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Architecture : Lyon est-elle une ville audacieuse ?

Si les élus ont, semble-t-il, pris conscience de l’intérêt et des enjeux de l’architecture urbaine, Lyon n’est toujours pas une métropole qui compte sur le plan architectural. Et alors que la ville est plus innovante lorsqu’elle dessine le patrimoine architectural de demain – notamment à la Confluence –, l’audace n’est toujours pas au rendez-vous malgré quelques jolis coups d’éclat. Quand on regarde les vingt dernières années, on ne peut que constater que le curseur n’est pas le critère architectural.

Au tout début de l’été, un événement est passé (quasi) inaperçu à Lyon : l’inauguration de l’esplanade François-Régis Cottin, à la Duchère. Cet architecte s’est fait connaître en signant notamment la “tour panoramique” du plateau de la Duchère – “unique objet de nos ressentiments urbains”, selon les mots sévères de son confrère Jacques Rey, du Centre de culture urbaine Archipel. Pourtant, le 1er janvier 1972, lors de sa livraison, le gratte-ciel – comme on l’appelait à l’époque – de trente étages et de presque cent deux mètres de haut, constitue alors un véritable événement. Symbole de la Duchère, la tour modifie totalement l’horizon de Lyon. Le long voyage en Amérique du Nord qu’il réalise en 1966 confirme François-Régis Cottin dans ses intuitions : Johnson, Wright, les figures de l’école de Chicago devaient lui faire grande impression. Alors même que les tours de verre s’élèvent dans le ciel de Paris au début des années 1970, l’architecte lyonnais reste fidèle à son matériau de prédilection, le béton, dans lequel il modèle la personnalité expressive de la tour panoramique de la Duchère. Surnommée un temps la “râpe à fromage”, en raison de ses balcons triangulaires, ce cylindre bétonné en forme d’étoile, pensé pour optimiser l’ensoleillement naturel permettant ainsi à tous les logements de capter le maximum de lumière naturelle directe, “s’impose aujourd’hui comme un élément majeur du patrimoine contemporain lyonnais”, écrit le CAUE (Conseil d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement). La destruction de sept barres d’immeubles entre 2003 et 2015, mode grise des années 60, pour laisser place à un ensemble de constructions nouvelles et modernes, témoignant d’un “vocabulaire architectural” précaire, du moins à cette époque de l’histoire. Toutefois, depuis 2003 et le début du Grand Projet de Ville (GPV) de la “troisième colline lyonnaise”, la tour panoramique porte le label “Patrimoine du XXe siècle”, au même titre que les immeubles de logements “Les Érables” de Dubuisson (1972), l’église Notre-Dame-de-Balmont de Genton (1964-1965), l’église Notre-Dame-du-Monde-Entier de Cottin (1968-1969) et le château d’eau Cottin et Esquillan.

1977, premier coup de “Crayon”

Mais l’événement architectural qui fait date dans l’histoire moderne de Lyon, et dont l’aura déborde très largement les frontières régionales et nationales, c’est l’érection en 1977 du “Crayon” de la Part-Dieu. “Aujourd’hui, on peut considérer la tour Part-Dieu comme étant d’avant-garde pour l’époque, explique le géographe Claude Kovatchevitch, guide urbain pour les Promenades architecturales de Lyon. C’est un bâtiment totalement étrange, assez original et qui annonce ce qu’on fera ensuite, comme Canary Wharf à Londres ou la tour Messeturm à Francfort. Ce sont des constructions iconiques. On est dans le signal, dans le symbole.” Et malgré l’élévation postérieure d’autres tours, le “Crayon” restera l’un des principaux landmark de la ville, avec la basilique de Fourvière. Pour Valérie Disdier, historienne de l’art et urbaniste de formation, ancienne directrice de la Maison de l’architecture Rhône-Alpes, aujourd’hui en charge de la valorisation et la médiation des projets scientifiques à l’École urbaine de Lyon, “on est dans la suite du mouvement moderne. C’est [la tour Part-Dieu, NdlR] un objet radical, hypervisible, un repère iconique pour l’ensemble de l’agglomération, dont la structure fabrique l’architecture du bâtiment. La tour Part-Dieu résonne avec la tour panoramique de la Duchère. C’est un objet sculptural qui résonne aussi avec la Renaissance. Cossutta le disait : si la tour est rose et a une telle épaisseur sur la façade, c’est pour qu’elle entre en résonance avec la Tour rose à Saint-Jean”. Ce qui est intéressant avec la tour Part-Dieu, c’est qu’elle a été construite par Araldo Cossutta, un architecte américain – ancien associé du cabinet de Ieoh Ming Pei, à qui l’on doit la pyramide de verre et d’acier du Louvre. Selon Charles Delfante, “penseur” de la Part-Dieu, “c’était le célèbre architecte Ieoh Ming Pei qui devait réaliser la tour signal. Mais vexé par l’attitude des investisseurs à la Défense (il construisait alors la tour EDF, à Paris, NdlR) et trop occupé, il nous délégua Araldo Cossutta, un de ses ‘partners’”. Cossutta est le premier architecte étranger à signer un bâtiment à Lyon(1). La tour Crédit Lyonnais, surnomée Le Crayon (©Antoine Merlet)

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