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Traité européen : "particulièrement nocif" selon Meirieu (EE-LV)

ENTRETIEN - A une semaine du débat parlementaire sur le traité européen de stabilité, de coopération et de gouvernance, Philippe Meirieu, membre du conseil national d'Europe écologie-les Verts revient surle TSCG. Un remède pire que le mal estime le pédagogue qui imposera "une politique d’austérité aux pays européens". Il appelle les parlementaires à organiser des débats en local sur la question, mais ne pense pas pour autant que les ministres EE-LV du gouvernement doivent démissionner.

Lyon Capitale : Qu'avez vous voté samedi au conseil fédéral d'EE-LV ? Pour ou contre le Traité européen de stabilité ?

Philippe Meirieu : Je présidais la séance et c’est donc mon suppléant qui a voté. Mais j’aurais voté "contre" la ratification du TSCG, en accord avec la grande majorité des conseillers fédéraux.

Le fait que Nicolas Sarkozy ait imaginé et négocié ce traité a-t-il joué dans votre décision ?

Nous ne nous sommes pas déterminés sur ce critère. Nous avions travaillé sur le TSCG au moment où il a été élaboré par Nicolas Sarkozy et Angela Merkel et nous avions conclu, alors, à son caractère particulièrement nocif. Toute la gauche partageait cette analyse et François Hollande s’était engagé à la renégocier. Or, nous n’avons pas eu de renégociation, simplement l’ajout d’un pacte dit « de croissance » (qui recycle largement des fonds existants), quelques engagements sur la supervision bancaire et quelques hypothèses timides sur la taxation des transactions financières. Certes, ces éléments ne sont pas insignifiants, mais ils nous paraissent insuffisants pour contrecarrer la logique du TSCG : une politique d’austérité imposée aux pays européens sans aucun progrès de la solidarité européenne. Nous pensons que le TSCG n’est pas le bon remède à la crise que nous traversons. Il ne sauvera pas le malade et je crains qu’il ne le fasse même pas mourir en bonne santé !

Ce traité porte l'idéologie libérale selon vous ?

Oui, il raisonne en termes comptables sans prendre en compte la situation très particulière que nous traversons aujourd’hui. Il ligote les Etats en leur interdisant de faire des investissements qui sont nécessaires aujourd’hui pour rénover – refonder – complètement notre économie. Il prétend lutter contre la dette, mais il ne distingue pas une dette mortifère, qui ruine toute possibilité pour l’avenir, d’une dette nécessaire, qui permet de travailler pour l’avenir et permettra à nos enfants et petits-enfants d’avoir un monde pacifié, renouvelé, où les richesses naturelles n’auront pas disparu. C’est comme si on mettait sur le même plan, pour un ménage, un endettement incontrôlé pour voyager et dépenser à tort et à travers avec l’endettement raisonné pour acheter une maison et financer un isolement thermique et un chauffage solaire… Dégagé de tout contexte, « imposer la règle d’équilibre budgétaire au sommet de la hiérarchie des normes des Etats signataires et l’assortir de mécanismes contraignants » est absurde ! Il faut distinguer les déséquilibres liés à des politiques du passé et ceux qui sont nécessaires aujourd’hui pour économiser dans le futur en créant des emplois dans le présent. Je pensais que le gouvernement l’avait compris en dégageant partiellement du cadre des économies budgétaires les dépenses éducatives par exemple (qui sont des dépenses d’avenir !). Mais, entrer dans la logique du TSCG, c’est renoncer à se donner des marges de manœuvre de ce type.

Que pensez vous de l'objectif de réduction du déficit budgétaire à 3% du PIB en 2013 inscrite dans ce traité ?

Je pense que c’est absolument irréaliste et que ce pourrait être un coup fatal porté à notre pays qui se trouverait incapable de préparer sérieusement la transition écologique de la société que veut François Hollande comme la restauration de services publics dignes de ce nom qu’appelle toute la gauche et tous les mouvements sociaux. Il faut différer cet objectif. Même si je suis évidemment partisan, par ailleurs, de différer certains investissements inutiles comme l’aéroport de N. D. des Landes !

Ne pas voter ce traité, n'est-ce pas un coup d'épée dans le dos porté à François Hollande qui a inclus des membres d'EE-LV au gouvernement et qui appelle à voter ce traité ?

Je ne crois pas ! On peut même penser que c’est un service rendu au Président de la République et au gouvernement qui pourront s’appuyer sur cette décision pour résister plus fortement aux exigences de l’Allemagne et à la logique budgétaire du TSCG qu’ils ont clairement condamnée pendant la campagne électorale et que plusieurs députés socialistes continuent à critiquer très durement.

