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Lyon : une eau toujours trop chère ?

Au 1er janvier 2018, le tarif moyen de l’eau à Lyon est évalué à 3,13 euros le mètre cube. Pour un foyer de quatre personnes, consommant en moyenne 120 m3 d’eau par an, le budget annuel avoisine les 376 euros, abonnement compris. L’eau lyonnaise est-elle toujours trop chère ? Décryptage.

Avec un prix moyen de l’eau en France à 3,52 euros le mètre cube, selon une enquête de Nus Consulting, Lyon fait figure de bon élève avec ses 3,13 euros. Mais qu’en est-il face aux autres grandes villes ? Selon les données de l’Observatoire national des services d’eau et d’assainissement (ONSEA), Toulouse et Nice affichent les tarifs les plus élevés avec un coût au mètre cube supérieur à 3,74 euros (tarif au 1er janvier 2017). Quant à Paris, où le prix de l’eau est aligné sur la moyenne nationale, l’eau y coûte 3,51 euros le mètre cube. Strasbourg affiche un tarif des plus avantageux avec une moyenne de 2,87 euros. À titre indicatif, toutes villes confondues, le grand écart des tarifs opposerait Antibes (1,50 €/m3) à Évreux (5,05 €/m3). Néanmoins, l’excellence d’Antibes est à relativiser, car ce tarif n’est valable que pour les compteurs individuels, jusqu’à 120 m3, au-delà le prix est de 2,85 euros le mètre cube, prix que payent rapidement les abonnés en compteur collectif dans les immeubles. Sur la scène européenne, la France se situe sur la seconde marche, après l’Espagne, des tarifs de l’eau les moins élevés. Le Danemark, en revanche, où la loi interdit toute gestion par DSP, avoisine les 6,61 euros le mètre cube, un choix politique, avec une volonté de limiter les pertes, le gaspillage, mais aussi la pollution. “Quand on leur dit qu’il y a 85 % de rendement dans certaines villes françaises, ils nous prennent pour des fous, qui gaspillent une ressource précieuse, confie un cadre de l’eau. La France est l’un des pays où l’eau est de bonne qualité, à un bon prix.”

Un prix qui pourrait baisser

Le constat de “bon prix” de l’eau n’est pas partagé par tout le monde. Dans son livre Plongée en eau trouble, Thierry Gadault estime ainsi que le vrai prix de l’eau en France est de 1,50 euro le mètre cube, tout compris. Faisant grincer des dents les partisans des DSP comme ceux des régies. “Avec ce chiffre, il se met à dos tout le monde, y compris les opérateurs publics, fulmine un spécialiste de l’eau. Comment finance-t-on l’investissement dans les tuyaux, la dépollution avec des éléments comme la nanoparticule ou les plastiques ?” Est-il donc impossible de faire baisser le prix de l’eau à Lyon, où le mètre cube est à 3,13 euros (moyenne pour 120 m³, abonnement compris) ? Du côté de la métropole, le service de l’eau indique que, même en arrêtant les investissements, il sera difficile d’atteindre le tarif TTC de 1,50 euro. Jean-Louis Linossier (Association des consommateurs d’eau du Rhône) © Tim Douet Jean-Louis Linossier (Association des consommateurs d’eau du Rhône) © Tim Douet Selon Jean-Louis Linossier, de l’Association des consommateurs d’eau du Rhône et de la Coordination nationale des associations de consommateurs d’eau, qui a consacré vingt ans de sa vie à l’or bleu, “l’assainissement déjà en régie est facturé à 1,0984 par mètre cube sans partie fixe, et le poste organismes publics pèse 0,569 euro par mètre cube – avec 1,50 euro tout compris, il ne resterait rien pour la distribution en eau potable”. Néanmoins, selon lui, un passage en régie pourrait faire baisser le prix au mètre cube à 2,73 euros TTC. Il obtient ce chiffre par une suppression des charges financières du délégataire comme le coût de financement, les frais de siège, et la baisse des tarifs de la sous-traitance, ainsi que l’absence de nécessité de réaliser un résultat positif, quand l’équilibre suffit. Jean-Louis Linossier plaide également pour la fin de l’abonnement fixe à 43,31 euros TTC, “qui plombe les petits consommateurs”. Interrogé sur ce dernier point, Gérard Claisse défend ce poste fixe, indépendant du volume consommé : “Cette part fixe a déjà baissé de 46 %, elle est là pour rémunérer les coûts fixes. Que vous consommiez peu ou non, il faut bien développer le réseau, chercher de nouvelles sources, c’est indépendant du volume.” La tarification dégressive, qui privilégie les gros consommateurs, a déjà été supprimée, mais Gérard Claisse aimerait aller plus loin, avec “la mise en place d’une tarification progressive, mais elle est impossible à mettre en place sur Lyon pour l’instant : 50 % des clients sont sur un compteur collectif en immeuble et il y a beaucoup de logements sociaux là-dedans. Si vous mettez en place de la tarification progressive, vous pénalisez les plus fragiles et produisez l’effet inverse”. La mise en place d’un tarif dégressif devrait prendre encore quelques années : “On a demandé au délégataire de mettre des moyens là-dessus, explique Gérard Claisse, mais pour débrancher des compteurs collectifs et les passer en individuels, il faut le vote des copropriétaires. Certains l’ont fait, mais ça reste faible malgré les incitations.” La tendance à la baisse du prix de l’eau observée ces dernières années pourrait aussi se calmer. Pour Gérard Claisse, la situation actuelle est “le juste prix”. “L’objectif, dit-il, c’est d’aller vers une consommation raisonnée de l’eau, pour protéger la ressource. Le contrat avec Veolia était basé sur une diminution de la consommation de 1 %, elle augmente de 0,50 %, au final.” Les Lyonnais feraient-ils moins attention à leur consommation vu la baisse du prix de l’eau consécutive au nouveau contrat ? La réponse est plutôt à chercher du côté des nouveaux compteurs, plus précis. ––––––––––

Le prix de l’eau

De quoi parle-t-on lorsque l’on évoque le prix de l’eau ? Le tarif de l’eau comprend le service de la production d’eau potable – captage de l’eau, traitement et transport jusqu’au robinet – et un second service, l’assainissement des eaux usées. S’y ajoutent les taxes et redevances, notamment perçues par l’agence de l’eau. À Lyon, la situation est mixte, avec la production et la distribution assurées par Eau de Lyon/Veolia, qui perçoit 34,4 % de la facture, et l’assainissement par la régie de la métropole de Lyon (41,7 % de la facture), le reste part en taxes et redevances. Le tarif final de l’eau pratiqué à Lyon (3,13 €/m3) qui paraît intéressant de prime abord, relève en réalité d’un assainissement à tarif extrêmement avantageux, considéré comme l’un des plus efficaces de France. Article publié le 30/03 dans Lyon Capitale d'avril 2018

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