À Lyon, les lycéens et les étudiants à l’épreuve de la présidentielle

La question du second tour de l’élection présidentielle agite-t-elle les débats dans les couloirs et à la sortie des établissements lyonnais ? Corvée pour certains, devoir moral pour d’autres, petit tour d’horizon chez les étudiants et les lycéens lyonnais à quelques jours d’un scrutin majeur.

Protégé de la pluie par la capuche de son pull, Lucas ne sait pas encore s’il ira voter dimanche. Au premier tour, l’adolescent en filière professionnelle Transport au lycée Alfred-de-Musset a accordé sa voix à “gauche, en faveur de Mélenchon”, mais “sans vraiment y croire”, concède-t-il. Le 1er mai, il était dans la rue pour l’ambiance" et "pour montrer qu’on est là. Et puis Le Pen... jamais !” Anaïs, petite brune fluette en terminale littéraire, s'abrite sous un parapluie. Après avoir voté à gauche au premier tour, elle hésite à répondre à propos de son choix pour la suite. “Non, je ne dirai pas”, esquive-t-elle en riant. La jeune fille est indécise quant à exprimer ses opinions politiques devant ses amis. Concernant son implication dans la campagne électorale, elle affirme une position distante, mais citoyenne : Je ne fais pas les manifs, les meetings, les événements comme ça. Je m’intéresse, je vote et c’est tout.

Entre devoir de voter et désintérêt politique

Pour Zenijin, 20 ans, élève au lycée Magenta à Villeurbanne, cette présidentielle est un épisode majeur. Il défend l'idée qu'aller voter est important : "Je suis français et j'ai le droit de décider du futur président. On se doit de s'intéresser aux événements actuels pour élire un chef d’État qui en vaut la peine", répond-il. Jennaba, 18 ans, est aussi de cet avis : "Voter est un devoir !" lance-t-elle, avant de qualifier cette présidentielle de "triste". D'un air déçu, elle confie : "On ne choisit plus par envie, mais par dépit." Passé les grilles du lycée, Dora, 17 ans, est étudiante en gestion administrative. Elle ne s'attarde pas sur la question : Même si j'étais majeure, je n'irais pas voter. Tout est truqué, on le sait tous !” Pour cette jeune lycéenne, cette présidentielle a laissé de côté des termes importants, comme la solidarité ou le respect. La jeune fille est aussi déçue de ne pas voir Jean-Luc Mélenchon au second tour. Elle préfère oublier la date du 7 mai, qui marquera la fin d'une présidentielle qu'elle qualifie de “catastrophique”. C'en est assez de parler de politique, entourée de ses amies, elle s'empresse de se mettre à l'abri pour discuter des examens à venir.

Près de l'établissement, rue Magenta, deux autres élèves profitent de la pause-déjeuner pour bavarder. Fatima et Laeticia ont un avis mitigé sur le fait de mettre un bulletin dans l'urne. "J'ai beau être en âge de voter, je n'y suis jamais allée", confie Laeticia. "Moi non plus", avoue Fatima. Pour cette dernière, les candidats à la présidentielle ne lui correspondent pas. "Les convictions qu'ils défendent ne me parlent pas", soupire-t-elle. Les deux amies sont un peu gênées de parler politique, il s'agit pour elles d'un sujet "dont on discute en famille, mais rarement avec les amis". Concernant dimanche prochain, là encore les deux élèves sont du même avis : voter ? pourquoi pas. Mais pour qui ?

Quand les jeunes choisissent le front républicain

Guillaume, étudiant à la Manufacture des Tabacs, se sent concerné par les élections. Il a déjà participé aux meetings d'Emmanuel Macron et de François Fillon à Lyon. "J’y suis allé pour me renseigner sur leurs discours, et j’ai finalement opté pour Macron après le scandale du Penelopegate et le “volet catholique” du candidat des Républicains". Mais, "faute de temps", il ne participe pas aux manifestations. Il condamne par ailleurs les abstentionnistes qui protestent contre le Front national : "Ils ne veulent pas de l’extrême droite, mais ils n’utilisent pas non plus leur vote pour l’empêcher de passer." Pour lui, le slogan “Ni Le Pen ni Macron” n'a aucun sens. "Je ne comprends pas que l’on puisse mettre l’ultralibéralisme et le fascisme sur un pied d’égalité", poursuit-il. En tout cas, le jeune homme a pris sa décision pour le second tour : "Je voterai pour Emmanuel Macron le 7 mai. Non seulement parce qu’il répond à mes convictions politiques, mais aussi car je refuse de voir Marine Le Pen à la tête de la France."

Au lycée technologique Chevreul-Lestonnac, Jérémy et Christophe, 17 ans tous les deux, sont en 1re ST2S. Très impliqué derrière l’ex-candidat François Fillon, Jérémy partage ses inquiétudes quant au verdict du second tour. Il ne veut pas revivre "un quinquennat à la Hollande". Si Christophe acquiesce sur ce point, il n’aurait pas opté pour le candidat Les Républicains. "Je pense que si j’avais eu le droit de vote, j’aurais misé sur Jean-Luc Mélenchon ou sur Emmanuel Macron au premier tour", confie le lycéen. Tous deux regrettent de ne pas avoir pu glisser leur bulletin dans l’urne pour la présidentielle. Pour autant, ils se sont impliqués comme ils l’ont pu en politique. "Je suis allé à la Manif pour tous à Lyon, mais malheureusement ça n’a rien changé", déplore Jérémy. "J’étais également au meeting de François Fillon à Lyon et à son QG à Paris pour les résultats des élections. Ma famille et moi sommes très impliqués", ajoute-t-il fièrement. Il soupçonne par ailleurs des "élections influencées", dénonçant notamment "des bureaux de vote à Lyon où aucun vote blanc n’a été comptabilisé, ce qui est impossible". Les opinions des deux amis se rejoignent sur un point : ils auraient tous les deux glissé un bulletin pour Emmanuel Macron au second tour pour "condamner la haine qu’incarne le Front national".

De Poutou à Marine Le Pen, en passant par Jean-Luc Mélenchon

Au lycée Albert-Camus, à Rillieux-la-Pape, les élèves bavardent devant les grilles le temps d'une cigarette. "J'ai 18 ans et j'ai voté pour Philippe Poutou, confie un lycéen. J'aime bien les petits candidats, ils proposent des choses intéressantes, je trouve qu'on ne parle pas assez d'eux." Un groupe de lycéennes en terminale STMG arrive, les jeunes filles clament en chœur avoir voté pour Jean-Luc Mélenchon, par dépit pour l'une, parce qu'il était "le moins pire", "le plus honnête" ou"celui qui nous comprend le mieux" pour les autres. Voter Macron au second tour, c'est, pour bon nombre de ces lycéens, empêcher le Front national d'accéder au pouvoir. Mais tous ne sont pas du même avis et certains soutiennent la candidate FN : "Je trouve son programme moins colonial, confie Lucas, en terminale STMG. Hormis sur le domaine de l'immigration et la sortie de l'euro, je trouve son programme plus adapté à notre vie que celui de Macron."

Malgré leur enthousiasme à débattre de ces élections, les élèves du lycée Albert-Camus déclarent en grande majorité qu'ils ne suivront le déroulement du second tour des élections que de loin, via les réseaux sociaux notamment. "Je pense qu'on en parlera entre nous sur Snapchat ou sur Facebook, mais on ne va pas passer la soirée là-dessus", témoigne une lycéenne. D'autres regrettent en revanche que le débat ne soit pas plus abordé au sein des établissements, notamment avec les professeurs.

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