne faut pas oublier. Les générations futures doivent savoir." Pour Sonja, Lucy et Rachelle, toutes les trois rescapées ; c'est également l'occasion de retrouver celle qui a participé à leur libération.

Un devoir de mémoire

En 1942, Lili Garel n'a que 21 ans lorsqu'elle aide la commission de criblage. Elle, l'Abbé Glasberg de l'Amitié chrétienne, Joseph Weill, et Charles Lederman de l’Œuvre de secours aux enfants (OSE), Gilbert Lesage du Service social des étrangers (SEE), Claude Gutmann des Éclaireurs israélites de France (EIF) et Georges Garel vont se lancer l’une des opérations de sauvetage les plus importantes de la région. Ensemble, ils parviennent dans un premier temps à sortir les 108 enfants des camps de Vénissieux. Modeste, Lili Garel minimise son rôle : "je n'étais qu'une assistante sociale, j'étais surtout là pour le soutient moral". Sa fille, qui l'accompagne, s'étonne de sa pudeur "Elle a dû faire accepter à des parents de se séparer de leurs enfants sans pouvoir leur prouver qu'ils seraient épargnés. Elle a sauvé plus d'une centaine d'enfants." Mais Lily, émue, rappelle que tous ceux de plus de 15 ans ont été déportés vers Auschwitz.

Cette commémoration est aussi l'occasion pour elle de rendre hommage à Georges Garel, son mari, "c'est lui et Joseph Weill qui ont obtenu l’autorisation de placer clandestinement des enfants dans des institutions ecclésiastiques". Bien qu'ils ne soient plus là aujourd'hui, leurs proches perpétuent leur mémoire. Ainsi, la petite fille de Joseph Weill, Aude Grégoire, explique que, pour les 2 hommes, la nuit de Vénissieux a été le point de départ de l'engagement pour le sauvetage des enfants dans la résistance. Un épisode significatif qu'elle tente de aujourd'hui de retranscrire dans la biographie qu'elle écrit sur son grand père. Les années passent, les personnes disparaissent, mais leur combat n'est pas prêt d'être oublié.

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