Entretien avec Guy Roux "L'OL n'est pas une équipe de coups"

Consultant sur Canal + pour les matchs de la Ligue 1, le Bourguignon le plus célèbre revient également sur le championnat de France.

Lyon Capitale : Vous êtes le dernier entraîneur qui ait réalisé le doublé Coupe-Championnat en France. Comment expliquez-vous qu'il n'y en ait pas eu d'autre depuis 1996 ?

Guy Roux : A Auxerre, nous n'aurions pas été fâchés que les Lyonnais réalisent le doublé cette saison. D'une part, parce que nous ne sommes pas jaloux et, d'autre part, parce qu'il s'agissait d'une autre sorte de doublé que le nôtre puisque nous, nous avions remporté la Coupe de France. Si, depuis 1996, aucun club n'a fait le doublé, cela signifie tout simplement qu'aucun d'entre eux n'a été aussi bon que nous (rires). En fait, ce qui s'est produit en 1996, c'est que nous sommes arrivés par surprise au sommet. Personne ne nous attendait. C'était donc plus facile. Nous avons été champion lors de l'avant-dernière journée et on a gagné la Coupe de France cahin-caha. Mais, quoi qu'il arrive, la rareté d'un doublé fait sa valeur.

A votre avis, pour quelle raison l'OL n'est jamais parvenu ces dernières années à réaliser le doublé ?

Un club comme Lyon aurait dû faire trois doublés depuis quelques années. Si l'OL ne l'a pas fait, à mon sens c'est parce que cette équipe n'est pas une équipe de coups et de coupes. Les Lyonnais ont les défauts de leurs qualités. Ils sont rigoureux, sérieux dans le travail permanent, mais en coupe il faut posséder d'autres vertus. C'est la raison pour laquelle une coupe peut être gagnée par des "branleurs", par une équipe qui, après une mauvaise saison, donne tout en coupe et finit par se racheter.

En début de saison, l'OL avait annoncé que son objectif était de tout gagner. Mais il a échoué en Ligue des champions et en Coupe de la Ligue. A vos yeux, est-ce que Lyon aura quand même réussi sa saison s'il parvient à décrocher un sixième titre de champion de France ?

A mon sens oui. Beaucoup de clubs seraient heureux de vivre une saison comme celle que Lyon est en train de vivre. Après, tout est question de communication. Moi, personnellement, pendant toute ma carrière j'ai toujours annoncé des objectifs à minima pour avoir plus de chances de rendre les gens heureux. Comme ça, quand on se qualifiait pour la Coupe de l'UEFA, ils disaient : "Oh, la, la ! Bravo, félicitations, vous avez décroché l'UEFA". Cela leur évitait de me dire : "Vous êtes passé à côté de la Ligue des champions et vous n'avez accroché que l'UEFA". En affichant qu'il voulait tout gagner, Lyon s'est mis sur le dos une sacrée charge, difficile à tenir. Encore une fois, à chacun sa communication. Mais je me garderai bien de donner des conseils à Lyon qui reste quand même le seul grand club français avec une vraie réflexion et une vraie connaissance du football.

Pensez-vous qu'en raison de ces objectifs avortés l'effectif lyonnais puisse connaître un profond bouleversement durant l'intersaison ?

Ça va bouger un peu, forcément. Quand on possède une très bonne équipe, on fait tout pour la garder, puis la garder encore. Et puis un jour, elle fait un peu moins bien. A Lyon, ce jour semble arrivé. Et c'est là qu'il faut renouveler. De toute façon, je considère que lorsque l'âge d'un joueur commence par le chiffre trois c'est un signe. Même s'il ne faut pas généraliser car les trentenaires ne vieillissent pas tous de la même façon.

Cette saison, la Ligue 1 présente la caractéristique d'être le championnat européen le plus serré, le plus indécis hormis l'OL qui caracole en tête. En tant qu'observateur, comment analysez-vous ce particularisme ?

En France, il n'y a plus de faibles formations. Dans le passé, il y avait toujours un ou deux clubs qui comptaient une dizaine de points de retard à ce moment-là de la saison et qui traînaient en queue de peloton. Aujourd'hui, c'est terminé. Grâce à Canal + qui a donné à tout le monde assez de moyens financiers pour construire une équipe.

Quant à Lyon, s'il se retrouve tout seul au sommet du championnat de France, il y a deux raisons. La première tient à son propre mérite. C'est la conséquence de la qualité du travail qui est fait dans ce club où il y a de vraies compétences à tous les étages. La seconde raison c'est qu'au sein des clubs qui auraient sérieusement dû concurrencer Lyon, il règne une très grande instabilité. Il n'y a qu'à regarder le nombre de présidents que des clubs comme l'OM ou le PSG ont vu défiler ou le nombre d'entraîneurs dont ils ont écorné le contrat pendant les vingt années de présidence d'Aulas...

Et puis, sur ce sujet, je me permet quand même de rappeler que ces dernières années l'AJ Auxerre est le deuxième club français au nombre de points additionnés*. Cela veut dire que mathématiquement Auxerre est parmi les meilleurs. Ce qui confirme encore une fois la faiblesse des grands clubs.

Les quarts de finale de la Ligue des champions viennent de se dérouler sans aucun club français pour la première fois depuis 2003. Qu'est-ce que cela vous inspire ?

C'est une question de mathématiques. Avec Lyon, la France possède un seul club capable d'aller en quart de finale d'une Coupe d'Europe assez régulièrement. Si ce club se loupe, il ne reste plus personne. Et puis, en Europe, le championnat de France occupe la quatrième ou la cinquième place dans la hiérarchie. Quand les Anglais qualifient trois clubs en quart de finale de la Ligue des champions, il ne reste déjà plus que cinq places à prendre pour les Espagnols, pour les Italiens et pour les Allemands. La France, avec d'autres pays comme les Pays-Bas ou le Portugal n'arrive qu'après. C'est la raison pour laquelle les clubs français ne sont pas présents tous les ans à ce stade de la compétition.

* Depuis le premier titre de champion de France de l'OL, en 2002, Lyon a engrangé 442 points. Il est effectivement suivi par Auxerre (342 points), puis Lens et Monaco (336 points), Marseille (326 points), PSG (325 points), Bordeaux (322) et Lille (321 points). A noter que Lyon et Bordeaux comptent un match en retard.

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