une Lyon Capitale 789 juin 2019

À Lyon, tout devient possible – L’éditorial de juin

Dans tous les partis, les européennes étaient attendues comme le moment clé qui décanterait les campagnes municipales et métropolitaines de mars prochain. Elles nous ont finalement confirmé ce que l’on savait déjà : à quelques nuances près, on retrouve le paysage politique apparu à la présidentielle de 2017. Difficile de continuer à y voir un accident.

Un pôle central autour de 30 % a émergé à Lyon et il est sensiblement le même dans le Grand Lyon : c’est le score d’Emmanuel Macron en 2017 à Lyon, celui de Gérard Collomb (31 %) ou David Kimelfeld (27 %) dans notre sondage de décembre dernier, celui de Nathalie Loiseau (28,76 %) aux européennes. Cette “nouvelle UDF”, selon la formule employée dans l’entourage de Gérard Collomb, fait ses meilleurs scores dans les arrondissements réputés à droite, comme le 6e, le 2e et le 5e. Les deux rivaux Kimelfeld et Collomb ont chacun trouvé des raisons de se réjouir mais, pour conserver la ville et la métropole, ils auront besoin d’alliés et ne peuvent pas vraiment se permettre une lutte fratricide pourtant bien engagée.

À droite de ce bloc, le RN plafonne autour de 10 % et la droite continue sa descente aux enfers. Représentant le parti de Laurent Wauquiez au grand débat des européennes organisé par Lyon Capitale et Sciences Po Lyon, Philippe Meunier avait confié sa satisfaction de voir son parti enfin en phase avec sa propre ligne antilibérale et souverainiste. Ce LR-là est à 10,35 % à Lyon, quand François Fillon rassemblait il y a deux ans 23,41 %, et il ne permettra pas au vice-président du conseil régional d’avoir “la fierté de siéger aux côtés de Viktor Orban”. C’est le même constat dans toute la métropole, où le score LR doit donner bien des sueurs froides à Philippe Cochet à Caluire (12,71 %), Alexandre Vincendet à Rillieux (13,04 %), François-Noël Buffet et Clotilde Pouzergue à Oullins (8,02 %)… Gérard Collomb et En Marche chassent désormais clairement sur leurs terres.

“Gérard Collomb s’est pradélisé”, résume Michel Noir, en référence à l’ancien maire de centre-droit Louis Pradel. Ce qui n’est pas un compliment à ses yeux, tant il le rend responsable de la bétonisation d’une ville qu’il s’enorgueillit d’avoir réveillée et embellie à partir de son élection en 1989. Alors qu’il reconnaît des qualités au maire actuel, qui a poursuivi les transformations qu’il avait initiées il y a trente ans, et qu’il a même voté Macron aux deux tours de la dernière présidentielle, l’ancien maire nous confie dans un sourire que l’année prochaine “Noir votera Blanc”, officialisant ainsi son soutien à Étienne Blanc dans la prochaine municipale. “Passé 70 ans, ce n’est pas raisonnable de faire de la politique, dit-il. Collomb n’a pas assez de futur dans la tête pour imaginer Lyon dans trente ans.”

Mais la principale menace pour Gérard Collomb devrait logiquement venir de sa gauche, où, à Lyon comme dans l’ensemble de la métropole, s’éparpillent près de 40 % des électeurs, dont la moitié chez les seuls écologistes. En clair, rassemblée, la gauche serait en position de faire un raz-de-marée sur l’agglomération en mars. Sauf qu’elle en semble très loin, faute de voir émerger une figure de rassemblement. La candidate la plus naturelle, Nathalie Perrin-Gilbert, s’est enferrée dans son alliance avec LFI en tentant d’amener les amis de Jean-Luc Mélenchon sur une stratégie d’union de la gauche. C’est le constat qui motive la mystérieuse candidature de “Madame Z”. Prenant modèle sur le Monsieur X qui fit la une de L’Express en 1965, Madame Z espère tester l’envie d’un rassemblement large à gauche sur la base d’un projet commun, sans se faire polluer par des questions de personnes. La démarche est suffisamment originale pour que nous ayons accepté de préserver son identité quelques semaines, mais elle en dit long sur le difficile chemin qui attend la gauche métropolitaine pour transformer une réalité sociologique favorable en une majorité capable d’enclencher la transition écologique et sociale pour laquelle les habitants de la métropole votent de manière répétée.


[Éditorial du mensuel Lyon Capitale n° 789 – Juin 2019 – En kiosques le 31 mai 2019]

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