DSK

Vers la mort imminente du courant strauss-kahnien

Ils avaient survécu à l'ouragan Royal, aux pressions de Collomb et à l'exil américain. Les jeunes strauss-kahniens lyonnais savent que leur courant est à présent menacé d'un big bang, certains ralliant bientôt Aubry, d'autres Hollande. Mais entrés en politique pour leur champion, ont-ils vraiment à coeur de rebondir ?

Quinze jours après l'arrestation de leur champion, les strauss-kahniens lyonnais sont toujours sous le choc. Ils n'ont pas encore tourné la page ni rejoint un autre camp. Ils se repassent le film des événements, incrédules. Comme Jean-Christophe Vincent, secrétaire fédéral du PS en charge des élections. "Beaucoup d'éléments avancés ont été contredits, comme l'heure des faits, la plainte d'autres femmes de ménage agressées, l'appui de preuves vidéos ou les tests ADN pas confirmés. Je ne désespère pas d'apprendre dans quelques jours qu'il n'y a pas d'affaires DSK. Et il aurait alors tous ses chances pour revenir dans la bataille". D'autres sont moins optimistes.

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Et s'ils soutenaient depuis dix ans "un psychopathe" ?

Sarah Peillon (photo ci-dessus) témoigne d'une grosse fatigue morale. "Je fais le bilan de mes dix ans de militantisme, en disant 'à quoi bon ?'", confie-t-elle, déprimée. Walter Graci attend que des mots soient posés. "C'est nécessaire pour les militants, pour qu'ils tournent la page et qu'ils avancent". Aucun ne croit vraiment à la théorie du complot. Dans la tête de Cécile Michaux pointe déjà la colère. "Même s'il est innocent et qu'il s'est fait piéger, je lui en veux", assène-t-elle. "S'il est coupable, ça fait dix ans qu'on soutient un psychopathe", réalise Jean-Christophe Vincent.

Vieux de plus de dix ans, le courant strauss-kahnien avait survécu à l'ouragan Royal, à l'exil américain de leur champion, à la Porsche noire. Dans un univers où la trahison est commune, l'opportunisme une hygiène de vie, sa solidité est à noter. Par comparaison, que reste-t-il des royalistes de 2007 ? Les fidèles du directeur du FMI pensaient avoir mangé leur pain noir : le meilleur était à venir. Fracassé par les événements de la suite 2806, leur explosion est cette fois imminente. Les chefs de file rhodaniens, Sylvie Guillaume, Jérôme Sturla, Christiane Demontès et Farida Boudaoud avaient servi d'autres leaders avant DSK. Bardés de mandats et de relais au sein du parti, ils sauront rebondir. Qu'en est-il des plus jeunes, eux qui sont entrés en politique dans le sillage de l'ancien ministre de l'Economie ? D'aucuns envisagent de ne pas continuer.

Un courant solide parce que structuré

Certains de ces militants sont entrés au PS après le 21 avril 2002, donc après Lionel Jospin. Le courant strauss-kahnien vient de se constituer, à la confluence des réseaux rocardiens vieillissants, tels Roger Fougère dans le Rhône, et de jospinistes, comme Sylvie Guillaume. Dans le sillage de Jérôme Sturla et Farida Boudaoud, ces jeunes se regroupent. Romain Blachier ouvre une pépinière de nouvelles pouces, d'où émergent Sarah Peillon et Cécile Michaux (photo ci-contre). A la différence de leurs aînés qui peinent à se structurer, ils fondent Socialisme et démocratie jeunes 69. Et ferraillent contre le Mouvement des Jeunes socialistes alors cornaqué par Benoit Hamon. "Il fallait convaincre qu'être strauss-kahnien, c'était être de gauche", raconte Cécile Michaux. Ces militants baignent toutefois dans un environnement rhodanien favorable : la fédération, emmenée par Sylvie Guillaume puis Christiane Demontès, est acquise à Strauss-Kahn.

En 2006, le départ de Gérard Collomb pour Ségolène Royal est un coup dur. Sylvrain Auvray, chef de cabinet à la ville de Lyon, est à la manoeuvre. "On a été plumés", relate Sarah Peillon. Gérard Collomb réussit à renverser la fédération, qui vote à 60,5% pour la présidente de Poitou-Charentes à la primaire socialiste. "Certains avaient la trouille pour les municipales à venir, mais les historiques ont tenu", souligne Romain Blachier. En particulier les jeunes. "Il y a eu très peu de dissensions justement parce que nous étions structurés", décrypte Sarah Peillon.

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Cette défaite sonne la mise en sommeil du mouvement. Ils soutiennent mollement Ségolène Royal puis, au lendemain de la présidentielle, assistent au départ de leur champion pour la direction du FMI. Le courant semble menacé de mort quand, au congrès de Reims, il s'éparpille, entre Bertrand Delanoë, Martine Aubry et le tandem Collomb/Royal. Peu après le congrès, le maire de Lyon prend cependant ses distances avec Ségolène Royal. Et revient - "la bouche en coeur" dixit Cécile Michaux - dans le giron strauss-kahnien. A mesure que les sondages montent, les rangs se fournissent. En début d'année, le maire de Grenoble Michel Destot lance le site www.dsk2012rhonealpes.fr et co-signe, avec Gérard Collomb, un appel en faveur de la candidature du directeur du FMI. La machine est lancée, boostée par des réunions publiques. La feuille de route est blanche, mais les troupes battent le rappel, prêtes. Le 2 mai dernier, ils étaient plus de deux cents à se presser à la salle Jean Couty, dans le 9e arrondissement.

"Un délai de carence, de décence, de deuil"

Nos jeunes strauss-kahniens étaient là. Si les avant-postes étaient trustés par les aînés, ralliés ou fidèles, eux se mobilisaient à leur manière. Ils avaient lancé le blog LSD, en clin d'oeil au titre de leur journal de l'époque. Un site parodique de supporters qui visait à attirer une nouvelle génération. Sitôt DSK déclaré, LSD aurait muté en lieu ressource pour y trouver des argumentaires pro-DSK. "On était reparti comme en 40", raconte avec amertume Cécile Michaux. Un élan brisé le 14 mai 2010, moins d'un an avant la présidentielle.

Romain Blachier

Le courant Strauss-kahn va disparaître, ils le savent. "Ce courant, c'était la rencontre entre un homme et des idées. Quand un des piliers tombe…", lâche lucide Walter Graci. Il évoque déjà un héritage DSK, comme les politiologues parlent d'un héritage Delors ou d'un héritage Rocard. A l'avenant, Cécile Michaux se rappelle justement du leitmotiv de l'ancien Premier ministre de Mitterrand, lorsqu'il a rejoint le PS : "dissoudre le sel du rocardisme dans l'eau du socialisme". Elle veut croire que DSK a infusé dans le projet du PS. Si les idées sont là, qui les portera ? Qui incarnera la deuxième gauche ?

Membre de la motion D lors du congrès de Reims, Cécile Michaux incline pour Aubry, même si, dit-elle, elle veut respecter "un délai de carence, de décence, de deuil" avant de vraiment l'annoncer publiquement. Romain Blachier (photo ci-contre) pourrait aussi soutenir la Première secrétaire, "si elle n'est pas l'otage de la gauche du parti". Mais il pourrait tout aussi bien supporter Hollande. "Hollande avec des couilles, ce serait pas mal. Mais il faut les lui greffer", plaisante-t-il. Surtout il affirme se désintéresser plus que jamais à la politique nationale. "Mon objectif politique premier était à Lyon. Je m'intéresse beaucoup aux questions européennes et au local". Quelque chose s'est cassé dans la suite 2806.

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