Que pensez vous de la réaction de Daniel Cohn-Bendit, ou plus modestement de celle de Maguerite-Marie Chichereau-Dagurerard au conseil municipal de Lyon, qui se désolidarisent de ce vote. Est il possible d'être pour la construction européenne et d'être contre l'adoption de ce traité selon vous ?

Je respecte toutes les opinions qui s’expriment au sein de notre mouvement, d’autant plus que j’ai mis un peu de temps pour construire la mienne. Mais nous avons fait, en interne, un très gros travail d’analyse et produit des argumentaires très poussés. En aucun cas, il ne s’agit d’une décision prise rapidement sur un coup de tête. Et, en aucun cas, ce n’est une décision « anti-européenne ». C’est parce que nous voulons plus d’Europe et une Europe fédérale avec de vrais pouvoirs que nous ne voulons pas d’un texte qui constitue même une régression par rapport au « Mécanisme européen de stabilité » (MES). Il faut arrêter de nous faire un procès injuste en prétendant que nous sommes « contre l’Europe ». Etre « pour l’Europe », c’est être pour plus de solidarité européenne véritable : c’est pourquoi nous sommes favorables à l’émission d’euro-obligations pour mutualiser les dettes nationales et contrer le pouvoir mortifère des marchés. Etre « pour l’Europe », c’est aller vers un vrai « budget fédéral » et vers une « contribution climat-énergie » européenne. Etre « pour l’Europe », c’est renforcer les pouvoirs du parlement européen et non pas livrer le continent au bon vouloir de la « commission » et à un pilotage « intergouvernemental » où les jeux de pouvoir font souvent oublier l’intérêt des peuples. Le non d’EELV au TSCG est un « non européen » et pas du tout un « non nationaliste » !

Najat Vallaud-Belkacem affirmait récemment que "l'opinion au sein d'EELV [était] loin d'être monolithique" sur ce traité, cela signifie-t-il qu'il y a des dissensions forte au sein de votre mouvement concernant ce traité ?

Il y a des différences d’appréciation au sein du mouvement et c’est tout à fait normal. Comme il y en a, je crois, au sein du PS. Mais ce qui unit les écologistes est plus fort que ces différences. La preuve : les attendus de la motion que nous avons adoptée en Conseil fédéral ont été rédigés par les partisans du « oui » et les partisans du « non » ensemble. Les perspectives qu’ils tracent sont les mêmes, quoiqu’ils divergent sur la stratégie du moment. Ils disent ensemble : « L’Europe telle qu’elle fonctionne menace de tuer l’idée européenne elle-même ». Et ils affirment ensemble qu’il faut « plus d’Europe ».

En réalité, l'enjeu est très faible puisque Jean-François Copé et François Fillon appellent tous deux les parlementaires de droite à voter ce traité à l'Assemblée et au sénat à partir de mardi prochain. Le traité sera donc très vraisemblablement adopté par la France, même sans les voix des écologistes. Pourquoi in fine faire tant de bruit avec un problème qui n'en est pas un ? Qu'est ce qui se joue derrière politiquement ?

Il ne se joue rien par derrière ! Nous jouons par devant ! Nous sommes le seul mouvement politique à avoir organisé un vrai débat dans les régions et au plan national sur cette question. Notre position, avouez le, a au moins un mérite : mettre la question à l’ordre du jour, sortir des fausses évidences et remettre l’avenir de l’Europe au centre du débat public. Quelle Europe nous voulons ? Et comment y parvenir ? Voilà des questions que nous voudrions que les Français se posent plus et sur lesquelles il nous reste un gros travail à faire. J’espère bien que les parlementaires, chacun dans leur circonscription, vont organiser des rencontres sur ce thème…

Les ministres EE-LV du gouvernement devraient-ils démissionner s'ils appelaient eux aussi à ne pas voter ce traité selon vous ?

Cécile Duflot s’est exprimé sur la question et a dit clairement sa solidarité avec le gouvernement. Pour ma part, je dois dire que j’ai beaucoup de mal à comprendre pourquoi, au sein d’une majorité, dès lors qu’on dispose d’un accord de mandature qui fixe le cap, on ne peut pas mettre en débat certaines questions… Je trouve que les médias qui valorisent systématiquement les clivages ne rendent pas toujours un bon service à la démocratie. Je comprends que les querelles de famille soient plus « croustillantes » que les déterminations sereines et les engagements communs mûrement réfléchis, mais c’est peut-être un peu dommage !

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